En dénonçant d'une colère bien feinte l'abri antiatomique cinq étoiles des bleus en Afrique du Sud, la ministre des sports Rama Yade s'est livrée à un numéro de poujadisme new look. Elle a touché du doigt les bas instincts de la politique. Était-elle consciente de la portée d'une telle déclaration ? Pensait-elle pouvoir mettre à bas le monde corrompu de la planète foot ?…
Comment ne pas être d'accord avec elle, au moment où, précisément, se joue dans le pays la carte des retraites ? Comment ne pas songer à la précarité, au chômage, au service public qu'on démantèle, alors qu'à l'autre bout du monde nos chèvres se la pètent grand luxe dans un palace ? Et tout ça dans une ambiance délétère avec une équipe de foot qui, malgré le moyens mis à disposition, ne casse pas trois pattes à un canard !
Il est heureux de constater que si le poisson meurt par la gueule, madame Rama Yade a dû éprouver un curieux sentiment en découvrant l'édition du Canard Enchaîné de ce 16 juin.
Jusqu'à nouvel ordre, le ridicule ne conduit pas nos politiques, ni personne, au tombeau. Nous serions, soudain, bien seuls et, pourquoi ne pas le dire, enfin débarrassés d'une bande de bras cassés qui, en dirigeant les affaires du pays, nous conduisent droit dans le fossé.
Rama Yade s'est comportée dans cette affaire de façon irresponsable, même si sur le fond elle a raison. Pas jolie, jolie sa méthode ! Qui ne sait pas aujourd'hui de quoi est fait l'univers du sport et du foot en particulier ? Qui ignore encore la tricherie, l'arnaque et les coups bas d'une mafia qui ne dit pas son nom ? Qui ne veut pas, dans ce pays, que cet univers glauque, fait de combines, de détournement, de violence, de pression et de tricherie cesse de corrompre les esprits ? Ceux qui en profitent !
L'équipe de France de foot fonctionne, à des degrés variables, comme toutes les autres disciplines sportives, à l'argent, au spectacle et au dopage. Le dernier des blaireaux sait ça. Pas un haut dignitaire - responsable politique ou patron médiatique - qui ne soit pas au courant. C'est seulement maintenant que Rama Yade le découvre ou c'est seulement maintenant qu'elle veut focaliser l'actualité sur sa personne ? Que voulait-elle dénoncer au juste ? A-t-on déjà vu un riche, un puissant, un pourri - dont Rama Yade n'est que la servante - scier la branche sur laquelle il est assis ?
Jouer aux vierges effarouchées en dénonçant ce que tout le monde sait depuis des lustres, c'est jouer au coup d'épée dans l'eau. Est-elle assez stupide pour ne pas le savoir ? Voulait-elle disant cela ouvrir le débat pour assainir le milieu sportif ? Voulait-elle que les sommes colossales générées par le sport soient investies à faire le bonheur du monde ou voulait-elle à la manière de son maître et président faire diversion ? Pendant qu'on parle de ça, en loucedé, on magouille réformes et coups tordus ? Si telle était l'objectif, le coup n'est peut-être pas réussi, mais bien tenté. Rama Yade est bien la ministre d'un gouvernement de nazes qui dénonce le lucre pour mieux en profiter. La chose est politiquement éprouvée.
Ce qu'elle ignorait madame Yade c'est qu'elle allait se faire épingler comme une bleue avec sa propre chambre d'hôtel en Afrique du Sud. Entre deux parties de cache-cache avec l'équipe de France - chaque équipe boudant l'autre -, lors d'une visite orchestrée dans les Townships, Le Canard Enchaîné, dans son édition du 16 juin, nous fait faire le tour du propriétaire de la chambrette d'hôtel de la dame. La chose est assez aberrante !
Alors que les joueurs français dorment dans des chambres doubles à 589 euros la nuit, la secrétaire d'État aux sports bénéficie d'une “junior suite” dans un cinq étoiles de Georgetown, à 667 euros la nuit. Économe, Rama Yade n'a pas fait de folies avec les membres de son cabinet, puisqu'ils ne bénéficient que des masures à 340 euros chacune.
Vive le sport !