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Conjungenda est Normannia ! Réunifions la Normandie...

Publié le 02 juillet 2010 par Blocnotes

    Rails

En séance plénière du Conseil Régional, j'ai fait entendre ma voix :

« L'heure est venue de sonner le tocsin, avec insistance. La Normandie émiettée, la Normandie divisée, la Normandie émasculée a-t-elle bien pris conscience du défi herculéen que lui lance aujourd’hui Paris, le pouvoir central et l’Etat ?

Une menace pèse sur la vocation des Normands de prendre en main leur destin. Cette menace a pris forme : celle du projet du Grand Paris et son volet ferroviaire, la ligne à grande vitesse qui doit prendre la forme d’un Y normand.

Pour faire face à cette menace et tirer parti du projet de Grand Paris, existe-t-il une solidarité claire et agissante, une solidarité entre nos deux demi-régions s’exprimant d’une seule voix ?

Que nenni. Les Normands se livrent, une fois de plus, aux délices de la cacophonie, à la défense du pré carré, à la philosophie de bocage.

J’ai participé, avec consternation, aux travaux du comité de pilotage présidé par le préfet Duport. J’ai vu, j’ai entendu chacun y défendre ses intérêts locaux.

J’ai assisté à la séance plénière du Conseil général de l’Eure où le président Destans a fait valider des scénarios qui ne sont pas ceux défendus par le conseil Régional. Ce dernier ne se coordonne pas avec le CR de Basse Normandie, alors même que le projet de TGV bas normand traversera l’Eure, qui fait partie, me semble-t-il de la Haute Normandie.

Quel sera le résultat de cette cacophonie ?

Pour assurer le rayonnement mondial de la capitale, pour faire de Paris, selon l’expression de Jacques Attali, une ville monde, il faut en affirmer la dimension maritimela plus large, et d’abord en aménageant l’axe séquanien du Havre à Paris.

Formidable ambition, cela va sans dire et projet enthousiasmant.

Le seul hic, c’est que l’aménageur de la Seine, colonne vertébrale de la Normandie, sera l’Etat et non les Normands.

Paris nous explique que les Normands, prisonniers de leurs sempiternelles chamailleries, sont incapables de mener à bien de grands projets et que, pour donnercette très belle ambition les moyens de sa réussite,il faut assurer la rapidité de la prise de décision et une cohérence tant géographique que multi-disciplinaire.Une gouvernance globale, capable de piloter le projet à tous les niveaux, du niveau local au niveau européen.

On peut se gausser de Monsieur Attali.Le septicisme devant les grands projets est, avouons-le, un défaut bien normand et beaucoup se rassurent en pariant sur l’impuissance pécuniaire de l’Etat.

Mais cet explorateur de l’avenir est en mission de reconnaissance. Derrière lui se profilent les escadrons blindés du pouvoir d’Etat, le retour en force du jacobinisme centralisateur.

Déjà, l’Etat a montré sa volonté d’agir en créant un secrétariat d’Etat chargé du Grand Paris. Ce n’est pas un signe de faiblesse…

Déjà, le préfet Duport, le bien nommé, mène tambour battant son comité de pilotage sur le dossier emblématique du chemin de fer à grande vitesse. Ce n’est pas un signe d’inertie…

Alors posons nous la question, chers collègues.

Que restera-t-il à cette assemblée si l’Etat crée un EPAS, un établissement public d’aménagement de la vallée de la Seine, chargé de mettre en œuvre, les cinquante propositions de Paris et la Mer dans le cadre d’une Opération d’Intérêt national ?

Non seulement cet Epas aura vocation au pilotage de l’aménagement portuaire, ferroviaire, mais il mettra en musique, je cite «  le développement économique,social et culturel de la vallée de la Seine et son rayonnement au sein de la France, de l’Europe et du monde.»

Excusez du peu. Que restera t il à cette assemblée ? Ajoutons à cet arrêt de mort le programme de réforme des collectivités locales et il ne restera aux Normands que leurs yeux pour pleurer et pour vous, monsieur le président, des brassées de chrysanthèmes à déposer sur la tombe d’une Normandie déjà déclinante.

