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Etat chronique de poésie 928

Publié le 27 juin 2010 par Xavierlaine081

928

Vent en tornades a soufflé sur la nuit, poursuivant les nuées de ses féroces assiduités.

Posant les yeux ailleurs que sur des colonnes de chiffres, l’homme s’est longuement étiré, goûtant la somptueuse parure empruntée par l’aurore.

« Il y aurait donc une vie hors ces fétides contraintes que mes semblables s’imposent à eux-mêmes ? »

Il jeta un œil par la fenêtre, l’ouvrit avant que ses voisins n’installent leurs poulets rôtis dominicaux (bien que ceux-là ne connaissent pas de pause).

Le vent avait faibli. Il errait désormais en tendres caresses dans la chevelure de l’arbre.

Quelques pépiements s’aventuraient au dehors. Penchant leurs têtes emplumées hors du nid, ils semblaient interroger le ciel : « En aurais-tu terminé avec ton tapage de pluie et de fureurs ? »

Mesurant un instant l’intensité des tâches encore à accomplir, il poussa un soupir, vogua un moment sur son sentiment d’épuisement.

Il savait que rien ne lui serait donné. Il s’était, depuis longtemps, forgé à l’idée de ne rien attendre de quiconque. Déçu des aides réclamées, et rarement obtenues, il s’était réduit à la pensée qu’il valait mieux ne rien demander, mais agir, au risque d’y laisser sa peau et ses os.

Plaie de vie n’est point mortelle, et si mort s’en vient, qu’elle soit la bienvenue, semblait-on pouvoir lire dans son regard désormais distant.

Il oscillait ainsi, chaque jour, entre le désir de vivre et la langoureuse attente de la tendre faucheuse dont il savait fort bien qu’elle était seule à décider du rendez-vous.

De ses multiples chutes, il avait conservé le goût amer de devoir se relever sans que nul, nulle, ne lui tende la main.

Il avait toujours payé ce qu’il devait à un état qui ne lui avait jamais rendu le moindre service.

Il avait toujours été solidaire de toutes les causes éperdues.

Sa main s’était toujours tendue vers les âmes en errance, femmes battues, enfants réduits à la miséreuse condition.

Il avait toujours fait preuve de la même indignation devant les forfaitures et injustices que la société des Hommes perpétue dans une joyeuse indifférence.

Mais à chaque nouveau départ, ce ne fut qu’intense bataille pour survivre aux coups du sort. Nul et nulle n’était jamais venu(e) lui prêter main forte. Il s’en était même trouvé pour profiter de ses instants d’abattement pour enfoncer encore le clou et la vrille au plus profond de son être déjà chancelant.

Ainsi vont les humains qu’ils ne savent point voir et qu’il faille à chaque minute les rappeler à leur devoir.

Ainsi vont les mondes aux yeux farouchement rivés sur les brumes guerrières, les corbeilles boursières ; régis par de sombres intérêts sans commune mesure avec les plus intimes attentes.

Il avait cru en l’amour entre des bras qui ne l’accueillaient que pour sa ténacité et sa force de travail.

Il avait gaspillé l’énergie du désespoir pour se construire et se reconstruire sans cesse, sans que nul ne puisse se douter du précipice au bord duquel il jouait au funambule depuis des décennies.

Il s’était réfugié dans une solitude aimable, sans jamais fuir les rencontres mais sans les rechercher.

Nul ne s’étonna du silence, ni de la trace de ses pas dans la boue, lorsque la pluie s’était enfin arrêtée.

Ses pas stoppaient nets sur l’arrête rocheuse qui surplombait la ville.

En bas, dans les broussailles, s’agitait la masse grouillante des corbeaux et des pies…

Manosque, 16 mai 2010

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