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Retraites : l’hypocrisie larvée du projet du PS

Publié le 17 juin 2010 par Albert @albertRicchi
Retraites : l’hypocrisie larvée du projet du PSLe projet du PS sur les retraites propose quatre grandes priorités : garantir le niveau de vie des retraités, faire une réforme juste, faire une réforme durable et davantage de choix individuels.

Au-delà de ces bons mots, il reste évidemment à savoir si cela dessine une orientation politique durable ou bien s’il traduit une posture commode d'opposition au projet du gouvernement et qui n'engage à rien pour l’avenir.

Le plus sûr moyen de lever cette réserve consisterait à faire des pas supplémentaires en direction d’une vraie réforme de gauche des retraites…


On a aujourd’hui des raisons légitimes de s'interroger sur la crédibilité des nouveaux engagements du PS, d'autant qu’il existe une résolution votée à la quasi unanimité du Congrès de Dijon en mars 2003, consistant à rejeter la réforme Fillon1. Or, de ce rejet solennel et jamais aboli par une nouvelle résolution, il n'est aujourd'hui plus question dans le contre-projet du PS.

Quel crédit dès lors peut-on accorder au rejet de la future réforme Fillon2 par un PS qui entérine une réforme Fillon1 fondée sur le même principe de l’allongement de la durée de cotisation ?

Une premier éclaircissement : l’abolition des réformes Balladur et Fillon

Comme Nicolas Sarkozy aujourd’hui, profitant des congés d’été, le tandem Balladur/Veil proposait en douce, à l'été 1993, une réforme portant le nombre d’années de cotisations progressivement de 37,5 à 40 annuités pour le secteur privé et modifiant profondément le mode le mode de calcul de la retraite :

- Le salaire annuel moyen (SAM), calculé jusqu’en 1993 sur les 10 meilleures années de salaire, est calculé maintenant sur les 25 meilleures années, ce qui s’est traduit par une baisse de près de 20% des montants de retraite du régime général, à la fin des quinze années au cours desquelles s'est étalée cette "réforme".

- L’indexation annuelle automatique des pensions, initialement calculée à partir de l’indice d’augmentation du salaire moyen, est basée aujourd'hui sur l’indice officiel des prix, datant de 1946 et ne reflétant pas, loin s’en faut, la réalité de l’évolution des prix. Cela entraîne chaque année une seconde dévalorisation du montant des pensions, déjà amputées de la CSG et de la CRDS.

- Le mécanisme particulier de la fixation annuelle du plafond de la Sécurité sociale entraîne lui aussi une érosion du montant des pensions. Ainsi, un salarié possédant 25 meilleures années de carrière au plafond de la sécurité sociale (2885 € mensuels au 01/01/2010) aura une pension mensuelle égale à environ 42 % de ce plafond ! Et chaque année, le différentiel entre le taux plein (50%) et le taux calculéfinal s’accroit sans que les pouvoirs publics s’en émeuvent le moins du monde. Le montant de la pension maximale tend ainsi à se rapprocher progressivement de la pension minimale garantie…

Puis la loi «Fillon» du 21 août 2003, avalisée par trois organisations syndicales particulièrement naïves (CFDT, CFTC et CFE-CGC), a aggravé encore la situation par la prévision d'un l’allongement progressif au-delà de 40 ans en 2012 de la durée d’assurance pour obtenir une pension à taux plein.

En 1993, la retraite nette moyenne (Régime général + Régime complémentaire) s’élevait à 78 % du salaire moyen net. Après les réformes de 1993 et 2003 et celle des régimes complémentaires Arrco et Agirc de 1995 et 1996, la retraite nette moyenne devrait baisser environ de 19 points (59 % du salaire annuel net) aux environs de 2030 et ce sans compter les effets négatifs de la réforme à venir de 2010…

Dans ce contexte, le plan de financement proposé par le PS, a hauteur de 45 milliards d’euros, permet seulement de couvrir le besoin de financement du système actuel, tel qu’il est estimé par le COR à l’horizon 2025. Il entérine donc, entre autres, les mesures instaurées par les réformes de 1993 et 2003.

