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Faut-il punir davantage ou non le délit d’usurpation d’identité ?

Publié le 17 juin 2010 par Lecriducontribuable

Le mercredi 9 juin dernier avait lieu le septième petit-déjeuner « Les Débats du Cri ». Le thème : faut-il punir davantage ou non le délit d’usurpation d’identité ? Invitée du jour, Catherine Vautrin, vice-présidente de l’Assemblée nationale et membre de la commission des Affaires économiques.

Cette députée de la Marne avait déposé un projet de proposition de loi (PPL) que 84 députés ont co-signée. Il s’agissait de renforcer les peines encourues par les usurpateurs d’identité. Outre l’aspect moral de la punition de l’usurpation d’identité, l’enjeu était bien sûr la réduction des dépenses sociales.

Mme Vautrin a rappelé que les victimes d’usurpation d’identité ont du mal à faire valoir leurs droits : la victime doit prouver qu’elle est bien elle-même ! Chaque année, 75 000 personnes doivent ainsi prouver leur identité.

Loin d’être rarissimes, les délits d’usurpation d’identité sont plus fréquents que, par exemple, les cambriolages à domicile. Au contraire de ceux-ci, dont la motivation première est l’enrichissement par le vol, le mobile premier de l’usurpation d’identité est, selon Mme Vautrin, de tromper l’État.

Et, toujours contrairement aux cambriolages, les délits d’usurpation d’identité sont la plupart du temps sans violence : la première source se trouve en effet… dans les poubelles. En Île-de-France, a souligné Mme Vautrin, 80 % des poubelles contiennent un document portant des données personnelles !

Le coût, au final, de l’usurpation d’identité ? 474 millions d’euros pour les assureurs, 1,4 milliard d’euros pour l’Unedic, 1 milliard d’euros pour les caisses primaires d’assurance-maladie (CPAM), et 1 milliard d’euros pour les caisses d’allocations familiales (CAF). Des chiffres qui font écho au rapport du député Dominique Tian qui évalue les fraudes à l’Unedic à 8 milliards d’euros.

Le coût moyen d’une usurpation d’identité est de 2229 euros par personne, dont 1500 euros restent à la charge de la victime, du fait des franchises d’assurance…

Pour l’heure, l’usurpateur d’identité encourt jusqu’à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, mais uniquement si la victime encourt elle-même une sanction pénale du fait des délits qui ont été commis en son nom.

Transformation du PPL en amendement législatif

Le PPL de Catherine Vautrin, qui avait passé le cap de la recevabilité, prévoyait donc que, quelles qu’en soient les conséquences pour la victime, l’usurpateur d’identité encoure un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. Depuis, cette proposition de loi a été transformée en amendement à la Loi d’orientation et de programmation pour la performance  de la sécurité intérieure (Loppsi), qui en est à sa deuxième lecture au Sénat. Aucun sénateur, pour l’instant, n’a contesté cet amendement. Le gouvernement s’y est également dit favorable.

L’intervention de la députée a ensuite porté sur la nécessité d’une carte Vitale biométrique, sur le modèle de la carte d’identité analogue qui est en préparation. C’est la seule façon de garantir l’infalsifiabilité de la carte, un moyen préventif de lutte contre l’usurpation d’identité, complémentaire aux moyens répressifs prévus par l’amendement Vautrin.

Pour Christophe Naudin, chercheur au DRMCC (Département de recherche sur les menaces criminelles contemporaines, animé par le criminologue Xavier Raufer) de l’Université Paris II Panthéon-Assas, il y a dans les services sociaux une volonté de ne pas rechercher la fraude, car cela est jugé « politiquement incorrect » par les fonctionnaires de ces services.

Bernard de Fabrègues, membre du Conseil d’administration de Contribuables Associés, a également évoqué la peur des représailles qu’éprouvent les guichetiers devant la violence potentielle de certains fraudeurs.

Christophe Naudin a ensuite rapporté le cas d’une femme ayant prétendument accouché de quintuplés dans 17 CAF pendant 26 mois. Préjudice : 626 000 euros !

Il a aussi souligné le lien entre usurpation d’identité et régularisation d’immigrés clandestins : certains immigrés illégaux usurpent l’identité d’un complice, afin de faire établir un contrat de travail et demander ensuite leur régularisation par l’État…

Le plus intéressant de ce débat, a peut-être été la discussion autour du cas anglo-saxon en matière d’identité administrative : au Royaume-Uni, il n’existe pas de document d’identité obligatoire. Aux États-Unis, il n’y a pas l’équivalent de la carte nationale d’identité française. Mais le système social anglo-saxon étant moins redistributif que le système français, il y a forcément, pour Mme Vautrin, moins de fraudes qu’en France*.

Pourquoi, alors, ne pas démanteler les systèmes sociaux, puisque ceux-ci sont vulnérables à la fraude, en plus d’être coûteux pour le contribuable ? Cette question de votre serviteur, toute rhétorique, n’a pas semblé convaincre Catherine Vautrin. Sa lutte contre l’usurpation d’identité a précisément pour but, dit-elle,  de « sécuriser notre modèle social ».

Mais peut-on encore parler de « modèle social » quand plus personne ne l’imite, et qu’il est structurellement inflationniste et déficitaire ? Question, là encore, toute rhétorique.

Roman Bernard

* Même si, comme l’a nuancé Christophe Naudin, les fraudes se sont accrues de 41 % au Royaume-Uni et de 42 % aux États-Unis l’an dernier.


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