Droit devant. Chemise trop large rentrée dans un jean’s trop serré. La houppette bien gominée qui pointe droit vers les néons du magasin. Le tour de cou estampillé de l’enseigne qui se balance de droite à gauche. Portable et trousseau de clés, qui pendouillent, marquent la cadence.
P’tit Chef trace la route dans les rayons du supermarché.
Il exécute sans sommation du regard chaque manut’ blagueur qui croise sa route. Le mec se prend deux balles rétiniennes entre les deux yeux. La tronche du mec s’effondre, il redouble d’efforts pour tirer son transpal chargé de tomates, de coca ou de chips.
Traversée du magasin pour dégoter un facturier posé sur une glacière en exposition. Ballade retour dans l’autre sens. Au passage, il envoie bouler poliment un gosse puis hèle un manut’ qui passe par là pour aller s’occuper du gamin. Kirby, qui suit le cortège, fait de grande enjambées, souples et tranquilles. Il lève les yeux au ciel en hochant la tête.
Retour dans son rayon. Replié, la houppette raide, P’tit Chef remplit sa p’tite facture pour l’achat d’une palette de bouteilles d’eau. Quand il entend le nom de la boîte, il écrit ce qu’il veut. Le prix, il l’invente. Gribouille deux trois âneries de plus puis sépare la facture du carnet et la tend.
Vous allez payer avec çà. Au sous-sol, vous allez au B2, devant le rideau de fer. Vous sonnez. J’vais prévenir le mec de la sécu. Il vous ouvrira. On vous remettra la palette.
Il attrape un énième manut’ par la peau du cou.
Toi, prends la palette d’eau amène-là en B2 à ces messieurs.
P’tit chef hoche la tête sèchement puis disparaît en réserve.
Kirby penche sa caboche.
J’ai longtemps taffé dans un supermarché. Pour des mecs comme ça. Des chefs alimentaires. Au bout de six mois, je parlais aux boîtes de p’tits pois. Mes meilleures amies.