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Moderato Cantabile, Marguerite Duras

Publié le 13 décembre 2007 par Antigone

Hier au soir je suis allée à la deuxième séance de l'Atelier livres en poche, sorte de club de lecture, organisé par la Maison Gueffier.

Atelier livres en poche

Voici le livre lu et présenté :

Résumé (extrait d'une critique de Dominique Aury) : "De quel poids le destin pèse-t-il sur ceux qui en sont témoins ? Pourquoi le cri soudain d'une inconnue et la vue de son corps en sang ont-ils troublé si fort Anne Desbaresdes, qui est une femme jeune et riche, uniquement attachée à son petit garçon ? Pourquoi retrourne-t-elle au café sur le port, où le cadavre de l'inconnue s'était écroulé dans le jour tombant ? Pourquoi interroge-t-elle cet autre inconnu, Chauvin, témoin comme elle ? Une étrange ivresse s'empare d'elle, où les verres de vin qu'elle se fait servir, et qu'elle boit lentement, ne sont au mieux que des prétextes. Sur le lieu du crime commis par un autre elle revient chaque jour. Chaque jour elle interroge plus avant, parle elle-même un peu plus longuement. L'enfant joue dehors pendant qu'elle s'attarde. Mais un jour elle viendra seule. Un jour elle aura la réponse. Que cherchait-elle donc ? L'amour de Chauvin ? La mort des mains de cet homme qu'elle désire, et qui la désire, comme l'avait obtenue de son amant la femme assassinée ? Un immense scandale silencieux s'est enflé autour d'Anne et de Chauvin et se résout dans le silence par leurs mains qui se joignent une seconde seulement, les lèvres posées sur les lèvres une seconde. Adieu. Tout est dit."

Avis d'Antigone : J'avais déjà lu ce court roman pendant mes années universitaires. Il m'avait troublé à l'époque, comme tous les romans de Marguerite Duras que j'ai pu lire depuis : des personnages fragiles, sensibles et passionnés, ballotés par une vie qu'ils n'ont pas toujours choisie, avides de rencontres libératrices qui surviennent finalement dans des moments inattendus, voire désespérés. Une deuxième lecture, a réveillé chez moi des émotions différentes car aujourd'hui je suis mère et je pourrais avoir l'âge de cette héroïne perdue dans sa vie. Cette histoire qui me paraissait lointaine se rapproche tout à coup de moi. Mais la comparaison s'arrête là, car il est difficile de comprendre les motivations de cette femme se rendant chaque jour dans ce café et qui semble subir sa vie, comme les faits et gestes de son petit garçon. Symboliquement, il semble que ce premier meurtre, dont le cri a envahi la ville, a ouvert un gouffre dans les rues tranquilles de cette bourgade de province, maritime, un appel d'air de passion et de folie dans lequel deux êtres, ce Monsieur Chauvin et Anne Desbaresdes, déjà fragilisés, l'un par le chômage et l'autre par une sorte de baby blues jamais soigné, vont s'engouffrer et se perdre. Et puis il y a le style de Marguerite Duras, cette impression de ne pas y toucher, fausse, et qui remue toujours en profondeur !

Extrait : "L'homme qui était au bar essaya de caresser au passage les cheveux de l'enfant - celui-ci s'enfuit, sauvagement.

- Un jour, dit Anne Desbaresdes, j'ai eu cet enfant-là.

Une dizaine d'ouvriers firent irruption dans le café. Quelques-uns reconnurent Chauvin. Chauvin ne les vit encore pas.

- Quelquefois, continua Anne Desbaresdes, quand cet enfant dort, le soir je descends dans ce jardin, je m'y promène. Je vais aux grilles, je regarde le boulevard. Le soir, c'est très calme, surtout l'hiver. En été, parfois, quelques couples passent et repassent, enlacés, c'est tout. On a choisi cette maison parce qu'elle est calme, la plus calme de la ville. Il faut que je m'en aille.

Chauvin se recula sur sa chaise, prit son temps.

- Vous allez aux grilles, puis vous les quittez, puis vous faites le tour de votre maison, puis vous revenez encore aux grilles. L'enfant, là-haut, dort. Jamais vous n'avez crié. Jamais.

Elle remit sa veste sans répondre. Il l'aida. Elle se leva et, une fois de plus, resta là, debout près de la table, à son côté, à fixer les hommes du comptoir sans les voir. Certains tentèrent de faire à Chauvin un signe de reconnaissance, mais en vain. Il regardait le quai.

Anne Desbaresdes sortit enfin de sa torpeur.

- Je vais revenir, dit-elle.

- Demain."

Résumé de la séance : Chaque participant à l'"Atelier" a eu sa propre lecture de cette oeuvre là, car l'écriture de Duras laisse la part belle à l'interprétation et à l'imagination. Tous ont aimé, même si il y eut quelques frustrations d'un texte qui peut sembler ne pas en dire assez de prime abord. Mais cette histoire est envoûtante et a séduite les deux protagonistes masculins présents qui n'avaient jamais lu cet auteur et qui vont sans doute à présent continuer de la lire. Une histoire d'amour improbable entre deux êtres différents, issus de deux mondes qui ne se côtoient pas, une histoire de rencontre inaboutie, d'attente. Et un style, épuré, efficace, qui reste dans une focalisation externe, en observateur, et qui émeut, paradoxalement, d'emblée.


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