Magazine Environnement

Correspondance de Jacques Weber

Publié le 20 juin 2010 par Rcoutouly

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Jacques Weber, m'a envoyé le message suivant, après avoir lu mon article intitulé  Jacques Weber favorable à la fiscalité environnementale. Je le publie avec son accord. Ces arguments sont d'une grande richesse et feront avancer ma réflexion sur la question. J'aurai l'occasion d'y revenir:

Merci pour cet article sympathique sur "fiscalité-environement" !  Quelques remarques  - Je ne suis pas directeur du Cirad, lequel est Gérard Matheron, mais ne suis que "directeur de recherches", bref, chercheur  de cet institut. et, accessoirement, enseignant à l'Ehess et  Paris 6.  - Il y a entre nous de sérieuses incompréhensions 1. Je n'ai pas, en économie, de "croyance" : seulement des hypothèses, des déductions. et des scenarios.   Je ne raisonne pas dans le cadre d'un "comment faire mieux de la même chose", mais je raisonne aux extrêmes, pour, ensuite, voir ce  qui est possible ou non.  3.- mon problème n'est pas la fiscalité, mais la crise que je considère être une crise écologique à symptômes financiers et à coût social.  Constat: dans le monde tel qu'il est organisé, il n'est de création de richesse que par dégradation des écosystèmes  Question: peut-on penser une organisation telle que la richesse découle de la maintenance ou de l'amélioration des écosystèmes ?  Réponse : oui , SI  A.- Si on remplace tout ce que l'on peut des taxes pesant sur le travail et l'outil de travail par des charges pesant sur TOUTES les "consommations de nature" B.- Si on décide de découpler le financement de la sécurité sociale du travail , en reportant aussi ce coût sur toutes les consommations de nature (j'y reviendrai, ayant lu votre point de vue) Alors, mais seulement alors, il reste possible de dégrader les milieux, mais à un coût prohibtif. Il devient par contre très profitable de maintenir ou d'améliorer l'état des écosystèmes Ainsi, la fiscalité n'est envisagée que dans l'hypothèse de l'acceptation d'un "basculement" complet des modes de régulation.  La fiscalité envisagée ici est écologique, SUBSTITUTIVE et non additionnelle, INCITATIVE et non punitive. Elle permet d'orienter les comportements vers ce qui est considéré comme l'intérêt général. Et ce, en raisonnant à coût de production inchangé.  4. Vous dites que l'abolition des taxes sur le travail est "naïve et erronée". Je comprends et admets la critique d'un raisonnement, mais m'étonne de tels qualificatifs. Je ne crois pas avancer à coups d'arguments, mais de raisonnement, et sauf à ce que vous me disiez où le raisonnement est faux, je le maintiendrai.  "croire que  la taxation écologique va entraîner l'abolition des taxes sur le travail" est erroné et naïf .Je ne "crois" pas. Il me semble que c'est vous, ici, qui avez une approche quasi religieuse des liens entre travail, sécurité sociale et retraites. Et l'argument d'effet pervers n'est guère acceptable, quand il n'est pas explicité. En quoi cela vous gênerait-il que votre retraite soit liée, non à telle ou telle consommation de ressource comme vous le dites ("pétrole" "pêche") mais à l'ensemble des consommations de nature ? Il se trouve que le travail, en situation mondialisée des économies,  tend à jouer de l'accordéon, ce qui n'est pas le cas des consommations de nature : le financement par les consommations de nature aurait une stabilité plus grande que par le travail. Elle ne restreindrait pas l'assujetissement aux seuls travailleurs mais bien à l'ensemble des activités Vous dites vous mêmes que la "naïveté" tient à ce que le travail finance la sécurité sociale et les retraites. Pensez vous vraiment que l'année où je dois prendre ma retraite, et après 40 ans de métier, cela m'ait échappé ? Je pose seulement la question de savoir si il est inéluctable que travail, sécurité sociale et retraite soient indissolublement liés. Oui pour vous, non nécessairement pour moi. La sécurisation du financement me semble être la question pertinente, et non celle de son lien avec le revenu du travail.  