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Everyday

Publié le 13 juin 2010 par Magda

Everyday

« Strawberry Shortcakes », manga de Kiriko Nananan

Je vous ai déjà parlé, il y a un an et demi, de Kiriko Nananan.

Pour moi, c’est une histoire d’amour qui a commencé en 2008 alors que je suis tombée sur l’album Amours blessantes, publié aux éditions Sakka.

Ce trait pur, ces cadrages inattendus. Toujours des histoires de jeunes filles – mais de jeunes filles qui en bavent, de l’amour. Qui dorment sur le paillasson du mec qu’elles aiment. Qui se demandent d’où elles viennent, où elles vont. Si elles pourront supporter le quotidien avec un homme. Si leur poisson rouge a la réponse à la question : « Est-ce que ça fait peur, la mort? » Si elles auraient dû garder cet enfant qui poussait dans leur ventre même si…

Kiriko Nananan fait du cinéma sans en avoir l’air. Un cinéma en noir et blanc, tendre, lent, puissant et intime. Ses romans graphiques vont toujours chercher la mèche de cheveux égarée sur l’oreiller, en gros plan, ou un travelling très doux sur une rue déserte de Tokyo, la nuit.

Le dialogue intérieur des jeunes femmes est une somme de petits haïkus qui ne cherchent pas la sophistication. Les héroïnes parlent comme ce qu’elles sont : des filles de vingt-cinq ans.

Everyday

Kikuchi

a caressé

mon corps.

Personne

d’autre

ne doit me

toucher!

Everyday est un très bel album qui raconte le quotidien extrêmement banal d’une jeune vendeuse de vêtements qui subvient aux besoins de son petit ami musicien. Jusqu’au jour où elle accepte un job comme hôtesse de bar… et les propositions graveleuses d’un client…

Water regroupe les premières histoires de Nananan publiées dans des magazines pour la jeunesse dans les années 90. Où l’on voit que son trait s’est grandement affiné et qu’elle excelle aujourd’hui dans l’art de l’épure. De même, ses personnages ont des visages clairement plus japonais qu’à ses débuts.

Strawberry Shortcakes est l’une de ses œuvres les plus bouleversantes. Quatre portraits de filles à Tokyo, perdues dans leurs tourmentes intérieures et leurs histoires d’amour foirées. Kiriko Nananan se met elle-même en scène de manière violente : la jeune Tôko, dessinatrice, est devenue boulimique après s’être fait plaquer par l’homme qu’elle aimait. Elle raconte ses crises, sa solitude, sa honte. Sa coloc, Chihiro, est une enfant de paysans, et renie ses origines farouchement, bouffée de complexes et d’ennui dans la grande ville. Pendant ce temps, Akiyo se prostitue mais n’aime que Kikuchi, un jeune homme déjà engagé ailleurs, pour lequel elle est au bord du suicide. La dernière héroïne, une petite fliquette à tresses, se demande si elle est capable d’aimer. Elle noie son désarroi dans la bière.

Si Strawberry Shortcakes ne fait aucun cadeau narratif au lecteur (ça finit… ni bien ni mal), il est surtout un voyage intérieur au cœur de l’âme de ces jeunes femmes, et c’est là sa plus grande beauté. L’homme qui voudrait savoir ce qui se passe dans nos têtes n’a plus qu’à lire Kiriko Nananan.

Il n’existe que quelques albums traduits en français, et ils sont tous publiés chez Sakka.



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