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Quand sert le Pencréac'h

Publié le 26 juin 2010 par Delanopolis
Lors d'une réunion organisée par l'association Accomplir, l'un des deux architectes de l'ancien "Forum des Halles", coeur du centre commercial connu par ses grandes arcatures de verre et d'acier et sa "place basse", a taillé un redoutable costume au projet Mangin/Berger. Nous ne sommes pas d'accord avec lui pour ce qui concerne l'étude de définition conduite en 2003/2004 mais, pour tout ce qui a suivi depuis, nous n'avons pas une virgule à retrancher à son propos. Quand sert le Pencréac'h D'abord, donnons la parole à Pencréac'h :"

LA NOUVELLE DESTRUCTION DES HALLES DE PARIS


En 1972, le projet retenu par la SEMAH suite à la consultation de promoteurs, propose un concept radicalement neuf en matière d’aménagement d’équipements commerciaux. Le projet d’Espace Expansion et des architectes Vasconi et Pencréac’h dessine en effet au centre du dispositif souterrain un vaste espace à l’air libre, le « cratère », véritable place publique qui permet d’introduire jusqu ‘au plus bas niveau la lumière naturelle.

En 1974, la décision de renoncer aux programmes prévus en superstructure sur l’ex carreau des halles pour y réaliser un jardin modifie les données de l’environnement mais le principe d’organisation du forum ne sera jamais remis en cause. Une succession d’études et de concours opposant en particulier les tenants d’un aménagement « classique » orienté sur l’axe Est/Ouest et les approches plus attachées au détail du contexte urbain conduisent en 1977 à retenir le projet de Louis Arretche aujourd’hui réalisé. Au cours de ces années de débats, le « cratère » du Forum, dont le chantier est en cours, se modifie pour s’adapter au nouvel environnement puis se referme sous la forme d’un objet parfaitement ordonnancé dans un périmètre rectangulaire. Lors de son inauguration en 1979, le Forum des Halles est salué comme une réussite architecturale, en particulier pour le dessin des grandes verrières lumineuses qui caractérisent l’essentiel des circulations et font totalement oublier le caractère souterrain de l’ensemble.

Lorsqu’en 2002, la ville de Paris lance une étude de définition relative au secteur des Halles, il ne s’agit nullement de tout remettre en cause ni de faire « table rase » selon le mot du Maire, mais de résoudre un certain nombre de problèmes d’accès et de sécurité relatifs à la gare RER et de dysfonctionnements apparus en 25 ans sur les équipements publics.

Une accumulation d’erreurs préside à cette étude, à son déroulement et à sa conclusion :

- Impréparation dans le programme de l’étude qui ignore ou minimise la complexité fonctionnelle, technique et réglementaire du complexe des Halles.
- Erreur de « casting » consistant à appeler des Stars de l’architecture à l’ego surdimensionné, pour réfléchir à des problèmes de détails relevant de traitements à la « petite cuiller » et réclamant de l’intelligence modeste.
- Erreur de communication, en organisant sans préparation ni analyse une vaste publicité médiatique qui offre au public des documents bruts et transforme une consultation populaire en Pari Mutuel Urbain.
- Erreur dans le fait de choisir un projet alors que le principe de l’étude de définition n’obligeait pas à un choix.
- Erreur dans le choix du projet qui semble le plus « sage » tout en annonçant une deuxième consultation chargée de transformer l’impéritie esthétique du lauréat en « grand geste architectural »

Aucune leçon ne semble avoir été tirée de cet épisode lorsqu’en 2007 est dévoilé le concours qui retiendra le projet de « Canopée » de Berger-Anziutti. En effet, le projet se contente d’esthétiser une couverture de l’espace sans prendre en compte les multiples problèmes fonctionnels dont la résolution correcte permet de distinguer l’acte d’architecture du geste d’ « artiste ».