Nous aimons tous la Normandie. Pour qui aime la Normandie, la lecture de Paris et la Mer est une épreuve cruelle, mais édifiante.Il faut du courage et de la lucidité pour nous reconnaître dans le miroir ainsi tendu, dans ce portrait d’une région affaiblie par la division des intelligences,l’incapacité quasi congénitale à s’unir et, en définitive,le faible poids économique d’une région exclue du croissant dynamiquedes régions à forte croissance du PIB régional.

Ce croissant dynamique qui part de Rhône-Alpes ( région à 5 départements ) et s’arrête, comme par hasard, à la Bretagne où l’on sait si bien s’unir pour la réussite de grands projets.

Dans le domaine de l’action régionale par excellence, les infrastructures de transport, le bilan n’est guère brillant. Dans ce domaine, la Normandie a accumulé les grands retards et les mécontentements d’usagers. Comment ne pas songer aux palinodies, aux hésitations aux non-décisions entre les 4 aéroports normands l’absence criante d’un schéma de développemt portuaire concertéallant de Dieppe à Cherbourg  alliant les ports de Paris et de Rouen,? Que dire de l’initiative d’un conseil général achetant tout seul le port de Newhaven ?

Certes, sous l’impulsion d’Alain Le Vern, l’amélioration du matériel ferroviaire roulant est spectaculaireet la rationalisation de l’offre aéroportuaire va pouvoir commencer.

Ne recommençons pas les erreurs de Port 2000 !

Port 2000 a été le plus grand investissement consenti par l’Etat en région depuis un quart de siècle. Et l’Etat, fort habilement, a joué de la division entre la Normandie du Nord et la Normandie du Sud aboutir à une directive territoriale d’aménagement où, entre la vocation normande et les diktats de l’Etat, l’accord ressemble fort au fameux pâté d’alouette.

Ainsi, à l’heure actuelle, 85 % du fret issu du port du Havre est chargé sur des camions qui encombrent le réseau autoroutier, au mépris de tous les principes du développement durable.

La ligne Paris Rouen Le Havre, engorgée, saturée depuis des années n’est capable ni d’assurer convenablement le trafic voyageurs, ni l’acheminement du fret issu de Port 2000.

Que dire du trafic fluvial ? Où sontles plate formes tri-modales dont le chapelet egréné tout au long de la Seine, doit concurrencer les infrastructures du Canal Seine Nord, éviter que Rotterdam et Anvers ne deviennent définitivement les ports du Grand Paris et conserver en région une part de la valeur ajoutée de la logistique ?

Mais l’incapacité à imposer, depuis 15 ans, face à l’Ile de France et à l’Etat le doublement de la ligne Paris Rouen Le Havre entre Mantes et Saint Lazare, n’est-elle pas emblématique de la faiblesse politique de nos deux demi-régions face à l’Ile de France, Paris et l’Etat ?

Oui, les Normands paient cash le prix de leur division. Peu suspect de partialité, parce que commandité ici-même, le rapport d’expertise EDATER a souligné la dévitalisation rampante, la perte de croissance, de richesses et d’emplois induite par la division de la Normandie.

Les économistes comprendront mon impatience devant la lenteur du processus de réunification devant ce chiffre énorme, cette fourchette établie par le rapport Edater de 14 à 26% de croissance perdue sur une durée de quinze ans. Ce sont des milliers d’entreprises et d’emplois que nous avons laissé sur le quai.

Nous payons cette division par l'absence de grands projets normands et plus généralement par l'inefficacité de politiques qui se déploient sur un territoire trop étriqué pour être pertinent.

Que l’on me comprenne bien : ni les exécutifs régionaux, ni leurs dirigeants ne sont à mettre en cause. Ils sont brillants et compétents. Alain Le Vern, Laurent Beauvais, Didier Marie, Jean Louis Destans mènent, à l’échelon de nos demi-régions, les meilleures politiques possibles actuellement.

Mais à l’heure où les grandes régions françaises s'alignent en coupe d'Europe, combien de temps encore allons nous jouer au footsal avec deux équipes, certes talentueuses, mais entraînées sur un terrain de handball ?

Seule la réunification permettra à la Normandie de répondre aux défis du présent et de construire son avenir. Aussi, à l’image du vieux CATON, vais-je conclure ce discours par une formule qui devra être martelée jusqu’à la renaissance de la Normandie :

Conjungenda est Normannia ! »


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