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Décembre au Luxembourg

Publié le 14 décembre 2007 par Argoul

Lutèce en ses faubourgs s’appelait Lucotitius. Au 10ème siècle s’y élevait un château. Il s’appelait Vauvert, loin de l’île de la cité et pour cela « au diable ». Louis le Saint le donna aux Chartreux, qui s’empressèrent de le démolir pour y planter en écolos mystiques forces légumes et fruits – cinq par jour, selon la coutume préconisée du ciel.

C’est Marie la Florentine, de la famille Médicis, qui acheta l’endroit en 1612 pour y côtoyer ses compagnons Gondi. Salomon de Brosse, son architecte bâtit une imitation du palais Pitti et dora son dôme d’or fin, pour honorer la Régente. Cela ne dura pas ; ayant mal choisi la Fronde, Marie fut exilée à Cologne. Louis XIV fit élever là ses robustes bâtards, pondus par la Montespan. Les lieux servent aujourd’hui d’ébats démocratiques aux petits Parisiens tandis que les sénateurs y somnolent en les murs.

En ce mercredi de décembre, il fait froid. Pas plus de 4° et un petit vent vif du sud-est s’infiltre par les cols et dans les narines. Les enfants, si vifs au sortir de l’été, se font rares malgré le soleil d’hiver, bas derrière les arbres, dont la lumière affaiblie dore pourtant les pierres blondes. Le Sénat en a fermé les paupières. Les vieilles dames ne déambulent plus à petits pas dans les allées. Les mômes du tennis peinent à échanger languissamment des balles ; le cœur n’y est pas, les bras sont comme épuisés et le moniteur s’époumonne. Les poneys des petits sont trop sages, tête basse et prunelles vides sous les franges. Quelques vieux, sur les bancs, papotent ou jouent aux échecs, aux endroits prévus à cet effet. Car nous sommes en France, à Paris centre, où tout est ordonné.

Il s’est installé comme un climat frileux sur l’Hexagone.

Le jeune marchand de masque a beau bomber le torse et brandir, toujours aussi fier, sa face de Victor - symbole républicain s’il en est - l’épopée bédouine qui ravage les média font les gens se rencogner chez eux. Nul calife n’est arrêté à Poitiers, cette fois-ci et, au Luxembourg, c’est déjà le désert…

On est pris d’une envie de vêtir ce jeune garçon ingénu, de crainte qu’il ne soit pris et enchaîné sur les galères barbaresques - pour avoir dit tout haut, comme dans le conte, que le roi était nu. Sur le dossier d’un banc récemment repeint s’éteignent doucement les braises d’une dédicace hormonale de Gabrielle à Tom.

Et un lecteur s’est figé, assis face à l’ouest dans une allée rectiligne, n’osant lever les yeux pour regarder le soleil en face.

Il n’est plus de l’époque, à méditer ainsi avant d’agir. Tel un mammouth surpris par les glaces, sa luzerne encore entre les dents et son livre à la main, il semble brutalement fossilisé dans le tourbillon médiatique à la mode – tellement à la mode, ma chère. C’est « ça » le rayonnement universel français ? Le jardin du Luxembourg, en ce mercredi 12 décembre le montre à l’évidence – pour qui sait quitter pour une fois le virtuel des écrans et les plateaux de télé.


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