Ce plan permet au mieux, d’éviter une régression supplémentaire mais en aucun cas de restaurer des retraites décentes pour tous. Or, le seul engagement clair que devrait prendre le PS, s’il revient au pouvoir, serait d’abolir les réformes Balladur et Fillon et de dégager les moyens de financement nécessaires pour assurer à chacun la possibilité de prendre sa retraite à taux plein à partir de 60 ans.

La gauche fera-t-elle demain ce qu’elle n’a pas fait hier ? On se souvient que Lionel Jospin, 1er ministre, avait refusé d’abolir la réforme Balladur de 1993…

Un deuxième éclaircissement : l’allongement de la durée de cotisation est incompatible avec le maintien de l’âge légal à 60 ans

Le projet du PS fixe le maintien de l’âge légal de départ à 60 ans mais dans le même temps n’exclut pas la possibilité d’un allongement de la durée de cotisation au delà de 40 annuités et renvoie l’examen de cette «solution» à 2025. C’est là que réside sans doute la plus grande hypocrisie de ce projet qui rejoint en cela celui de la CFDT, signataire des accords Fillon1.

Au cours des dernières années avant la retraite en effet, de nombreux salariés sont au chômage, en préretraite ou en invalidité et n’arrivent pas, dans leur grande majorité, à atteindre 40 annuités de carrière réelle, soit 160 trimestres. Cette situation sera pire lorsque la durée de cotisation nécessaire, pour obtenir une pension à taux plein sera de 41 ou 42 annuités, voire plus.

Car tout salarié soucieux du meilleur montant de sa retraite future essaiera toujours de partir avec une retraite calculée au taux plein (50% du salaire moyen des 25 dernières années). S’il n’a pas les annuités exigées, il sera contraint de différer son départ au-delà de 60 ans, si toutefois sa santé lui permet, sous peine de voir sa retraite subir une décote importante.

La seule solution crédible et réaliste serait de permettre à tous de partir à la retraite dès lors que le nombre d’annuités est atteint. Ce qui permettrait, notamment à ceux qui ont commencé à travailler très jeune, de partir avant 60 ans, s’ils le désirent.

L’allongement de la durée obligatoire de cotisation au-delà de 40 ans aura donc pour effet de reculer l’âge réel de départ à la retraite au-delà de 60 ans pour bon nombre de salariés mais aussi de gonfler la charge d’indemnisation des chômeurs âgés.

Le PS suggère enfin une «retraite à la carte». Dans le contexte présent, la « retraite à la carte » fait l’impasse sur le fait que la majorité des salariés n’a pas les moyens de se régaler «à la carte». N’est-ce pas là un cadeau fait à la minorité privilégiée qui jouit d’un travail épanouissant, d’une espérance de vie et d’un revenu supérieur à la moyenne ?

Un troisième éclaircissement : la modification de l’assiette des cotisations

Le PS propose bien quelques mesures éparses qui vont dans le bon sens :

- La majoration des prélèvements sociaux sur les bonus et les stock-options, de 5% à 38% comme le propose la Cour des comptes (2 milliards €).

- Le relèvement du « forfait social » appliqué à l’intéressement et à la participation de 4% à 20% (3 milliards €).

- L’application de la CSG sur les revenus du capital actuellement exonérés et la remise en cause de la défiscalisation des plus-values sur les cessions de filiales (7 milliards €)

- L’augmentation de la contribution sur la valeur ajoutée, instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle de 1,5% à 2,2%, en exonérant les petites entreprises (7 milliards €)

Mais dans le même temps, il propose une augmentation de 0,1 point de cotisation salariale et employeur chaque année, étalée dans le temps de 2012 à 2021 (12 milliards €),

Le PS, comme d’ailleurs toute la gauche en général, a toujours beaucoup de mal à admettre que le financement par le biais de cotisations sur salaires a atteint aujourd’hui ses limites. Si cela a relativement bien fonctionné pendant les «trente glorieuses», la part des salaires dans la richesse produite a baissé de 10% en 30 ans. L’assiette salariale actuelle est de plus largement inappropriée car les salaires ne reflètent pas forcément la réalité et la totalité des revenus perçus, tels que déclarés à l’administration fiscale.

