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ta mère – victoires [1/3]

Publié le 28 juin 2010 par Collectifnrv
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- Il y a tous ces problèmes d’insultes en ce moment. Là, c’est Anelka ; l’autre fois, le raciste qui prétendait parler des Auvergnats. Avant ça, Materazzi et Zidane. A la fin, on en revient à « Casse-toi pov’ con ! »

- Comme tu t’en doutes, je ne suis ça que de très loin.

- J’ai fait deux cours sur la Coupe du monde à mes élèves, comme c’est la fin de l’année…

- Et alors, c’est quoi comme « cours » ?

- On fait un cours sur le foot, parce qu’on ne peut pas faire de la poésie tout le temps, toute l’année. Quand on fait de la poésie, je leur dis : « Rimbaud, c’est sacré ». Et, je lis à la classe un de ses poèmes. La dernière fois, j’ai eu un élève qui a pris une feuille, et qui a marqué « Rimbaud, c’est sacré. » Il me l’a montré. Je suis content.

- Et tu leur apprends quoi avec la Coupe du monde ? Comment ça commence – les insultes ?

- Et pourquoi tout ça, c’est idiot ! Surtout Zidane, quand il dit : « Je m’excuse, mais je ne le regrette pas ».

- Pour toi, c’est idiot ?

- Oui.

- Eh bien… pas pour moi ! Là, je le comprends… et je l’excuse ! On a un type qui se fait insulter, et qui répond.

- A l’école, on leur apprend à vivre en communauté ! Tout ce qu’on leur enseigne tombe à l’eau. Et toi, c’est ça que tu veux apprendre aux élèves ?!!

- Non. Je dis ça parce qu’on est entre nous, mais, ce n’est pas ce que je dirais, si j’avais des élèves. Ou alors, il faut le déplier. Toi, qu’est-ce que tu dis ?

- Qu’on ne résout pas la violence par la violence – qu’il y a un groupe social, et des institutions qui garantissent le respect des droits de tous.

- Euh, là, pour moi, ça n’est pas ça. On a une Coupe du monde, et un grand joueur qui se fait insulter : Materazzi lui chie ouvertement à la gueule, et Zidane, il se lâche. Non, plus précis encore : la mère de Zidane, à ce moment-là, elle est à l’hôpital, et on a Materazzi qui chie à la gueule de sa mère. Il dit quelque chose comme : « J’espère que ta mère crèvera le plus tôt possible la gueule ouverte ». Donc, on a un type qui chie et pisse sur la gueule de la mère de Zidane, et Zidane qui répond par un coup de boule.

- On n’en sait rien.

- C’est vrai, mais ça se devine facilement. Bon, peu importe. Disons-le autrement. Il y a un moment on défend quelque chose que l’on tient pour « sacré » – c’est le terme que tu employais tout à l’heure pour Rimbaud, bien que tu n’utilisais pas dans le même sens, je crois. Attends, tiens, je te donne un exemple. Il y a six mois, je me suis fâché avec un proche – encore un ! – mais on s’est à peu près réconciliés depuis – on se voit encore de temps à autre. Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Un jour, on était au restaurant, et on parlait de choses et d’autres. A un moment, on parlait de jeux-vidéo – de Street fighter, je crois. Il me propose de jouer contre lui. Je refuse poliment : « Non, je suis nul : ça fait longtemps que je n’ai pas joué. » Lui, il me dit : « Mais si, jouons, faisons une partie : je vais te mettre ta mère. » Là, je démarre au quart de tour, et je lui réponds : « Non, tu ne vas pas ‘me mettre ma mère’, et si tu redis ça, je quitte la table ! » La conversation se poursuit. Et pour rigoler, il dit quelque chose d’équivalent. Bon, je sais qu’il rigolait, mais j’ai failli quitter le restau – et, non, je ne lui pas mis un coup de boule. En tout cas, ça a jeté un froid entre nous, durablement. Tout ça pour dire, qu’il y a un moment, on ne peut pas toucher à quelque chose de sacré. Et pour Zidane, je crois que c’est à peu près la même chose. Zidane, il encaisse les injures répétées, et à la fin, il sature.

- Et le sang-froid, ça n’existe pas alors ? Et le self control ?

- Hein, quoi ? C’est passionnel – on est dans le registre de la passion : tu es dans le feu de l’action, tu as toute la pression d’un match de Coupe du monde, et en face de toi, tu as quelqu’un qui chie et pisse sur la gueule de ta mère qui est à l’hôpital, et qui, au passage, allez ! « encule doublement ta grosse salope de sœur » – et tu viens me parler de sang-froid ?!! Prenons alors, maintenant, ta mère à toi – que je ne connais pas – et moi, mais comme quelqu’un que tu ne connais pas. Alors, qu’est-ce que je fais : je commence à l’insulter, oui ou non ?

- Non.

- Bon. Tu m’as compris. Donc, tu vois bien que ce n’est pas du même ordre que « Casse-toi pov’ con ! »

- Il était grippé ce jour-là. Et en plus, ils ont dit qu’il revenait d’une semaine de boulot très chargée…

- Tu te fous de moi ? Tu crois à ces conneries ?

- Si-si, sur les vidéos, on le voit, il était…

- Bon. Et à l’enterrement des dix soldats tués en embuscade en Afghanistan ?! quand il ricane en lisant sa déclaration, il était aussi « grippé », ce jour-là ?!! Mais alors, il l’est tout le temps ! Donc, pour Zidane, il y a quelqu’un qui blasphème et qui l’offense – ce qui n’est pas le cas de l’imbécile qui ricane tout seul…

- Oui, mais alors tu justifies la violence ! Et, on en revient au justicier, et à celui qui fait sa justice individuelle. Ce n’est pas ce que je veux apprendre à mes élèves, car je crois à la justice collective !

- Pour tes élèves, je ne leur dirais pas ça.

- Eux, dans la cour de récré, c’est la loi du Talion ! Quand ils jouent au foot, ils insultent leurs mères. C’est l’époque qui est comme ça. On n’y peut rien.

[fin de la première partie]

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par Albin Didon


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