Plus profond dans le désert, voici Kyrk kyz (quarante filles), forteresse du désert comptoir samanide datant du 4e siècle après J.-C. Le soleil joue avec les ruines très photogéniques. Ruines encore épargnées par les kolkhozes, elles donnent une image de la grandeur et de la puissance de ces bastions destinés à protéger les canaux d’irrigation. Les canalisations servaient à transporter l’eau des Kharez, méthode d’irrigation importée par les Perses au 4e siècle en profitant de la pente douce du terrain. Pour les construire et les entretenir il fallait creuser de profonds puits-regards.
Des yourtes nous attendent, on aperçoit au loin l’Amou-Daria. A l’approche de la yourte, une odeur de vodka saisit le nez !
L’architecture de la yourte est une représentation symbolique de l’univers, une réplique de la voûte céleste. La yourte ordinaire mesure en son centre entre 3 et 5,50 m. Toutefois la hauteur des parois ne dépasse jamais la hauteur d’un homme petit, 1m50 environ. Deux parties distinctes, la paroi cylindrique et le toit en coupole. La paroi est faite de claies en bois pliantes et généralement peintes en rouge. Ces claies, malgré leur apparente fragilité, constituent la véritable ossature de l’habitation. Le toit en coupole est surbaissé. La yourte n’offre pas de prise aux vents violents, courants dans les déserts. On ouvre et ferme le toit de l’intérieur grâce à un système de cordes de rappel et de filins.
Elle est le symbole du monde, la yourte. Ni l’Univers, ni le Ciel n’ont d’angle. La division de l’espace-temps est figurée en six à douze panneaux verticaux. Ces « murs » sont l’air, la terre, le feu, le bois et le métal, associés à Mercure, Saturne, la Terre, Mars, Jupiter et Vénus. Six points cardinaux : le nord, le sud, l’est, l’ouest, le zénith et le nadir. Eux-mêmes sont reliés par trois axes virtuels, nord-ouest, est-ouest et nord-sud. Le tout s’entrecroise et maintient la cohérence du monde. Alors analogie entre configuration de l’Univers et celle de la yourte ?
Elle est recouverte de feutre. La durée de vie d’une yourte est d’environ 25 ans. L’intérieur est constitué de nombreux tapis de feutre et de bandes tissées très colorées. L’emplacement de chaque objet est bien défini. Au centre, le feu, derrière, la table où l’on mange. A droite de la porte, les coffres, à gauche le paravent. La place d’honneur est au fond de la yourte, celle du chef de clan. La partie des hommes est à gauche en entrant, celle des femmes à droite, même si trois générations de communisme ont érodées les traditions mongoles. Durant la journée la literie et les couvertures sont pliées face à la porte.
Notre repas est un plof (viande de mouton coupée en cubes, riz avec carottes, épices et huile de coton). Le terme vient de pilaf, façon de cuire le riz dans la graisse de mouton avant d’ajouter le bouillon des légumes. Il est (habitude socialiste oblige) accompagné de vodka. Il sera suivi d’un récital de musique et de chants par quatre musiciens et une chanteuse, récital là aussi accompagné de vodka.
Il semble que certains, ayant un peu trop abusé, aient dû « sauter » les corps allongés plusieurs fois au cours du reste de nuit pour se rendre où vous savez !
Un petit déjeuner copieux, de la vodka encore. Puis une promenade à dos de chameau pour ceux qui n’avaient jamais goûté à ce plaisir chaloupé, de quoi chavirer les estomacs qui ont déjà abusé. Nous partons pour le lac salé et Ayaz-Kala. Impressionnant ! Imaginez, perchées sur une colline au milieu du désert, les ruines de deux citadelles.
Après le déjeuner, il faut remercier nos hôtes et leur dire au revoir. Environ 6 à 7 heures de route prévues. C’est le départ ?… non c’est une panne ! Une fois réparé, tout va bien, il faut partir.
Prochain arrêt, Boukhara !
Sabine