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Médiatisation des "petits sports"

Publié le 04 juin 2007 par Pascal Boutreau

A l'issue des Championnats de France de badminton du week-end dernier, un débat a été lancé sur un groupe de discussion de yahoo, au sujet du traitement de l'événement dans L'Equipe. Une comparaison était même établie entre le traitement du bad et celui du squash qui disputait également ses "France".

Oui le squash a eu droit un espace bien supérieur, agrémenté en plus d'une photo, contrairement au bad, où seuls les résultats "secs" furent publiés.

Le débat est toujours le même. Je vais donc essayer d'expliquer quelques éléments de réflexion sur la médiatisation des petits sports. Le plus objectivement possible et sans langue de bois. Attention, je précise tout de suite, je ne suis pas forcément d'accord avec ce qui suit, mais je dis juste comment ça se passe, vu de "l'intérieur".

La médiatisation d'un sport (je parle dans les grands médias nationaux) répond à différents facteurs plus ou moins objectifs et ne dépend pas forcément du nombre de ses licenciés par exemple. Si c'était le cas, on ne parlerait jamais de biathlon par exemple avec ces quelques centaines de licenciés. Or les Poirée, Defrasne et tous leurs amis sont des habitués de nos colonnes. Pourquoi ?

En premier lieu par les résultats obtenus au fil des années. C'est ce que j'appelle "l'effet cocorico". Faire retentir la Marseillaise, faire hisser le drapeau tricolore en haut d'un mât reste encore le meilleur moyen de faire parler de soi et de son sport. Si demander de l'espace pour parler de Lincou ou de Gaultier ne pose aucun problème c'est avant tout parce que Lincou fut n°1 mondial pendant plus d'un an et qu'il fut sacré champion du monde en 2005. Il était le premier joueur issu d'une nation non membre du Commonwealth à réaliser pareil exploit. Le côté, le petit Français qui domine les Anglais, nos "ennemis de toujours", ça plait toujours... Et peu importe que la concurrence soit limitée à quelques pays et que le squash ne soit pas olympique.

D'une façon générale, dans un premier temps, il faut pour sortir un sport de l'anomymat, une locomotive. En squash, Thierry Lincou a rempli ce rôle. En attirant la lumière sur lui il y a quelques années, il en a fait profiter sa discipline. On s'est ensuite intéressé à Gaultier, le petit jeune qui montait. Aujourd'hui, Gaultier est n°3 mondial (annoncé par tous comme un futur n°1) et Lincou est n°4. La machine "médiatique" est lancée. Ce qui n'a pas été le cas en badminton par exemple, où les échecs répétés de Hongyan Pi dans les grands rendez-vous planétaires (Mondiaux et JO) n'ont pas permis d'amorcer la pompe. Les autres Français étant loin au classement, difficile d'aller se battre pour parler de bad.

Autre point primordial : l'existence d'un ou d'une championne avec un peu de "charisme". Le tennis de table a par exemple bénéficié de cet effet à l'époque de Jean-Philippe Gatien. Le squash en est un autre exemple avec Lincou et Gaultier, qui, dans deux styles très différents sont des personnages qui "accrochent" l'attention. Enfin, le plus bel exemple est sans aucun doute celui du taekwondo avec Pascal Gentil qui, en faisant le grand écart et le beau à la vue de la moindre caméra, a su "se vendre" et, à travers lui promouvoir sa discipline.

Ce n'est pas d'une grande originalité, mais on vit aujourd'hui dans un monde d'images. Les demoiselles du foot (milieu que je connais particulièrement bien pour y être dirigeant d'un club) s'offusquent toujours dès qu'on leur dit que si elles adoptaient une tenue un peu plus "féminine" (rien à voir avec "sexy"), style jupette des hockeyeuses sur gazon, leur image y gagnerait grandement. Je comprends que ça puisse les choquer puisqu'il est légitime de vouloir d'abord être reconnu pour sa performance, mais c'est pourtant la réalité. Hélas... (mais la médiatisation du sport au féminin est un autre débat). On l'accepte ou pas mais aujourd'hui, pour être médiatisé quand on ne fait pas du rugby, du foot, du tennis, on doit le plus souvent avoir aussi une "image" en plus des résultats.

