Elle me dit :
Comment comprendre tes "blancs"
dans la conversation électronique ?
mes blancs attendent d'être battus en boule de neige
mes blancs sont autant de pages en attente d'écriture comme terre en attente de pluie
mes blancs ne sont pas les contraires de mes noirs
mes blancs sont patience pure sans influence
de la lune et du soleil
mes blancs paraissent déraisonnables
parce qu'ils le sont
mes blancs assècheraient tout buvard bien portant
et pourtant !
mes blancs me cassent les pieds à moi aussi
car ils sont tellement bavards
mes blancs aiment l'extrême pâleur du vide
de la page et du moniteur-écran
mes blancs attendent, ils ne savent du reste
faire bien que cela
mes blancs sont les cousins des touches ivoirines
d'un piano muet, des boutons d'un accordéon
espérant tout son air en retenant son souffle
mes blancs sont de sages petits enfants auxquels
on raconte des histoires d'ogre et de fées,
ils ouvrent grand la bouche, aucun son n'en sort
mes blancs passent leur temps à regarder
des nuages blancs, filer, des oiseaux blancs, voler
mes blancs sont farine sur ton visage
mon ami Pierrot
mes blancs sont poudre de riz sur ton sein
geisha silencieuse, aimante, servante
mes blancs ne seront jamais sur des starting-block,
à vos marques, prêts, partez, très peu pour moi
mes blancs se réveilleront peut-être un jour,
mais trop tard, tant pis pour eux !
mes blancs sont ce qu'était la paresse "Au commencement..."
comme dans la Genèse
mes blancs sont pourtant avides de lèvres
et de cerises rouges
mes blancs ne peuvent pas sortir de leur indécision ?
De leur torpeur ? De leur bouteille, comme ce message
porté en elle, jeté en mer, qui ne découvrira jamais la moindre plage
mes blancs sont des oeufs de fauvette, cachés dans ce nid secret,
au coeur du roncier
mes blancs sont la quintessence de mes voeux les plus secrets,
de mes secrets les plus lourds
mes blancs ne seront jamais portés par rouleau, ou pinceau
sur un mur
mes blancs espèrent l'arc-en-ciel cependant, ces couleurs subtiles,
infinies, qui font chanter le monde
mes blancs sont mes mains, mon coeur, mon sexe tout à la fois
mes blancs sont mordants et aimants
mes blancs je ne peux pas leur clouer le bec
ils ne sont pas alouette, ils ne sont pas bêtes,
ils sont blancs
mes blancs, pour affirmer mon autorité
il faut que je leur dise Stop ! Comme à présent,
oui, Stop ! Sinon on y serait jusqu'à demain, la Saint Glinglin,
en perspective bien des nuits blanches, bien des regards troublants,
bien des combats, bien des errances, je ne veux pas que leur succède le rouge-sang !
photo : "Carré blanc" artiste, Eric Marrian
http://www.marrian.fr/