Muti : un polar numérique en Afrique du Sud

Muti est un « polar numérique » de Caryl Férey, proposé par Le Monde, en partenariat avec J’ai Lu. C’est un feuilleton d’un nouveau genre qu’a livré l’auteur, en tentant d’explorer de nouvelles formes d’écriture qui mélange écrit, son, images animées, etc,  et en jouant sur l’interactivité. La scène se passe quelques jours avant la Coupe du monde en Afrique du Sud, un joueur des Bafana Bafana est retrouvé assassiné, le lieutenant Saul Dukobe et sa collègue Myriam mènent l’enquête à Cape Town.

La forme est prometteuse, et il faut féliciter  l’initiative du Monde de se lancer dans cette nouvelle forme d’expression numérique. Mais pour ma part, même si la lecture était plaisant, j’ai été plutôt déçu…

Si les images et les quelques vidéos sont plutôt belles et collent bien à l’histoire, il manque une cohérence à l’ensemble. L’impression générale qui ressort de cette création est celle d’une juxtaposition d’éléments qui ne créent finalement aucune « alchimie du multimédia« . Le texte,  central puisque c’est lui qui draine toute l’intrigue, est présenté dans un petit cartouche qui l’isole de l’image et de l’interface, alors qu’on aurait aimé une intégration plus fluide et plus naturelle. En ce sens, Muti n’a pas la puissance des fictions digitales de Dreaming Methods, qui créent une nouvelle expérience de lecture riche en émotions pour le lecteur, en assemblant de façon géniale du texte, des images suggestives, des animations en fondu, des événements déclenchés par la souris…

Dans Muti au contraire, l’alchimie n’opère jamais. Les éléments interactifs proposés (textes, photos, sons) ne participent finalement que de très loin à l’intrigue principale. Ce sont des informations annexes sur le contexte extérieur ou sur la culture sud-africaine, qui font sortir de la narration, plutôt que de s’y immerger véritablement. Je serais peut-être moins sévère pour les sons que l’on peut activer, qui eux ajoutent à l’atmosphère générale. Malheureusement, on aurait aimé en entendre plus…

Ce n’est pas l’histoire en elle-même qui est en cause, mais bien plutôt la mise en scène multimédia. Pour ajouter encore des éléments à charge, les blocs de textes, séparés en une dizaine dans chaque tableau, défilent automatiquement. Une choix qui empêche le lecteur d’explorer à son rythme, tranquillement, les éléments interactifs proposés. On se retrouve finalement à surveiller le défilement du texte en même temps que l’on active les liens, pour être sûr de ne rien rater… Dernier point, la musique, un peu faible à mon goût…

La critique est un peu sévère, mais je le répète, j’ai passé globalement un bon moment et la lecture vaut le coup, ne serait-ce que pour la nouveauté du genre.  Mais il est vrai que Muti souffre de faiblesses, que les prochaines tentatives corrigeront sans doute et, espérons-le, exploiteront mieux les possibilités d’expression du numérique, qui ne consiste pas en la juxtaposition de médias.