Plus important encore, la déconnection du travail et du financement de la sécurité sociale et des retraites, ramènerait les salaires à la productivité du travail , qui est en France l'une des - sinon la- meilleures au monde. Elle rendrait le travail bien moins cher mais les autres facteurs de production, notamment matières premières et énergie, bien plus coûteux. Elle encouragerait donc le retour de l'emploi.  Bien sûr il est impossible de substituer d'un jour à l'autre les charges sur le travail par des taxes sur les consommations de nature. Mais en faire l'hypothèse est - il naïf ou erroné ? Ne confondez vous pas raisonnement aux extrêmes et faisabilité dans l'instant , état d'arrivée et transition ?  6 "Croire que la fiscalité environnementale doit avoir une dimension internationale, voir mondiale. Si l'idée est séduisante elle est inapplicable". Oui, à régulation inchangée. Ce n'est pas moi, mais Lula, Sarkozy et d'autres chefs d'Etat qui plaident pour la création d'une Organisation Mondiale de l'Environnement, regroupant FAO, PNUD, PNUE, qui aurait pouvoir de mise en oeuvre des décisions de ses membres, et exercerait un contrôle de conformité environnementale sur l'ensemble des programmes des Nations Unies et sur les décisions de l'OMC. SI une telle OME est crée, vos objections tombent. Et quoi qu'il en soit, il n'y a là nulle croyance, tout au plus des hypothèses fortes. Je n'ai jamais "proposé" la création de cette OME, mais prends acte qu'elle l'est par un nombre non négligeable de chefs d'Etat.  7 "penser que pour être efficace une taxation écologique doit être significative et donc élevée" serait aussi une "croyance". Le penser à régulation globale inchangée, oui. En confondant état de départ état d'arrivée, oui. Mais en posant la question "existe-t-l une configuration de l'économie dans laquelle la richesse puisse se créer sur la maintenance ou l'amélioration des écosystèmes", la réponse est, j'en fais l'hypothèse, celle que je propose (avec d'autres à travers le monde). Que la transition d'un état à un autre doive se faire de façon très progressive: bien sûr. Cela étant la taxe carbone en Suède est aujourd'hui à 109 Euro, sans que les Suédois la rejettent. Mais en 1988, une loi suédoise a précisé que pour qu'une taxe écologique soit discutable au parlement la preuve devra être donnée que une ou plusieurs taxes d'un rapport au moins équivalent à celui attendu de la nouvelle taxe auront été abolies: dès lors, il était clair pour les Suédois qu'il s'agissait bien de taxes SUBSTITUTIVES et incitatives.  Enfin, peut-être, du point de vue logique, le plus important. Dans mon esprit, il s'agit de raisonner A COÛT DE PRODUCTION INCHANGÉ.  Il ne s'agit pas, par la fiscalité, d'alourdir les coûts mais de les redistribuer autrement. La compétitivité, dans son ensemble, ne devant pas s'en trouver affectée.  Nous ne serons donc pas d'accord, parce que nous ne raisonnons pas selon le même pas de temps. Je décris une situation d'arrivée et vous tentez de faire mieux de la même chose dans le monde tel qu'il est organisé. Votre position permet elle de passer d'un monde dans lequel la création de richesse repose sur la destruction des écosystèmes à un monde dans lequel la création de richesse se ferait par la maintenance ou l'amélioration de ces écosystèmes?  Or, c'est cette question qui me préoccupe Ne parlant pas du même problème (la fiscalité écologique pour vous, la destruction des écosystèmes pour moi), ne raisonnant pas dans le même temps (faisabilité maintenant, pour vous, possible état futur du monde pour moi), n'ayant pas le même système de "croyance" (caractère intangible du lien travail - retraite pour vous, interrogation sur la nature de ce lien, pour moi), il est effectivement peu évident que nous soyons d'accord...  Je n'entrerai pas dans la question de savoir qui de nous deux travaille depuis le plus longtemps dans ce domaine : je ne m'occupe de questions de régulation dans le domaine des ressources renouvelables que depuis 1984.  Je n'en déduirai certainement pas pour autant que vous soyez "naïf", ou "croyant" ni que vous débarquiez dans l'économie écologique ! Cependant, vous admettrez sans mal que la prise en compte des outils fiscaux par les économistes de l'environnement ne date pas d'hier : on peut dater cette prise en compte de Pigou ou, plus récemment, à Coase (1960).  Bien cordialement,  Jacques  Weber

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