La médiatisation dépend également de la volonté de la fédé de communiquer. Et quand je parle de communiquer, il ne s'agit pas seulement d'envoyer un communiqué de presse de temps en temps. Dans un contexte extrêmement concurrentiel entre les sports sous médiatisés, tous à l'affût du moindre petit écho, cela ne suffit plus (à oublier aussi l'idée parfois avancée que c'est aux journalistes de venir chercher l'info).

Le squash par exemple, organise régulièrement (2 ou 3 fois par an) une soirée médias. Les joueurs et joueuses de l'équipe de France sont rassemblés à Paris (au squash de Saint-Cloud plus précisément) pour y rencontrer les médias. Lancée il y a quelques années par Pauline, alias Super-Copine (ex attachée de presse de la fédé de squash aujourd'hui passée au taekwondo), cette initiative, est aujourd'hui reprise par Gilles (très présent dans les comm de ce blog). Lors de ces soirées, il est même parfois possible d'échanger quelques balles avec Lincou, Gaultier and Co. ça peut paraître tout con, mais de ces échanges naît une sorte de "connivence" et de "complicité". Les journalistes présents (de plus en plus à chaque rendez-vous) sont alors plus attentifs aux résultats des mecs avec qui ils ont joué. Le club de Levallois organise également ce type de soirée avec le tennis de table et l'escrime où une fois par an, le "duel des médias" nous permet, à nous autres journalistes, d'être associés aux escrimeurs du club (la plupart sont champions du monde ou olympiques) dans des petits tournois où les partenaires du club sont également conviés. Et tout se termine autour d'un buffet. Tout ça s'appelle du relationnel. Et c'est essentiel.

Et pour finir en étant complètement honnête, certains aspects complètement incontrôlables dans une politique de communication peuvent intervenir. Exemple personnel. Il y a quelques mois j'ai rencontré une charmante demoiselle, joueuse de hockey sur gazon en équipe de France. Ce hasard a fait que je me suis "subitement" intéressé à la discipline et que le hockey a ensuite eu le droit à plusieurs reprises à une exposition à peu près décente dans le journal avec même des sujets illustrés. Je précise tout de suite ne s'agissait pas "d'impostures". Les sujets valaient tous la peine d'être exposés mais sans cette rencontre je n'en n'aurai simplement pas eu connaissance. Si j'avais rencontré une joueuse de water-polo, on aurait peut-être parlé davantage de water-polo. Conclusion : si une charmante joueuse de bad célibataire est prête à participer à la médiatisation de sa discipline, je verrais ce que je peux faire... lol Attention, ceci est du 43e degré... Mais c'est aussi une façon d'expliquer que même si les notions objectives (principalement les résultats) sont essentielles, il y a aussi une plus ou moins grande part de subjectivité et de "hasard" qui peut intervenir. Je comprends que l'on puisse trouver ça injuste. Lorsque l'on est passionné et que l'on s'investit pleinement dans un sport, il est évidemment frustrant de devoir rester dans l'anonymat. Les champions de bad ou d'autres sports aussi peu médiatisés sont tout aussi méritants (voire parfois plus) que d'autres et mériteraient une exposition supérieure. On est d'accord. Mais si le monde était juste, ça se saurait...   

Aujourd'hui, le bad est un sport en pleine expansion en France comme l'atteste son rang de sport n°1 en UNSS. Dans les mois et années à venir, plusieurs gros rendez-vous doivent permettre de le propulser dans la lumière. Le Super-Series de l'automne avec la venue des meilleurs joueurs du monde doit servir à amorcer la "propagande". Et tout cela doit ensuite déboucher sur un succès populaire et médiatique des Mondiaux en 2010. Mais sans l'addition de multiples éléments, à commencer par des résultats sportifs significatifs, ces événements peuvent tout aussi bien déboucher sur une frustration. Alors au boulot !


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