Il conviendrait plutôt de fixer un taux unique de cotisation pour toutes les personnes physiques, salariées ou pas, s'appliquant sur une assiette commune constituée par l’ensemble des revenus fiscaux pour accroître sensiblement les rentrées financières. A taux égal en effet, un point de cotisation sur le revenu est beaucoup plus rémunérateur qu’un point basé sur le seul salaire (seulement 4,5 milliards €).

En ce qui concerne les cotisations des entreprises, le taux actuel s’applique là-aussi principalement sur les seuls salaires. Elles devraient être remplacées en grande partie par une contribution basée sur la valeur ajoutée. La proposition du PS de passer la contribution sur la valeur ajoutée, instaurée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle de 1,5% à 2,2%, représente seulement 0,7% qui serait consacré aux retraites.

Ces nouvelles contributions salariale et patronale permettraient d’en finir avec le déficit chronique de la branche retraite mais également de l’ensemble des branches de la Sécurité sociale (déficit record prévu de 26,8 milliards € pour 2010).

Elles permettraient également de payer des retraites minimales décentes qui ne devraient pas être inférieures au seuil de pauvreté de 903 € (8 millions de personnes aujourd'hui en France...) et il serait même possible de revenir à une retraite calculée sur les dix meilleures années, aux 37,5 années de cotisation et de mettre fin aux cotisations instituées sur les retraites.

Un quatrième éclaircissement : l’abandon du Traité de Lisbonne

Des réformes sociales justes sont de plus en plus incompatibles avec le fonctionnement actuel de l’Union européenne. Comment des pays soumis à la libre concurrence peuvent-ils rester compétitifs s’ils acceptent des cotisations sociales et des prélèvements supplémentaires que tous leurs concurrents cherchent au contraire à alléger ?

L’Union européenne est engagée depuis les années 1990 dans une logique de dumping social et fiscal interne qui pousse à l’harmonisation des systèmes sociaux par le bas et au développement des assurances sociales privées. Cette pression régressive est renforcée par l’ouverture délibérée de l’Union au libre échange mondial et à la spéculation sur les marchés internationaux de capitaux. Enfin, la crise grecque est aujourd’hui instrumentalisée par les gouvernements européens pour renforcer cette tendance et imposer une rigueur budgétaire générale.

Par conséquent, on ne peut aujourd’hui soutenir simultanément et sans incohérence, un projet ambitieux de progrès social (notamment en matière de retraites) et la pleine application du traité de Lisbonne et des directives européennes, comme le fait aujourd’hui Martine Aubry qui s’était prononcé il y quelques mois, à titre personnel, pour un report de l’âge légal de départ à 61 ou 62 ans…

La cohérence et l’honnêteté politique commanderaient à la gauche de mener le combat pour le rejet du traité de Lisbonne et pour une refondation du projet européen. Elles commanderaient également de dire clairement aux électeurs le choix que ferait un gouvernement de gauche si les contraintes imposées par les traités européens contrariaient la restauration durable et le développement de notre protection sociale comme de nos services publics.

Un futurgouvernement de gauche devrait mettre en œuvre son programme, en dérogeant si nécessaire au droit européen et en invitant ses partenaires européens à la renégociation des traités qui constitue désormais une condition à la survie même de l’Union.

C’est certainement là l’ultime éclaircissement qui ne viendra jamais du PS, à plus forte raison si DSK est son candidat en 2012 et si un autre «socialiste», Pascal Lamy, continue d’œuvrer à l’OMC en ne cessant de prôner un libéralisme qui fait de plus en plus de ravages sociaux dans le monde…

Photo Flickr-cc : promenade au bord de l'eau par mcohen.chromiste (http://www.flickr.com/photos/mcohenchromiste/2744486861/)
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