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Dilemme : la télé-réalité selon Alexia Laroche-Joubert

Publié le 28 juin 2010 par Coline

Je dois bien le reconnaître, je n'arrive pas à regarder Dilemme, la nouvelle création téléréelle diffusée depuis un mois ou deux sur W9. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir essayé, carnet de notes à la main, mais cela dépasse mes limites : je décroche au bout de 10 minutes. Cela étant dit, j'ai tout de même réussi à sortir deux trois petits choses de mon rapide coup d'œil, pour tenter de comprendre à la fois les raisons pour lesquelles je n'arrive pas à m'y intéresser, et ce que cette émission représente pour la télévision aujourd'hui.
Dilemme : l'avenir de la téléréalité selon Alexia Laroche-Joubert
Faire des compromis

Produit par Alexia Laroche-Joubert (productrice de feu Loft Story et ancienne directrice de (feu aussi) la Star Academy), Dilemme rassemble dans une sorte de maison-cube, "7 garçons et 7 filles, répartis en deux équipes, (...) pendant 8 semaines pour tenter de remporter un maximum d’argent. Les 14 candidats assument parfaitement de n’avoir que deux objectifs en entrant dans le jeu : l’argent et la notoriété." (cf le site de l'émission) La méthode pour arriver à cet objectif consiste à faire face à des "dilemmes" imposés par la prod, c'est-à-dire choisir entre deux possibilités, du genre "jouer au toutou de machin pendant quelques heures et gagner 3000€ ou que machin joue au toutou de truc (laisse, gamelle et croquettes à l'appui) pendant quelques heures et gagner 1000€". En somme, être capable d'accepter jusqu'à la soumission et l'humiliation pour de l'argent, ou tout du moins, lorsqu'il s'agit de propositions moins affligeantes, opposer l'individu à la collectivité : choisir entre profit personnel et gain pour l'équipe, en tenant bien sûr compte des répercussions et jugements des intéressés.
Dans le fond, l'idée est assez évidente : nous vivons cela quotidiennement : s'il ne s'agit pas forcément d'argent, la vie au sein d'une société, d'une entreprise, d'une famille ou d'un couple exige que nous trouvions un équilibre entre nos envies personnelles et celles du groupe. On appelle cela faire des compromis, en fait. Mais ici, il devient "dilemme" imposé par une entité extérieure aux protagonistes et dont l'unique but est de semer la discorde pour créer du spectacle. La raison d'y faire face n'est plus l'humain mais l'argent, le maintien de l'ordre social devient un corollaire.
Une nouvelle écriture télévisuelle ?
Il y a quelques semaine, Alexia Laroche-Joubert (ALR) était invitée dans l'émission de France 5, Médias, le Magazine où elle a composé un argumentaire assez intéressant, visant à prévenir chacune des mauvaises intentions qu'on pourrait lui prêter en les devançant, sur le mode "j'accepte les critiques mais puisqu'on assume tout, elles sont irrecevables". Parmi ses déclarations les plus pertinentes, on y trouve quelques perles, comme "moi ce que je ne supporte pas, c'est l'hypocrisie" ou encore "Dilemme, y 'a pas de critiques. Tout le monde a noté la vraie innovation de Dilemme, la nouvelle écriture". (délice à consommer ci-dessous)
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Justement, cette "nouvelle écriture" qu'elle vante tant, c'est précisément ce qui rend Dilemme irregardable, par rapport par exemple à  Secret Story. Elle consiste principalement en la suppression d'une partie de la narration, pour la remplacer par un manque évident ou une version plus cheap encore, laissant à penser que ce qui est vendu comme une prise de position est avant tout un manque de moyens financiers.
Parmi les "nouveautés", on peut noter :
- moins d'interventions des présentateurs dans le résumé quotidien, mais l'intégration d'une sorte d'"envoyé spécial" (David Lantin) à l'intérieur de la maison, qui communique en duplex avec la présentatrice (Faustine Bollaert) depuis une salle sans doute proche de la maison dans laquelle vivent les candidats. Ça se veut journalistique, mais c'est surtout très kitsch.
- les images sont livrées de manières plus brutes, moins romancées et sans thématiques, si bien qu'on n'y comprend plus grand chose. Sans narration, la télé-réalité ne ressemble plus qu'à une conversation de groupe dont on n'entendrait que des bribes.
- le "confessionnal", qui tranche des précédentes téléréalités intégrant ce type de salle, de par son cadrage. Cette fois, les candidats ne semblent plus face à un miroir mais face à une webcam : allumage de la caméra par eux-mêmes, cadrage trop proche et approximatif, lumière criarde...
Dailymotion dans ta télé
Cependant, ni le choix des candidats (galerie de clichés), ni leur niveau intellectuel ou leurs motivations ne tranchent d'avec les autres téléréalités du genre : comme toujours, on flirte volontiers avec la vulgarité et le porno.
Mais de manière générale, Dilemme s'aventure là où l'ensemble de la télévision tend à chercher maladroitement de "nouvelles écritures", justement : vers l'intégration de la culture web.
Au-delà d'une esthétique amatrice et brouillonne clairement issue de l'accessibilité nouvelle de la vidéo, l'émission tente de franchir un pas supplémentaire via son site Internet vers la personnalisation de notre consommation d'images. Sur le site officiel (en partenariat avec Dailymotion), il est possible de "se brancher au cul de la caméra" (la paternité de cette magnifique expression revenant à ALR), c'est à dire de se connecter directement à l'une des caméras présentes dans la maison pour suivre ce qui s'y passe en direct.
Là est bien la preuve que sans scénarisation du récit télévisuel, sans véritable recours à l'observation sociologique de la vie en communauté, on n'est plus que dans un jeu et dans l'observation de ses conséquences sur les protagonistes. Si l'on était déjà sûr qu'il n'y a pas de réalité dans la téléréalité, on sait désormais, grâce à Dilemme, qu'il n'y en a pas davantage lorsqu'ALR essaie pourtant de lui laisser libre cours. Peut-être parce que ce qu'elle n'a pas bien saisi, c'est que la source du défaut d'authenticité après laquelle elle court ne réside pas tant dans la réalité, mais plutôt dans sa télédiffusion.
"Ca m'amuse, la téléréalité, c'est un truc que j'aime bien. C'est de la vie"
(ALR toujours, je ne m'en lasse pas)


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LES COMMENTAIRES (1)

Par  Bruno Roch
posté le 29 juin à 19:50
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En l'écoutant, j'ai vraiment pas envie de regarder cette émission ! Merci d'avoir fait un article sur ca !! :)

Je la trouve tellement condescendante !!