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Ce qu'il y a de surprenant dans l'écriture, c'est qu'on ne sait jamais où cela peut nous mener. On choisit les premiers mots, parfois péniblement, parfois plus facilement. Les premières phrases se construisent prudemment, consciencieusement. Puis il arrive ce moment très curieux où on se laisse emporter, où les mots s'enchaînent sans qu'on puisse décider de leur survenue. On croit alors s'inventer des histoires, on se félicite de notre prétendue fertile imagination.
Mais mis bout à bout, ces mots qui se manifestent presqu'inconsciemment, ne sont-ils pas seulement que le reflet de la partie refoulée de notre âme ?
Et est-ce justement pour cette raison que nous avons si peur de notre propre écriture ?
Souvent, en me relisant, je suis stupéfait des mots que j'ai pu employer. Je ne me reconnais d'ailleurs pas toujours et je m'étonne de mes propres propos. Il m'arrive de les trouver ridicules, arrogants, indiscrets, candides, embarrassants, mais aussi quelquefois beaux, pleins d'espoir, sensibles voire admirables... Il m'arrive d'en rire, d'en pleurer, d'en être fier ou d'en avoir honte...
Il m'arrive aussi de penser que ces mots révélés qui trahissent mes faiblesses et mettent à nu mes blessures et plus globalement mon âme, peuvent m'être nuisibles. Car se lâcher, se livrer entièrement nous rend fatalement plus vulnérables. Une plaie ouverte risque non seulement l'hémorragie, mais également l'infection...
Mais voilà que je commence à m'égarer. Je l'avais dis, on choisit nos premiers mots, puis tout s'enchaîne sans qu'on puisse vraiment se contrôler... Ce en quoi je dis que l'écriture est surprenante.
C'est comme nos choix le long de notre existence. On en fait un, et on ne sait pas toujours non plus où cela va nous mener...
Mais tout comme dans la vie, où faire des choix nous permet d'avancer, écrire a pareillement cette vertu de me faire évoluer. Alors peu importe où elle peut m'emmener, peu importe les risques de mon exposition, l'essentiel est de ne pas stagner...
Ce soir, je suis devant mon ordinateur, seul avec moi-même. La lampe de chevet m'éclaire. Le paquet de Camel me défit. La lourdeur de l'atmosphère m'écrase. Placide, j'avance...