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En équilibre au dessus d’une voie ferrée, une grande...

Publié le 12 juin 2010 par Fabrice @poirpom
En équilibre au dessus d’une voie ferrée, une grande...

En équilibre au dessus d’une voie ferrée, une grande bâtisse dans un terrain dominé par la verdure. Seule trace de chlorophylle dans un rayon de 600 mètres. Au loin, des barres d’immeubles. 

Aux abords des quartiers nord de planète Mars.

K-Ro pose des questions dont on a déjà la réponse. Et dit plein de choses qu’on sait déjà. 

J’ai besoin de bien tout verrouiller.

Jou-Jou mène la barque. Répond à quatre questions, en pose huit et écoute trois recommandations cordiales. Le tout, en même temps.

Char-Lee est dans la place. Il sautille comme une fan de Britney Spears. Agrippés à ses guiboles, deux technicos équipés audio et vidéo.

J’vais faire des trucs pour le web. Il m’faut un cri de Tatayet et un rire de psychopathe pour ponctuer la vidéo. Obligatoire.

Leen-C est radieuse. Sourire aveuglant, manches retroussées, t-shirt noué au-dessus du nombril - orné d’un piercing. Presque une broche. Qui scintille.

J’récupère la star à la gare. J’dois lui expliquer c’qu’on fait. Coton. Faut qu’j’potasse, je sais pas c’qu’on fait. On est où, là?

La baraque accueille les jeunes camés du coin. Les héberge éventuellement. Bosse, lentement, pour essayer de redresser un peu ces esquintés.

Et toute la bande est là pour dépoussiérer un peu la bicoque.

Au pied, une pelouse. Quatre bureaux accolés en guise de table de jardin, une flopée de chaises dépareillées et déglinguées, un banc de jardin fait de parpaings cimentés, un barbecue qui sert de benne à gravats. Aux abords de la pelouse, une traînée de vilaines herbes. À droite de la maison, un demi terrain de basket en béton. Fracturé, souillé par le Temps qui chie sur tout ce qu’il touche.

B-Ka et son équipe s’y collent. À coups de pattes, à coups de griffes. Nettoyage exhaustif et méticuleux. Une belle brochette nettoie le barbecue et les abords de la pelouse et du chemin qui mènent à la grille. Des sacs entiers d’herbes folles, mortes, sèches, s’accumulent en quelques heures. De l’autre côté, deux fous furieux, aux allures de geeks pubères et boutonneux, s’attaquent au lancer franc. La vieille dalle de béton rajeunit de dix ans. Puis le sifflement cinglant des rouleaux de scotch retentit. Repérage du marquage épuisé. Ficelle et craie pour un compas de fortune: la raquette reprend forme. Deux bacs de peinture et trois pinceaux plus tard, elle reprend vie.

Switch!

À l’arrière de la maison, sur les hauteurs, herbes hautes et arbustes essoufflés dissimulent une terre sèche comme un caillou. Sur quelques mètres carré, une zone a été débroussaillée pour pouvoir bosser. Puis K-Pu a préparé son terrain le matin même. En arrosant pour ramollir la terre. Faciliter un peu le travail. Elle a fait ça lentement. Très lentement. Parce que le tuyau à disposition, aussi étanche qu’une éponge, a autant de pression qu’une perf d’hôpital.

Elle récupère son équipe. Chapeau de paille qui souligne la peau mat de son visage, sourire sur pattes, gavée de soleil, K-Pu anime et dispatche sa bande à grands coups d’éclats de rire. Elle colle trois têtards aux carrures de bûcheron sur la boîte à compost. Elle arme les autres microbes de binettes, bêches, pelles et pioches. Avec de la corde et quelques clous plantés dans le sol, le champ d’action est délimité.

Dézinguez-moi tout ça!

Dans l’après-midi, quelques palettes deviennent une boîte à compost. Où les sacs de l’équipe de B-Ka finiront leur course. Et un potager voit le jour, à grands renforts de terreau. Humble et beau. Quelques pieds de tomates, attendus par des tuteurs qui les aideront à tirer vers le haut. Et deux fraisiers, gourmands en soleil. Doudou, l’un des bûcherons de l’équipe de K-Pu, casse quelques carreaux de carrelage récupérés dans un coin. Il orne le potager d’une mosaïque de récup’. Smileys et soleils apparaissent sur cette terre nouvellement fertile.

De son côté, Axl s’occupe de l’intérieur. Bâches en plastique et scotch de peintre avant la bataille. Armée de pinceaux et rouleaux, agrippée à des escabeaux, sa fine équipe peinturlure quelques pièces ternies par ce connard de Temps. Bleu ciel et Jaune lumineux  faits maison remplacent les couleurs trop sombres d’un endroit qui se veut accueillant et réparateur.

Au fil des activités, les observateurs s’accumulent. Pontes, journaleux et gratte-papiers en tous genres aux rictus condescendants. Choupette les accueille, un flingue imaginaire sur la tempe, en souriant.

Tout va bien? Merci d’être venu. Voilà ce qu’on fait. C’est formidable, non?

Le nombre de personnes qui regardent dépasse bientôt celui de ceux qui bossent. Toute la bande et leurs équipes sont à plein régime. Les pinceaux volent, la peinture gicle, la terre cède.

La patronne déboule. Radieuse, Jean’s bien coupé, haut à rayures. Elle claque des bises de courtoisie à tous ceux qui sont susceptibles. 

On n’a pas la presse nationale. Peu se sont bougés le cul. Mais la locale nous adore. Tout va bien?

Manque de pinceaux, matos en vrac, journaleux plein les pattes. Choupette frise l’arrêt cardiaque, Jou-Jou disserte sur la taille de la raquette du terrain de basket avec 100 personnes sur site. Sam-Ya parle aux fleurs, Leen-C fait le pied de grue avec la star dans un mini-bus.

Cool.

La star, briefée par Leen-C, atterrit. Une carrure de crevette dans un t-shirt trop grand.

Il veut planter un fraisier.

La crevette est souriante et disponible. Tous les têtards s’agglutinent autour de lui. Puis, progressivement, retournent au turbin. Boucler toutes les bricoles.

Fin de journée. Star, patronne et journaleux dégagent. Les têtards ont leurs carottes et la collation de rigueur après une après-midi de taff. 

La scintillante broche de Leen-C s’enflamme.

On a un texto de la patronne. Elle a adoré. De sa part, c’est comme un bouquet de roses. Je déguste.

Reste la bande qui plie le foutoir, l’entasse dans le camion et dégage. Sur l’A7, la lumière de cette fin de journée détend les muscles et caresse les cils. Pellicule de sueur sur toute la peau.

Retour dans les locaux. Déchargement. Leen-C traîne le matos comme un cadavre.

C’est la première fois que je décharge un camion. Suis hyper émue.

Une voisine, voix flinguée par quarante ans de Gitanes, peau boursouflée par la vinasse, vient cracher son venin. Jou-Jou temporise quelques minutes, Axl conclue la conversation stérile.

Extinction des feux. Grimpette jusqu’à la maison étrange. B-Ka s’étale sur un canapé.

Euh… on débriefe?

Papotages en famille. Du speed 100% bio plein les veines, Jou-Jou a du mal a redescendre. Onze heures du soir, il dégote une bassine et prépare sa tambouille chimique. Panoramix nocturne, il redémarre la piscine.

Week-end le cul dans l’eau. Obligatoire.

10 juin 2010. La machine est lancée.


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