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Pour l'amour du foot

Publié le 20 avril 2006 par Pascal Boutreau

J'espère que vous avez un peu de temps devant vous car cette news va vous occuper quelques minutes si vous allez au bout. Je m'explique...

Ballon_foot
Un éditeur m'a récemment contacté. Son but est de rassembler dans un ouvrage les témoignages de plusieurs "écrivains du sport" qui racontent leur passion du foot... Même s'il est vrai que j'ai déjà commis deux livres, ça me fait un peu bizarre quand on me considère comme un écrivain. J'ai déjà du mal à me considérer comme un vrai journaliste alors un écrivain... Enfin bref, j'ai accepté. Je vous ai donc mis ci-dessous le texte que je vais envoyer (je dois encore fignoler quelques trucs). Les plus fidèles de ce blog retrouveront quelques notions développées dans l'ancienne version de ce site. Désolé, c'est un peu long....

Stade de l’US Le Pecq, quelque part dans les Yvelines, un lundi soir. A la lumière des projecteurs, une quinzaine de jeunes filles enchaînent les exercices sur un terrain stabilisé. Au centre, Mélanie, l’indispensable et si précieuse coach, donne les consignes. Trois filles à droite sur le plot vert, trois autres à gauche sur le plot bleu et les autres au centre. C’est parti pour dix minutes de centres, de reprises de volées ou de têtes. Avec toujours les mêmes éclats de rire, les mêmes cris de joies pour rythmer la soirée. Et surtout, des sourires sur les visages de Marion, Céline, Magali, Patou, Anne-So, Anaïs, Aurélie, Audrey, Charline, Amanda, Constance, Virginie, Sabrina, Andrine, Alexa et de toutes celles qui sont devenues mes Chouchoutes. Toutes se régalent. Bonnet sur les oreilles, emmitouflées dans leur survêtement, ou maillot du PSG sur le dos, ces mordues du ballon rond ne manqueraient pour rien au monde ce rendez-vous. Les devoirs et les révisions attendront. Les soucis sont restés au fond du minuscule vestiaire qu’on veut bien leur prêter… Priorité au foot… La passion du foot, elle est là, sur ce terrain. Pas de calcul, pas d’arrière-pensées… juste du plaisir.

La passion du foot, ce sont aussi des instants de partage avec des potes devant la télé ou dans les tribunes d’un stade. C’est une nuit magique, le 26 mai 1993 quand une tête de Basile Boli offre à la France sa première Ligue des champions. Dans ma petite chambre de bonne de 8 m2, nous étions alors cinq ou six, entassés, à hurler notre joie. Au loin, la Tour Eiffel nous observait. En ces instants, nous avions même l’impression qu’elle brillait juste pour nous et pour l’OM. Direction les Champs Elysées. La nuit fut longue… Cet Olympique de Marseille qui depuis plusieurs années nous avait offert du rêve tenait son Graal. Merci aux Waddle, Pelé, Papin ou Francescoli qui nous ont tant fait vibrer. Tous partagent le même don : celui de donner l’illusion que le foot est un sport facile, de rendre simple un geste que peu de personnes sur cette terre sont capables de réaliser. Tous nous font nous lever sur un passement de jambes, une reprise de volée, un dribble ou une frappe en pleine lucarne.

Maradona
Diego Maradona est le plus grand de tous ces artistes, tout au moins de ceux de ma génération. Un magicien venu d’une autre planète. Ce fameux but contre l’Angleterre en quart de finale de la Coupe du monde 1986 (pas celui de la " main de Dieu " bien évidemment), ne relève pas de l’humain. Cela reste pour moi le plus beau de l’histoire du foot. Les Anglais dans leur quasi intégralité passés en revue comme de simples joueurs de Division d’Honneur. Ce but, j’ai dû le revoir plusieurs dizaines de fois avec toujours le même plaisir, la même sensation d’assister à un moment unique. Juste en dessous du dieu Diego, dont les larmes de détresse firent pleurer tous ses admirateurs le soir de la finale perdue face à l'Allemagne, mention particulière aux Platini, Van Basten, Zico, Bergkamp, Susic, Maldini ou Ronaldinho, eux aussi hors normes. C’est pour avoir la chance d’admirer leurs prouesses que des milliers de supporters un peu partout sur la planète se ruent dans les tribunes des stades chaque semaine. Avec hélas certains excès de quelques abrutis qui confondent fête et défouloir.

