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Éclatement du symbolisme culturel

Publié le 21 juin 2010 par Politicoblogue
Éclatement du symbolisme culturel

"Est- ce que vous êtes blancs ce soir ?!" - (c) Krinein.com 2010

L’humain moyen de la modernité est un être banal, facilement modelable et parfaitement adapté à son époque, c’est-à-dire à l’ère de la désubjectivation éthique de l’humain. D.R. Dufour nous propose ainsi une analyse qui va en ce sens, dans L’Art de réduire les têtes (2003), en analysant un phénomène anthropologique nouveau et typiquement moderne, à l’aide d’un outil tout aussi caractéristique de la modernité, soit : la télévision.

L’auteur soutient l’idée que le progrès de la technique moderne recèle un véritable outil de domination sociale, plus particulièrement ici la télévision. Les conséquences néfastes de cette dernière sur les capacités humaines de raisonnements sont telles que, dès la plus tendre enfance, l’être humain moyen des civilisations modernes est appelé à un faire face à un phénomène d’abrutissement généralisé par un bombardement d’images qui maîtrise parfaitement « l’Art de réduire les têtes ». Essentiellement, c’est ainsi que dès son entrée dans le monde, l’être humain subit un processus de désubjectivation éthique par la télévision par un dialogue impossible, puisque à sens unique, qui tend à désocialiser le sujet moral passif qui n’est rien d’autre qu’un récepteur.

L’argument de Dufour consiste à faire le constat de l’omniprésence de la publicité et la conséquence directe sur les comportements économiques des acteurs sociaux. En se servant de la télévision comme catalyseur pour la mise en marché des produits de consommation, de nouveaux repères sociaux se dressent. La culture de consommation opère un véritable bouleversement idéologique à l’aide du télémarketing en érigeant les marques de commerce au niveau des repères en ce qui a trait à la norme sociale (144). À l’inverse des méthodes classiques de récits par le témoignage d’autrui, les pédopsychiatres s’inquiètent désormais de la fragilisation de la capacité de faire la part des choses entre le réel et l’imaginaire, auparavant intégrer « dans un circuit énonciatif » qui avait le crédit de rendre l’abject acceptable (145). Par conséquent, le processus de socialisation par la famille qui sert à transmettre la culture aux générations suivantes est désormais dérobé par la télévision. Cette dernière devient alors le troisième parent « supplantant de plus en plus les vrais parents » (147).

Ensuite, la capacité de reconstruction du contenu énonciatif est alors diminuée et elle transforme le spectateur en simple réceptacle passif dont l’imagination n’est plus suscitée. Les capacités de l’imaginaire à se représenter les récits et les textes empêchent la transmission appropriée de la culture, c’est-à-dire des croyances, des rites, des obligations, des savoirs, des rapports sociaux… et surtout le don de parole (153). La conséquence tragique directement liée à ce nouveau phénomène est l’inhibition des valeurs symboliques qui supportent la culture d’une société par l’annihilation d’un intermédiaire essentielle pour tamiser le contenu symbolique reçu par le sujet moral. Les repères symboliques sont ainsi mal fixés et devant l’incapacité du sujet à définir les repères communs élémentaires au bon fonctionnement social entraîne ainsi la déchéance de la culture précieuse qui donne un sens à la vie sociétale (157-158). La rupture des noyaux sociaux, telle que la famille, est la conséquence logique de ce phénomène de désubjectivation éthique par la télévision. Il s’ensuit une totale démission des figures d’autorités à l’égard de leurs responsabilités envers l’éducation et la transmission des valeurs, des normes et des croyances communes, lesquelles sont désormais soumises à la culture de la consommation typique des civilisations modernes (159-173).

Selon l’auteur, le parallèle est facile et évident avec la situation des élèves en milieu scolaire. Les enfants de la télé sont de plus en plus difficiles à intégrer au contexte favorable à l’apprentissage scolaire. Les élèves ont beaucoup plus de troubles de concentration et d’acceptation du contexte académique de « celui qui parle et celui qui écoute » (160). Les prescriptions de Ritalins sont plus fréquentes que jamais devant un déni générationnel d’assumer les responsabilités d’introduire au monde les nouveaux êtres. L’éducation de ces derniers est dès lors déficiente par le manque de discipline et d’instruction à la fonction critique, primordiales pour la vie en société. L’étudiant est réduit au concept de client et la fonction de l’éducation est orientée vers la production de bons travailleurs. Dufour est catégorique à ce titre : c’est « l’École du Capitalisme total » (173). Ainsi, le rapport au savoir devient accessoire puisqu’il ne s’agit surtout pas d’apprendre aux élèves à penser. Bien au contraire, « il s’agit mieux de fabriquer des crétins procéduriers, adaptés à la consommation » (174).

En somme, la boucle est bouclé par le processus de fabrication d’individus dépossédés de toute culture symbolique au profit d’une identité flottante promulguée par la télévision et le système d’éducation au service de la société néolibérale et sa culture de consommation instaurée par une forme de déni générationnelle à l’égard de la responsabilité des figures d’autorité en ce qui concerne la transmission de l’héritage culturel identitaire qui n’est plus en mesure d’éduquer ses nouveaux venus à la discipline et à la pensée critique (177-178). Bref, le sujet moral postmoderne n’est rien de moins qu’un être inengendré dont la fonction se résume à n’être qu’un rouage dans un système technocratique avancé qui ne doit rien à la génération précédente, car tout lui est dû « puisqu’il a été jeté dans le monde sans qu’on lui demande son avis » (178).

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