Le projet lauréat en 2004, prend sur tous les points le contre-pied des solutions retenues et mises en œuvre 30 ans auparavant :
- Le jardin se retrouve organisé selon l’axe Est/Ouest, suivant un schéma issu de la fonctionnalité des Halles de Baltard, mais qui ne correspond à rien si on analyse les flux et les modes d’usage du jardin actuel.
- La co-visibilité entre Saint-Eustache et la fontaine des Innocents est supprimée et la lecture du jardin depuis la place des Innocents est effacée.
- Le Forum se retrouve écrasé par un couvercle qui le transforme en « shopping-center » coupé de toute lumière naturelle.
- Le caractère « public » des espaces souterrains est nié au profit du caractère exclusivement commercial.

Le projet retenu en 2007 ne corrige aucune des erreurs du parti de 2004 mais les conforte.

Le projet des Halles connu en 2010 à dû prendre en compte la réalité des problèmes de la RATP, de la sécurité incendie, de la configuration technique des ouvrages souterrains.
Cette réalité conduit à nier toutes les hypothèses qui pouvaient légitimer le nouvel aménagement :
- Les nouvelles sorties de la gare RER ne se situent plus au centre de la place basse, mais sont repoussées sous les escalators Berger et Rambuteau du Forum et hors de son emprise vers la place Marguerite de Navarre.
- Ces sorties n’interfèrent nullement avec les circulations du Forum et ne justifient aucune modification de celui-ci.
- Les rives de planchers autour du vide central sont déplacées pour le plaisir d’une axialité théorique et indécelable ce qui nécessite des tours de force techniques aussi inutiles que dispendieux.
- Cela conduit à détruire les verrières existantes pour les remplacer par de médiocres murs-rideaux.
- Toute arrivée de lumière zénithale sur les circulations est supprimée pour faire place à des terrasses dont le seul but semble être d’effacer définitivement l’arrivée dans les étages inférieurs de la maigre lumière naturelle qui aurait pu filtrer au travers du couvercle.
- Le vide central, coupé à la fois des espaces du Forum et de l’air libre, n’a plus d’autre sens que celui que dessine parfaitement le plan de la « Canopée », à savoir un efficace entonnoir à courants d’air.

Le projet de « Canopée » retenu en 2007 pour la légèreté et l’élégance d’un dessin digne d’une bonne BD de science fiction, s’est progressivement alourdi et dénaturé au fur et à mesure que les contraintes du site imposaient leur réalité.
Dans le même moment, la ville de Paris n’a cessé de communiquer sur des documents de rêve, simulations en perspectives qui ne correspondent absolument pas avec la réalité décelable dans les plans.

L’opération des Halles n’a aujourd’hui plus rien à voir avec l’aménagement urbain et ne procède que du vandalisme architectural.

Georges PENCREAC’H
23/06/2010"

Cette diatribe appelle quelques précisions. Contrairement à ce que pense Pencréac'h, le travail préparatoire et le programme des marchés simultanés d'études de définition n'a pas été rédigé à la va-vite sans considération de la complexité du site. Plusieurs analyses techniques de l'état des différents espaces du Forum ont été conduites auparavant ou concomitamment ainsi que différentes études sur le bâti ou la gestion urbaine. La SemParisCentre, chargée depuis l'origine de faire fonctionner les équipements publics des Halles était chargée de conduire tous ces travaux et n'ignorait rien de la complexité du site. De même, être une star de l'architecture n'interdit pas d'avoir de bonnes idées comme l'ont notamment montré Aurélio Galfetti ou Rem Koollhaas. C'est précisément le "local de l'étape", David Mangin, alors un illustre inconnu, choisi par Delanoë parce que sa solution soi-disant modeste cédait aux instances des gestionnaires du Forum commercial, qui l'a emporté en 2004. Les Halles avaient et ont encore besoin d'un réaménagement profond car la question du rapport entre le dessus et le dessous est loin d'être réglée par la seule verrière imaginée par Vasconi et Pencréac'h.

Cela étant, tout, strictement tout ce qu'écrit Pencréach sur le projet de Mangin et la Canopée de Berger est exact. Sa critique est même en deçà de la tristesse de la réalité et nos lecteurs ont déjà pu lire de nombreux articles à ce sujet.


A suivre ...


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