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Etat chronique de poésie 936

Publié le 05 juillet 2010 par Xavierlaine081

936

Nous fendons la foule qui se presse aux quais de Sorgues.

D’étal en étal, nos yeux se penchent sur ces détails de l’histoire que des antiquaires monnayent au prix fort.

On est ici en territoire désormais détenu par la fortune.

Char, René, occulté par l’arbre des grandes fortunes.

*

La rivière enlace la ville entre ses bras de printemps.

Entre deux nuées orageuses, le soleil cogne.

Il n’est point de répits au flot compact des véhicules qui tentent de s’insinuer, de se faufiler, cherchant l’hypothétique stationnement qui permettrait de ne pas marcher.

Nous allons, peu à peu, être les spectateurs médusés d’une évolution de l’humanité : une partie d’entre nous naîtra sans jambes, buste cloué dans des carrosseries rutilantes.

On se précipite, donc, on s’agglutine aux terrasses trop étroites, dans le grondement, devenu à peine audible désormais, des eaux tumultueuses.

Tout ceci s’organise à grand bruit.

Il faut quitter la frange étroite de la ville, vouée aux dieux de la consommation touristique, pour retrouver un peu de fraîcheur et de sérénité.

Char, René, tes livres ne font que maigre devanture chez un seul libraire, et encore, à grand prix.

Sans doute ta pensée, tes proses et poésies, écrites en des lieux de résistances aux soumissions passées, maintenant dans les meurs, ne font pas bon ménage avec le temple du commerce.

Le plus simple pour tuer un auteur, c’est de spéculer sur son nom, et de vendre sa littérature au plus cher, tout en crachant sur sa tombe.

*

Que savez-vous, passants du samedi, de cet homme de grande taille, au regard perdu sur des plateaux âpres et secs, pupille rivée sur le dernier parachute, ultime symbole de la liberté à venir, mais si vite oubliée et dépensée ?

Que savez-vous, marchands, de ce lieu que le mythe désormais ignore ?

Il n’est pas trace de l’homme aux feuillets d’Hypnos. Rien n’indique son passage, ni même qu’il ait pu exister en ces lieux.

Le marché noir bat son plein, les bourses ne se délient que très peu. On parle anglais pour faire people ; on roule en des carrosses décapotables, on se marie en calèche.

Tout n’est plus qu’artifice au Lubéron sans âme.

Le vrai a déserté, dans des ruelles obscures. Il se décline en chinoises vapeurs, en thé glacé, mêlé d’orange et de cannelle.

*

Un parfum d’autrefois roule sur les calades

Mine déconfite ne reste plus d’espérance

Au pavé d’ignoble marchandise

.

Que Sorgues gronde en des rives incertaines

Son dos roule en vertes frondaisons

Sous le pas abusé de passants en goguette

.

Ta main cherche la mienne et s’y blottit

Nous avions si peu de chance de respirer encore

En ces temps de disette et d’âpres labeurs

.

Il nous fallait cette chance

Déserter un peu du rôle imparti

Se frayer un chemin d’amoureuse déambulation

*

D’autres, dans l’herbe verte s’embrassent à pleines lèvres.

Leur jouissance est sans doute proportionnelle au nombre des regards qui les suivent.

Dans l'enfer des sens, jusqu'où s'exposent les désirs? 

D'amour en amour, la nuit est un puits sans fond, un vertige… 

Saint Saturnin lès Avignon, 23 mai 2010

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