Le foot, ce sont donc des stars pour nourrir la passion des foules mais aussi des anonymes pour faire germer cette passion dans le coeur d'un enfant. Un de ces enfants dont le regard s'illumine dès qu'on lui met un ballon dans les pieds.

Albert Morlet, appelé par tous " Bébert ", est pour moi la plus grande personnalité de l’histoire du football. Ou plus précisément de mon histoire du football. Ne cherchez pas sa trace dans les livres d'histoire du sport. Pas une ligne, pas un mot. Et pourtant, Bébert a écrit quelques-unes des plus belles pages de mon album personnel. Durant près de vingt ans, il fut mon entraîneur dans mon petit club de foot de la Renaissance d'Athis, en Champagne, un petit bled de 600 habitants à l'époque où le foot était alors le seul loisir. Comme dans beaucoup de villages partout en France et partout dans le monde. Bébert était un bénévole comme il en existe sans doute des milliers dans tous les clubs, et dans tous les sports. Un bénévole qui ne comptait pas ses heures passées sur les terrains pour nous encadrer. Le samedi après-midi avec les poussins, les dimanches matin avec les cadets et pour finir, les dimanche après-midi avec les seniors. Pourquoi ? Pour rien. Parce le foot c'était sa vie. Ou plutôt, sa vie, c'était le foot. C'était nous et notre passion. Nous sommes beaucoup à avoir grandi avec lui. A d'abord l'avoir craint quand nous étions gamins, à l'avoir ensuite envoyé balader quand nous étions un peu plus vieux et que nous nous prenions déjà pour des grands. Et puis, au fil des ans, nous sommes probablement beaucoup à l'avoir un peu ou même complètement oublié. Ainsi va la vie... Mais sans lui, beaucoup de gamins comme moi n'auraient sans doute pas autant vibrer pour le ballon rond.

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En pensant à lui, beaucoup d'images me reviennent à l'esprit. Les entraînements, sa vieille Ami 8 avec laquelle il nous transportait à travers toute la Marne, les tournois, sa moustache... Comment oublier le bruit des crampons dans le vestiaire, la première paire de chaussure à crampons, des Puma noires, les concours de penalty des tournois, les entraînements passés à plonger et à tacler dans la marre de boue qui stagnait le plus souvent devant mon but et le regard affolé de ma mère en me voyant revenir dans un sale état… Et comment ne pas ressentir une petite pointe de nostalgie à l’évocation de ces matches que nous abordions comme des finales de Coupe du monde, de ces buts que nous pensions être les plus beaux et les plus importants de l’histoire.

Tout ça était sa passion, ma passion… notre passion. Le vrai foot. Pas le foot-spectacle dont nous abreuvent aujourd’hui les médias. Un foot pollué par l’argent avec des joueurs qui ont perdu toute notion de la "vraie vie", égarés dans un système vicié où les notions de rentabilité, de gain, de primes et d’enjeux ont remplacé celles du jeu et du plaisir.

Heureusement, il y aura toujours dans tous les villages du monde des passionnés pour aller s’occuper des gamins… et des gamines. Des papas, des mamans, des oncles pour laver les maillots, nettoyer les vestiaires, tenir les buvettes, mais aussi pour féliciter et applaudir après les victoires ou trouver les mots qui consolent et sécher les larmes après les défaites. Il y aura toujours des Bébert ou des Chouchoutes pour entretenir cette flamme qui se transmet de génération en génération depuis plus d’un siècle.

Le foot est éternel.


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