Ils, Simone Veil et Michel Rocard, ont osé déclarer :
(…)
« Mesure-t-on bien les effets dévastateurs du spectacle affligeant qui se donne jour après jour devant l'opinion autour de « l'affaire Bettencourt » ? Veut-on définitivement démonétiser une parole politique déjà suffisamment dévalorisée, décriée, diminuée ?
Les sondages nous disent ces jours-ci que nos compatriotes trouvent cette « affaire » (ndlr : Bettencourt) grave. Grave, elle l'est d'autant plus en effet que les représentants des institutions les plus éminentes de notre pays - présidence, gouvernement, Parlement, justice - se trouvent interpellés, parfois en des termes plus qu'inappropriés, par des responsables politiques plus soucieux de leur carrière que de l'intérêt public. Qu'ils soient de droite ou de gauche, aux affaires ou dans l'opposition.
Comprenons-nous bien : chacun a parfaitement le droit, et même le devoir démocratique, de dénoncer, ou de défendre, telle ou telle situation de cumul de responsabilités, tel ou tel risque de conflit d'intérêts, tel ou tel motif de confusion des genres. Rien de plus normal, ni de plus sain, que cela : c'est l'essence même du débat politique en démocratie.
Mais débattre est une chose, vouloir à tout prix abattre l'adversaire en est une autre. Attaquer ad hominem, harasser sans relâche, dénoncer sans preuves, d'un côté comme de l'autre, ce n'est pas servir le débat, c'est desservir la démocratie, l'affaiblir et finalement l'asservir au nom même des principes que l'on croit si bien défendre. C'est porter atteinte à la dignité de la personne, c'est porter un coup à la politique, à la République.
N'oublions pas que le mot « république » vient de la res publica latine, la « chose publique », qui désigne l'intérêt général et le fonde en principe supérieur à tous les autres.
Aussi, reprenons quelque hauteur, ne cédons pas aux facilités rhétoriques et aux emportements à visée scénique, cessons les excès de tous ordres et débattons. Dignement. »
Voilà donc deux « sages » qui estiment encore devoir « débattre » dans un club privé, le club Vauban, pour savoir si à travers les comportements du sieur Woerth, honnête homme s'il en est, et des affaires en cours, la « chose publique » - la république - serait mise à mal par … celles et ceux qui s’indignent d’apprendre que l’on fait si peu cas dans leur pays des règles de droit constitutionnel ou simplement pénal. Qui s’étonnent aussi et surtout que les sanctions à l’encontre de la délinquance en col blanc soient si difficiles à prendre.
Si l’on s’intéresse à cette chose publique, de quoi peut-on bien débattre aujourd’hui ? De qui, de quoi, doit-on prendre la défense ? A part précisément de la République qui est aujourd'hui vidée de son contenu.
A qui cette injonction «halte au feu» est-elle adressée ? Où se trouve l'anathème lorsque les personnes et les institutions se trouvent dans un état tel, qu'il y a en effet de quoi s'indigner. Le mot est faible.
La «parole politique» a-t-elle plus de valeur que ce qu’elle est présumée défendre, à savoir les principes sans lesquels la «chose publique», toujours elle, risque de disparaître si ce n’est déjà fait ?
Pauvres petits vieux Veil et Rocard ! Ils ont l'âge d'une retraite bien méritée et ils s'agitent encore pour tenter d'allumer un contrefeu à ce qui «fait les titres de la presse ces derniers jours». Qui cherchent-ils à protéger en prenant le risque de ternir leur réputation ?
Pourquoi ne leurs conseille-t-on pas de prendre un peu de repos ?