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"Des baisers froids comme la lune" de Mélanie Chappuis

Publié le 15 juin 2010 par Francisrichard @francisrichard

Il m'arrive d'acheter un livre à cause de sa couverture, ou de son titre, ou de sa typographie, ou du papier dont il est fait. Pour toutes ces raisons à la fois, j'ai choisi de lire Des baisers froids comme la lune de Mélanie Chappuis, publié par Bernard Campiche Editeur ici. Mais aussi parce Sébastien Fanti en disait du bien et que la lecture des rabats de la couverture m'en a donné envie.

La couverture est une reproduction brillante d'une toile de Guy Oberson, Après une nuit de pluie 2. Le titre est un vers tiré d'un poème de Charles Baudelaire, Le Revenant, qui figure dans son recueil Spleen et idéal. Quand Anna parle ou écrit, les caractères de la police utilisée sont droits, élégants, fins. Quand Vincent parle ou écrit, ils sont ronds, sinueux, pleins. Le papier d'un jaune pastel est agréable au toucher et à la vue.

Vincent est un vieux beau, de 55 ans, à la tête du plus grand journal de Suisse romande. Il se veut séducteur, conquérant, mâle quoi, dont la coquetterie est de ponctuer sa pensée, ses paroles écrites et orales, d'un peu d'anglais, sorte de touche snob et convenue, qui lui fait croire qu'il reste tendance. Pour le sexe il a plus volontiers recours aux professionnelles, ce qui lui donne la paix des sens pour séduire tout à son aise. Ce dont il ne se prive pas.

Anna, 28 ans, vit au foyer, mère d'une petite Mona, épouse d'un beau chirurgien esthétique de 35 ans, Victor, qui lui assure gîte et couvert dorés et qui sculpte les formes de riches clientes venues de l'Est. Victor est le demi-frère de Vincent. Lequel n'aspire qu'à une chose, à séduire la belle Anna, éventuellement à la mettre dans son lit, même s'il peut craindre à juste titre, l'âge n'aidant pas, de connaître la panne qui affectait parfois Stendhal.

Attachée aux valeurs morales de la bourgeoisie traditionnelle, Anna culpabilise, hésite à sauter le pas et à succomber à ces amours adultères que Vincent lui présente sous le meilleur jour, de manière fort habile. Elle résiste dans les premiers temps aux assauts de ce séducteur impénitent, qui fantasme dur sur cette jeune femme de 27 ans sa cadette et qui se sent pousser des ailes, parce qu'il sent bien qu'il possède les armes pour parvenir à ses fins, que l'aventure le rajeunit en quelque sorte et qu'elle lui donne même du coeur à l'ouvrage dans l'exercice de sa profession.

Tout au long des relations qu'entretiennent les deux amants, l'auteur nous dévoile leurs pensées intimes, mises en parallèle avec leurs échanges épistolaires, qui sont tout de même révélateurs. L'évolution de ce qu'ils pensent l'un de l'autre et de ce qu'ils deviennent au fil de cette liaison apparaît dans une lumière de plus en plus crue jusqu'à la fin, à laquelle on s'attend, en l'espérant et en la refusant tout à la fois, pris que nous sommes dans le tourbillon de l'histoire, prenant alternativement parti pour l'un ou pour l'autre.

Lire Mélanie Chappuis est un véritable plaisir. L'attention est soutenue jusqu'au bout. L'écriture est élégante, soignée, jusque dans les rares écarts de langage, propres à notre époque, qui n'est pas faite pour les bégueules. Au fond, tous les mots sont pesés, bien à leur place, tout en étant pleins de grâce. On se rend compte qu'il n'est pas besoin d'écrire des tonnes pour façonner un véritable petit bijou d'expression. 

La psychologie des personnages est tout à fait crédible, si elle est parfois un peu caricaturale. L'auteur se met facilement à la place de la jeune femme, ce qui n'est pas étonnant, compte tenu de son âge et de son sexe, à celle du quinqua bien mûr, ce qui l'est davantage. Les caractères des deux protagonistes n'en prennent que plus de consistance.

La fin de ce roman est morale puisqu'est pris qui croyait prendre...

Francis Richard     


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