Ira brevis furor, disaient nos ancêtres les Romains. Oui, la colère est un petit accès de folie, éventuellement purgatif quand il est sincère. Mais lorsque la colère est feinte, emberlificotée de calculs, elle risque fort, et c’est bien fait, d’arroser l’arroseur.
Un collectif de professeurs inspiré par le SNES s’insurge contre l’inscription du Salut, dernier tome des Mémoires de guerre du général de Gaulle, au programme du bac L 2011, dans sa partie « Littérature et débat d’idées » ; et nos doctes de lancer une pétition pour exiger le retrait du livre. Motif affiché de la protestation : cette œuvre, c’est de l’histoire, non de la littérature. Etroite conception de l’œuvre « littéraire » : César, Tacite, Saint-Simon, Michelet, j’en passe, seront heureux dans leur enfer d’apprendre qu’ils n’étaient pas d’authentiques écrivains. Et le rapport même de l’histoire à l’écriture ; le double regard narrateur/acteur du mémorialiste, n’est-ce pas matière possible à « débat d’idées » ? Pourquoi nos lycéens ne sauraient-il appliquer leur finesse d’analyse à cette problématique comme au récit d’une période assez proche pour que leurs grands-parents l’aient vécue, dont ils ont appris le déroulement en Première, récit conduit dans une belle langue classique, qui plus est sous-tendu par l’amour de la France et le refus de la tyrannie ? On cherche sous le prétexte le vrai motif de la rogne et on le trouve : la promotion scolaire du fondateur de la Ve République à la veille d’élections présidentielles, quelle insupportable ingérence ! Gageons que le programme ne sera pas modifié et que les protestataires ne gagneront à cette querelle que le soupçon de leur inculture ou de leur mesquinerie.


L’argent, c’est vrai, est haïssable en France. Surtout celui des autres. Tels journalistes ou tels politiciens pointent du doigt le mirobolant salaire de Mme Boutin, « un scandale au moment où tant de Français souffrent » . Possible. Qu’ils dévoilent leurs propres revenus. Et quand tel ex-Premier ministre se dresse en recours gaullien contre les dégâts du gouvernement, n’oublions pas de lui rappeler son CPE. Au reste, on a l’« appel » qu’on peut : celui du 18 juin ou celui du procureur.
Bref, les pères nobles et mères-fracasse seraient bien inspirés d’y regarder à deux fois avant d’emboucher la tirade de l’indignation. Chez nous, parterre frondeur, on veut bien applaudir les colères vraies, mais on sait huer les histrions.
Arion
