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Thon rouge, l'heure du bilan

Publié le 16 juin 2010 par Jpa

Thnon rouge, pecheurs, greenpeace, l'heure du bilan

Après quatre jours sur les traces du thon rouge, de ceux qui le pêchent et des écologistes qui tentent de les en empêcher, il est sans doute l’heure de dresser un bilan de ce reportage.

Greenpeace a essayé à trois reprises de libérer des thons rouges prisonniers d’une senne ou d’une cage au large de l’île de Malte. En vain. Tous les thons qu’ils ont croisés finiront leur vie comme repas sur une table – probablement japonaise – après avoir été engraissés à Malte. J’ai participé à la troisième de ces “actions”, selon la terminologie interne. Après près de trois heures de course-poursuite avec les propriétaires des thons et la marine maltaise, les zodiacs ont été remontés sur le pont de l’Arctic sunrise et du Rainbow warrior. Une décision assez sage car l’affaire aurait pu virer à l’aigre. Greenpeace n’a pas réussi. Mais était-ce vraiment le but ?

Happening hauturier. A bord, j’ai posé cette question à plusieurs équipiers. La plupart ont reconnu, voire revendiqué, l’intêret symbolique

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de ces essais. Ce ballet hauturier est un happening destiné à attirer l’attention des citoyens à Paris, Amsterdam ou Londres. Bien sûr ce dernier échec a navré – sincèrement, j’en suis certain – les militants qui soulignent que l’on est toutefois à la limite de l’anodin : les quantités de poissons dans les cages sont telles et les ressources supposées dans la mer si faibles…

Attirer l’attention du public sur un évènement qui se trame à trente ou quarante milles de la terre ferme ne peut se faire sans image et sans médias. On ne m’a pas proposé de venir à bord par philanthropie. Personne n’était dupe. Nous avions donc décidé, avec la rédaction en chef du Monde.fr, de pas nous borner au seul aspect écologiste de l’affaire, mais de le prolonger en allant à la rencontre de pêcheurs et de scientifiques spécialistes du sujet.

Pour compléter le panorama il aurait fallu interroger les gérants des fermes d’embouche, mais le timing était trop serré et les fermes que j’ai contactées m’ont fait savoir qu’en pleine saison, ce n’était pas vraiment le moment…

Moyens considérables. Pour créer puis diffuser cette image qui jouera le rôle de banderole auprès des lecteurs/téléspectateurs/citoyens, Greenpeace use de moyens matériels et humains considérables. En tout, ce sont deux navires, une dizaine de puissants zodiacs, un hélicoptère qui étaient mobilisés pour plus d’un mois. A quoi il faut ajouter les moyens de communication, le carburant, la logistique à terre, les cameramen, les photographes et globalement, la soixantaine de personnes qui étaient à bord. Ce sont en majorité des hommes, de tout âge et de toute nationalité et seule une toute petite minorité est bénévole.

Les autres sont salariés. Il y a ceux qui s’occupent de la campagne à proprement parler. Et puis il y a les membres d’équipage – le capitaine, les mécaniciens, le cuisinier, l’électricien, le pilote d’hélicoptère, etc. S’ils sont payés, l’un d’eux a souligné qu’il touchait un salaire plus bas qu’ailleurs. Et que la différence représentait le coût de leur engagement dans l’organisation. Preuve en est que beaucoup d’entre eux étaient sur les pneumatiques lors de la tentative de libération des thons.

Ultra-pragmatique. La vie à bord est assez éloignée du cliché “des fumeurs de joints” dont a volontiers usé Généreux Avallone, pêcheur de Sète que j’ai rencontré à la Valette. Les règles à bord sont strictes, de l’heure du réveil et des repas au respect du repos et des temps de travail hebdomadaires. Surtout, les actions sont décidées et menées selon des critères ultra-pragmatiques. Chacune d’entre elles est envisagée en fonction du rapport coûts/bénéfices sur le plan matériel, humain ou juridique.

Et puisque que l’aspect création/diffusion est assumé, tout est pensé en fonction. Lors de la tentative à laquelle j’ai assisté, les zodiacs se sont à un moment écartés du point chaud pour une courte pause, le temps que l’hélicoptère fasse le plein. Il aurait été dommage de ne pas avoir les images du cameraman qui immortalisait la scène depuis le ciel…

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L’action est ailleurs. La pêche est une question politique. Greenpeace le sait parfaitement. Un des responsables de la campagne me l’a rappelé, l’organisation met énormément d’énergie  pour occuper le terrain à Bruxelles, à Paris, aux congrès de la Cites (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction) ou de l’Iccat (Commission internationale pour la conservation des t de l’Atlantique). Lobbying plus diffusion efficace des images d’actions spectaculaires ont déjà montré leur efficacité.

Si les membres de la Cites n’ont pas voulu inscrire le thon rouge au rang des espèces bannies du commerce international, globalement, les institutions ont largement réduit le périmètre de cette pêche. Le politique est allé dans le sens recommandé par le scientifique – à défaut d’aller jusqu’à ces recommandations. Un membre de l’Icaat m’a affirmé que l’action de Greenpeace et consorts avait été prépondante dans cette prise de conscience.

Et les pêcheurs ? Quand je l’ai rencontré à Malte, Généreux Avallone était conscient du fait que les p$echeurs avaient perdu la bataille de l’opinion. Ils n’ont ni les moyens, ni le savoir-faire de Greenpeace en matière de relations publiques. Pourtant, les pêcheurs de thon ont longtemps étaient choyés par les Etats et le institutions. D’ailleurs, quand Bruxelles a annoncé la fin prématurée de la saison, ils ont reçu le soutien – très apprécié – du ministre de l’agriculture et de la pêche, Bruno Le Maire.

Que deviendront ces pêcheurs ? Ils ne sont plus très nombreux, quelques dizaines en France. Après avoir subventionné leur achat, Paris subventionne leur destruction (Lire à ce sujet cet article de Sophie Verney-Caillat sur Rue 89). Un retour à la raison mâtiné d’un énorme gâchis d’argent public. Pour 2010, le quota global était de 13 500 tonnes. Il est probable qu’il baissera encore l’an prochain, pour se rapprocher de la fourchette basse des recommandations scientifiques (8 000 tonnes). Combien de temps M. Avallone pourra continuer à vivre en pêchant un mois par an et en partageant avec ses confrères un gâteau toujours plus petit ? On aura peut-être des éléments de réponse quand les mesures prises depuis dix ans seront évaluées scientifiquement. Cette évaluation doit justement commencer en septembre.

C’est la fin de cette série d’articles sur le thon rouge. Merci de l’avoir suivie.

Toute la série est ici : http://sciences.blog.lemonde.fr/category/thon-rouge/

Jonathan Parienté

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