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La servitude façon bobo

Publié le 03 juillet 2010 par Anthonynaar
La servitude façon bobo
Jeudi soir, je me suis retrouvé devant Envoyé Spécial. Je n’avais rien de particulier à faire, pas franchement envie de lire, aussi j’ai regardé un reportage. Je trouve Envoyé Spécial assez étrange comme émission. Les reportages sont souvent bien trouvés, mais ne touchent jamais juste. Il leur manque toujours quelque chose pour passer du stade de reportage moyen sans grand intérêt à celui de bon reportage.
Et donc, là je me suis retrouvé à regarder un sujet sur l’Aloe vera. Intéressant comme thème. L’Aloe vera est partout, on lui prête tout et n’importe quoi comme vertus, alors pourquoi ne pas en apprendre un peu ?
Après un passage dans une plantation d’Aloe vera bio et une explication du comment de son utilisation, on se retrouve chez un couple qui est accro à l’Aloe vera. Mais vraiment accro. Ils en prennent tous les matins, et semblent trouver que sans l’Aloe vera, leur vie n’aurait aucun sens. Et, nous apprend le reportage, ils aiment tellement l’Aloe vera qu’ils ont décidés d’en vendre.
Avec ma naïveté habituelle, je m’imaginais que le couple s’apprêtait à ouvrir une boutique d’Aloe vera, ou à refourguer une partie de leur production personnelle pour mettre du beurre dans les épinards. Sauf que ce n’était rien de tout cela. Ce couple est entré dans un réseau, et fait de la vente à domicile. Du coup, des amis sont venus chez le couple, et ils leur ont fait une présentation, expliquant pourquoi est-ce qu’il faut acheter et consommer de l’Aloe vera.
Je me suis retrouvé le cul sur ma chaise et la bouche ouverte. Ces gens, adeptes du bien-être, de la consommation responsable et de tout le tralala, étaient en plein dans le pire de l’idéologie managériale. Désormais, on n’est plus asservis au management et au marketing pendant les heures de boulot, mais également à la maison, et, surtout, on s’y asservit tout seul. Grande nouvelle, dans l’Occident moderne, plus besoin de barbelés, plus besoin de chiens, plus besoin de gardes ni de capos, vous fournissez tout ça vous-même.
Ensuite, étude de l’entreprise américaine qui leur fournit les produits. Le patron est richissime (et a sacrément mauvais goût). Son système, c’est qu’il recrute des vendeurs qu’il paie à la commission, mais également au recrutement de vendeur : en clair, vous êtes payé en fonction de ce que vous vendez, mais aussi de ce que les vendeurs que vous avez recruté vendent (signalons que chaque nouveau vendeur doit débourser 200 euros minimum pour commencer). Certains réussissent à toucher des centaines de milliers d’euros comme cela, qui leur sont remis dans de grands meetings donnant l’impression d’assister à un rassemblement fasciste.
Bref, résumons. Nous avons l’idéologie du bien-être. Nous avons des bobos, tellement adeptes de l’idéologie du bien-être qu’ils donnent de leur personne pour la propager. Pour se faire, ils se soumettent à la forme la plus intrusive, la plus totale et la plus sympa de l’idéologie managériale. Les agents de cette idéologie se réunissent dans de grands meetings où ils applaudissent les stakhanovistes ceux qui ont les meilleurs résultats, ainsi que leur grand chef.
Ah, précisions utile, si le grand chef est multimillionnaire et si une poignée des meilleurs gagnent beaucoup d’argent, l’immense majorité des vendeurs ne reçoivent que des miettes.
Mais tout cela, les journaleux d’Envoyé Spécial ne l’ont pas vu. Enfin, ils ont vu que ça coûtait chers et ne rapportait qu’à une poignée, mais ils sont totalement passés à coté du totalitarisme de cette affaire.

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