Mary River Billabong, Northern Territory, Australie, le 1er aout 07
Dans les mugissements des bus bondés d’éberlués
passent les bambins boutonnés sous leurs cartables immenses, séraphiques
séminaristes courbés sous la croix de l’Education nationale, convergeant vers
la tablée néo-laïque des connaissances. Huit heures moins vingt, la rue
s’encombre de voitures remplies d’enfants et de demi-familles repues de lait,
de café et de sommeil mal dénoué. Dépêche-toi Arthur, maman n’a pas qu’ça à
faire ! Jessica, mets tes pieds comme il faut ! De l’intimité de soi
à l’abandon aux autres, il y a quelques pas, des passages cloutés, des détours
plantés de platanes, des ruisseaux busés. Le chemin de l’isolement à la
solitude, d’un confinement douillet de l’être à soi jusqu’à l’être avec, à
défaut d’être ensemble. Avec les camarades et les collègues, la rumeur montante
de la cour et des couloirs, avec les poignées de main et les sourires
obséquieux disparaît la certitude de sa propre existence. Engouffrés dans le
flux qu’ordonnent les lois de la masse et bientôt source de ce flux même, les
milliers, les millions d’adeptes et autres prêcheurs donnent leur temps au
monstre. Que sonnent les téléphones, que claquent les bises et giclent les
bonjours étuvés, que ruissellent les mots au boucan des habitudes : ce
babil à la Brabançonne, ce verbe universel dit tout haut ce que l’éternité
n’emportera pas.
(texte publié une première fois en nov. 2004)