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La Croissance, une idée bien fatiguée

Publié le 26 juin 2010 par Rcoutouly

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Dans un de ses excellents billets publiés dans LeNouvelObs, Jean-Claude Guillebaud, après avoir lu le dernier bouquin de Jacques Attali se livre à une analyse de la situation actuelle. Je partage pleinement son analyse au point de la recopier ici:

"Le débat démocratique n'intéresse plus vraiment par lui-même. On devrait se demander pourquoi? Suggérons une hypothèse : il est devenu barbant parce qu'il est ordinairement sans vision, sans représentation de l'avenir. Qu'est-ce à dire? Chez nous, en Occident, règnent encore - mais pour peu de temps - l'indolence et la profusion des marchandises. (...)

En réalité, l'enrichissement continu sur lequel nous avions fondé, après la guerre, nos systèmes démocratiques et gagés la paix sociale, apparaît crûment pour ce qu'il était : moins un destin garanti qu'une temporalité éphémère, une phase hors norme du destin occidental. Chacun sent obscurément que la fête est finie.

Du coup, le modèle européen s'en trouve virtuellement ruiné. Trente Glorieuses, Etat providence et Sécurité sociale : sous les replâtrages au jour le jour (...) s'ouvre une béance aussi profonde qu'une question : qu'était donc, au fond, cet état de croissance sinon une commode mise en abîme de l'inégalité, une trêve partielle entre riches et pauvres, patiemment reconduite de budget en budget?

(...) Dans l'Europe endettée, la croissance vacille. C'est ailleurs, vers l'Asie mirobolante et affolée qu'elle s'est expatriée (...) Privées de ce grand lubrificateur social que représentait la croissance, nos démocraties se durcissent, se raidissent. (...) C'est pied à pied que la vieille social-démocratie fait retraite."

Chrétien dans l'âme, Jean-Claude Guillebaud pourrait être taxé de millénariste masochiste, mais, il est trop subtil intellectuellement pour se laisser aller à ce genre de piège.

Sa pensée est en tout cas plus fine et précise que celle de Jacques Attali qui disait dans le Matin du 29 mai 2010 :  

"Pourquoi les Etats s’endettent-ils?

Trop de pays vivent au-dessus de leurs moyens parce qu’ils n’osent pas augmenter les impôts. Dans une démocratie, il est plus facile de diminuer les impôts que de les augmenter, tout comme il est plus facile d’augmenter les dépenses que de les réduire. On se retrouve dans une situation où les dépenses augmentent plus vite que les impôts. En quelques années, l’Occident a connu une augmentation spectaculaire de l’endettement. On ne connaît pas de précédent à un mouvement d’une telle ampleur, d’une telle étendue géographique, d’une telle vitesse.

Dans le même temps, la Chine a complètement effacé sa dette et des pays comme l’Inde, le Mexique ou le Brésil, l’ont réduite.
Il y a eu une inversion depuis sept ou huit ans. Les pays émergents ont connu une forte croissance. Ils ont maintenant émergé. Ceux du Nord n’ont fait que maintenir artificiellement une croissance grâce à l’endettement."

Nous sommes d'accord avec Jacques Attali : l'endettement a été le moteur de notre faible croissance depuis des décennies. Mais ce concept de croissance, représentée partout, comme le saint-Graal de la réussite économique, mérite d'être davantage creusée.

On sait qu'elle est une construction en partie artificielle, alimenté facilement par la construction en rase campagne d'une autoroute, ou par des accidents de circulation qui "créent" de la croissance alors que la mise en place d'une politique éducative ou de santé la plombe lourdement.

Il faut encore prolonger le raisonnement et croiser le concept de Croissance avec celui d'Environnement, cette dernière ayant une influence sur la première.

En effet, on se doute que des matières premières abondantes et abordables facilitent la croissance en favorisant son développement. On envisage plus rarement l'idée que la densité de population et la disponibilité d'espaces vierges sont des atouts pour une croissance importante.

On prendra un exemple simple pour le comprendre : la construction d'une rocade autour d'une ville. Si celle-ci est construite sur des champs de betteraves, son coût est faible, mais sa construction créant des emplois, elle alimente le PIB avec succès. Par contre, installée dans un univers urbain, sa construction va subir des retards, des infrastructures supplémentaires vont devoir être financés (extracteur de fumée, tunnels, recouvrement). Elle sera donc moin "intéressante" pour notre PIB.  Au fur et à mesure du temps, la complexification constante de nos sociétés ont entraîné une augmentation des coûts, et une diminution du ratio recette/dépense pour l'Etat, les entreprises comme pour les particuliers. Les bénéfices de chaque opération diminuant, nous avons perdu cette croissance, devenue un fantasme d'économistes, des politiques et des syndicalistes.  

L'opinion publique, et les personnalités qui lui donnent du corps, sont victimes de ces représentations de la croissance, et de la référence constante au Paradis perdu des Trentes Glorieuses, seul grille à notre disposition pour comprendre notre monde.

C'est pourquoi le futur est inaudible et indiscible pour beaucoup. On n' y voit que deux solutions :

-l'option apocalyptique de la destruction brutale de notre monde et de son effondrement

-l'option de la continuation du même monde, avec la même organisation qui nous a "réussi" jusqu'à maintenant.

Or, ce dont nous avons besoin, c'est de nouvelles grilles de lecture du monde à venir.

Nous avons besoin d'imaginations capables d'inventer des mondes nouveaux pour notre futur, mondes réalistes mais différents construit autour de l'économie verte et sans le pétrole.

Nous avons besoin d'envisager, d'inventer des façons de passer de notre monde d'aujourd'hui à ces mondes imaginaires mais réalistes et durables.

Nous avons besoin d'imaginer une nouvelle forme de croissance endogène et durable qui ne reposent plus sur l'exploitation de ressources non renouvelables

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Pour aller plus loin:

Endettement de la France: trouver des solutions

Le pétrole nous ruine? Supprimons-le!

La mondialisation, au coeur de la crise financière

L'endettement, un problème écologique?


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