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« Equipe de France ; l’heure est au choix plus qu’aux sanctions »

Publié le 30 juin 2010 par Délis

Quelques jours après l’élimination calamiteuse des Bleus et la succession de polémiques, Erik Bielderman, envoyé spécial pour l’Equipe Magazine en Afrique du Sud décrypte pour Délits d’Opinion ce fiasco, les responsabilités de chacun et dresse un possible scénario pour le successeur de Raymond Domenech, Laurent Blanc.

Délits d’Opinion : Il y a un mois vous parliez d’une formidable incompréhension entre Domenech et les médias ; la crise qui vient de se produire démontre que l’incompréhension allait au-delà. Comment expliquer une telle débandade ?

Erik Bielderman : Avant toute chose cette crise était déjà là et n’attendait qu’un élément déclencheur pour que le tout explose auxyeux des observateurs. Cela fait plusieurs années que les joueurs se rendent à Clairefontaine à reculons. Pourtant, cet état d’esprit n’est pas la conséquence d’un désamour pour le maillot bleu en tant que tel mais un véritable rejet de l’encadrement et des structures en place. Le manque de confiance et d’estime des joueurs  à l’égard de leurs dirigeants et du sélectionneur ont contribué à pourrir le climat jusqu’à cette fin tragique sur un terrain d’entrainement.

Le prétexte de la fuite du vestiaire et la sortie d’Anelka ont enclenché le processus mais celui-ci aurait de toute façon conduit à une fin de ce type. Le décryptage des jours qui ont suivi la fin de parcours des Bleus doit se faire à la lumière des frustrations, des menaces et des propos particulièrement violents que l’on a pu entendre de la part de cette équipe au sens large.

Délits d’Opinion : Selon les Français,  les joueurs sont les premiers responsables alors que les amateurs de football citent majoritairement la FFF comme bouc émissaire ? Quel est votre avis ?

Erik Bielderman : Selon moi, la Fédération est le premier maillon sur la chaine de  responsabilité. Elle est en charge de nommer un sélectionneur et de l’encadrer ; à dire vrai, ce travail n’a pas été bien fait, en particulier depuis 2008 et le maintien très controversé de Domenech. Les mauvais choix qui ont été faits depuis deux ans ont conduit à la progressive déstructuration de l’édifice fédéral et par voie de conséquence à l’étage « Equipe de France»  qui ne disposait pas d’un leader en capacité de modifier le cap.  

Il a manqué à la Fédération un pouvoir fort et le président Escalettes, lui, l’amateur au milieu de tous ces professionnels, a été débordé et dépassé par les événements sans qu’il puisse s’appuyer sur une structure fédérale stable. Pire, ceux qui auraient pu incarner cette stabilité ont quitté le navire au cœur du naufrage (Duvergne, Valentin).

On ne peut pas oublier la responsabilité technique et psychologique de Domenech tout au long de ces années. En effet, c’est lui qui a fait et assumé tous les choix; les mises à l’écart, les titularisations mais aussi les déclarations parfois maladroites. De plus, sa gestion de l’équipe de France en tant que groupe s’est révélée trop fragile et finalement mauvaise.

Enfin, il serait bon de souligner que  les joueurs ont démontré un manque de correction et un manque de respect du maillot bleu. Ce sont ces comportements qui ont fait réagir tous les pouvoirs en place et les médias du monde entier. Là aussi, il n’y avait plus de leader ; Henry s’est progressivement retrouvé à la marge, Evra n’a pas su gérer son capitanat alors que d’autres ne semblaient pas suffisamment légitimes pour prendre la parole avec fermeté.  

Pour expliquer ces chiffres on peut avancer le fait que les amateurs de foot vont remonter à la course, à savoir la Fédération là où les simples spectateurs se contenteront de critiquer les joueurs, qui sur le terrain et en dehors, n’ont pas donné satisfaction.

 

foot a la porte
Délits d’Opinion : Après la crise Anelka, l’histoire de l’entrainement boycotté, les Français ont été très durs envers l’équipe. Des sanctions seront-elles possibles contre les leaders de la fronde ? Blanc va-t-il donné un grand coup de balai comme Jacquet en 1994 ?

Erik Bielderman : L’heure n’est pas aux sanctions mais au choix. Ce seront ceux de Blanc qui sera là pour remettre du calme, de la sérénité et permettre à ce groupe, ou ce qu’il va en rester, de se reconstruire. Ces choix seront fait de manière positive et il devra identifier ceux qui peuvent encore apporter quelque chose au groupe France et ceux qui devront être écartés, que cela soit pour des raisons d’âge ou de compétence (Henry, Gallas, Govou) ou de comportement (Anelka). Son seul objectif sera de constituer un groupe sain et qui pourra regagner la confiance de ses supporters.

Les vrais choix seront ceux des hommes et des individualités susceptibles de pauser problème ; comment Ribéry pourra-t-il être intégré ? Comment reconduire Abidal et Evra en défense ? Comme Jacquet en 1994, il aura plusieurs choix, de la radiation au purgatoire.

Délits d’Opinion : L. Blanc est attendu comme le messie du football français. L’entraineur des girondins a-t-il les qualités et pourra-t-il reconstruire sur ce champ de ruines,

Erik Bielderman : Il y a fort à parier que le nouveau sélectionneur, comme tous les nouveaux présidents de la République, disposera d’un période de grâce d’environ un an. Au cours de cette période il lui sera pardonné les incohérences, les erreurs, les faux-pas et les défaites. Pourtant, tout Président qu’il a été, il devra rapidement rassurer les Français, les médias et les nouvelles autorités responsables sur sa compétence.

Après cette crise profonde et l’image pitoyable véhiculée par les joueurs et l’encadrement, les observateurs et le grand public sont sans doute prêt àprendre le temps si c’est pour le bien de l’équipe. Le souvenir de 1998 est désormais loin et le passé de l’équipe de France est aujourd’hui constitué de tâches tenaces qu’il faudra dissiper au plus vite pour redonner au public l’envie de soutenir cette équipe.

Selon moi, l’hypothèse d’une refondation est probable. Tout d’abord parce qu’elle semble inévitable après le chaos provoqué par ce mondial. L’exemple de l’Allemagne rajeunie et flamboyante doit inspirer le futur sélectionneur. Les M’Vila, Gameiro et autres Gonalons, s’ils sont bien encadrés par quelques joueurs d’expérience, ont tout à fait le potentiel pour qualifier l’équipe de France pour le prochain Euro.

Propos recueillis par Raphaël Leclerc


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