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Sarkozy, Woerth, du conflit d'intérêt au financement illégal : faits et accusations.

Publié le 07 juillet 2010 par Juan
Sarkozy, Woerth, du conflit d'intérêt au financement illégal : faits et accusations.L'affaire Woerth-Bettencourt est bel et bien devenue une affaire Sarkozy. Pour ceux en doutaient encore, les nouvelles révélations de l'ancienne comptable de Liliane Bettencourt, publiées par Mediapart devraient servir de confirmation. Les réactions de Nicolas Sarkozy et d'Eric Woerth furent sans surprise. L'Elysée a officiellement démenti, Sarkozy a dénoncé «l'horreur» et la «calomnie», Eric Woerth a répété qu'il ne démissionnerait pas: «N'importe qui dit n'importe quoi sur moi.» . Quels sont les faits ?
Claire T. fut comptable de Liliane Bettencourt à partir de mai 1995. Licenciée en novembre 2008, elle a été interrogée lundi 5 juillet par la brigade financière, dans ses locaux du 13ème arrondissement de Paris. Et ses révélations sont explosives pour le président français. Elle tenait à jour des «carnets de caisse» où elle répertoriait les retraits et versements qu'elle effectuait pour le compte de son employeur.
1. Eric Woerth est trésorier de l'UMP. Liliane Bettencourt a contribué au financement de l'UMP.
2. Florence Woerth a été embauché par Clymène, la société gestionnaire de la fortune de Bettencourt en novembre 2007.
3. Quand il était ministre du budget, Eric Woerth a eu des contacts privés avec Liliane Bettencourt (tel un dîner le 30 janvier 2008) ou avec son gestionnaire de fortune (dîner, décoration).
4. Selon son ancienne comptable, Liliane Bettencourt n'a jamais fait l'objet de contrôle fiscal depuis 1995.
5. Liliane Bettencourt a obtenu, quelques semaines après sa demande début 2008, un remboursement de 30 millions d'euros au titre du bouclier fiscal. C'est choquant, légal et Eric Woerth aura du mal à expliquer qu'il ne savait rien du plus gros remboursement d'impôt à un particulier de l'année 2008.
6. Claire T. et Patrice de Maistre ont émis des doutes sur la réalité de l'efficacité professionnelle de Florence Woerth au sein de Clymène, la société gérant les placements de dividendes de Mme Bettencourt. L'ex-comptable rapporte également la même accusation que de Maistre (révélée par les enregistrements pirates de ses conversations avec Liliane Bettencourt) contre son embauche, à savoir qu'elle servait à faire plaisir à son mari devenu ministre après l'élection de Nicolas Sarkozy.
7. Liliane Bettencourt n'a pas déclaré toute son immense fortune : une île aux Seychelles et deux comptes en Suisse ont été mentionnés dans les enregistrements pirates. Et le procureur de Nanterre, un temps accusé de négligence, affirme avoir transmis ses soupçons au ministère du Budget...
Ces 7 premiers faits suffisent largement à définir ce que l'on appelle un conflit d'intérêt: un ministre du budget qui rencontre une grande fortune par ailleurs soupçonnée de fraude fiscale, son épouse qui travaille pour elle, des collaborateurs qui émettent des doutes sur la réalité professionnelle de cette embauche, que faut-il de plus ?  Mais depuis, d'autres révélations sont venues accuser la thèse gouvernementale, et transformer la crise morale en crise politique.
8. Claire T. avait déjà affirmé que Liliane Bettencourt lui demandait de retirer jusqu'à 50 000 euros en espèces chaque semaine, qu'elle remettait à «Dédé», c'est-à-dire André Bettencourt, puis, à compter de 2007, à Patrice de Maistre, le gestionnaire de fortune. Lundi, elle a impliqué le monde politique, et particulièrement à droite: « Une partie servait à payer des médecins, des coiffeurs, du petit personnel, etc. Et une autre, c'était pour les politiques » a-t-elle expliqué à Mediapart. «Je sais que Dédé avait contribué, juste avant mon arrivée, au financement en liquide de la campagne d'Edouard Balladur. Cela dit, comme il était généreux, il ne m'étonnerait pas qu'il ait aussi financé les activités politiques de Jacques Chirac »
9. Selon l'ancienne comptable de Liliane Bettencourt, son employeur a financé la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007. Ce financement était illégal car il dépassait largement le plafond légal (7500 euros par personne privée).  Elle précise le montant litigieux: 150 000 euros.
10. Selon elle, c'est Patrice de Maistre qu'il l'en a informée. Claire T. a en effet déclaré à Mediapart que (1) Patrice de Maistre lui avait demandé 150 000 euros en espèces, (2) qu'elle avait refusé car son accréditif à la banque de la milliardaire était limité à 50 000 euros, (3) que M. de Maistre aurait alors expliqué que c'était pour financer la campagne de Sarkozy (“Mais enfin, c'est pour financer la campagne présidentielle de Sarkozy ! Je dois donner de l'argent à celui qui s'occupe du financement de la campagne, Eric Woerth. Et 50.000 euros, ce n'est pas suffisant.”), et (4) qu'elle a finalement versé 50 000 euros seulement au gestionnaire. Elle précise même la date où elle a consigné ce versement à de Maistre dans l'un de ses fameux carnets: «Je me souviens de la date de ce retrait destiné à la campagne de Sarkozy : c'était le 26 mars 2007».
Ensuite, selon elle, Patrice de Maistre aurait complété la somme : « Comme les 50.000 euros ne suffisaient pas, Maistre s'est rendu – ou a envoyé quelqu'un, je ne sais pas – en Suisse, pour prélever en urgence le complément, à savoir 100.000 euros.»
11. Claire T. accuse également Maistre de s'être chargé du versement auprès d'Eric Woerth pendant la campagne électorale en 2007: «Maistre m'a dit qu'il allait très vite dîner avec Eric Woerth afin de lui remettre, “discrètement” comme il m'a dit, les 150.000 euros.» Mardi, Patrice de Maistre a contesté «formellement les allégations mensongères» de son ancienne comptable, dixit son avocat.
12.  Enfin, selon Claire T., Nicolas Sarkozy recevait régulièrement des donations en espèces de la part de Liliane Bettencourt avant 2007. Une accusation grave, qui a enragé l'Elysée.
Mardi, la journée fut donc rude pour le ministre et son Monarque. Le premier devait assister aux questions au gouvernement à l'Assemblée Nationale. «J'ai envie de les étrangler» a-t-il confié dans les couloirs. Nicolas Sarkozy, lui, visitait un hôpital en banlieue parisienne, sur le thème de la «médecine de proximité». Le weekend dernier, le JDD publiait la liste de 54 établissements menacés de fermeture pour cause de charge de travail insuffisante, telle que prévue dans un décret de la ministre Bachelot pour août prochain. Le Monarque, lui, semblait peu préoccupé de ces polémiques et inquiétudes.
Souriant, avenant, disponible pour les photographes, aimable avec les infirmières dont il s'est permis de louer la beauté, Nicolas Sarkozy donnait l'impression, ce mardi 6 juillet, d'être totalement «hors sol», paralysé par une polémique qui le dépasse. A l'UMP, on laisse entendre qu'il parlera, ou qu'il devrait bientôt parler aux Français. On croit savoir qu'il réfléchit à remanier son gouvernement la semaine prochaine. «Grillé par ses fusibles» titre Libération. «Nicolas Sarkozy pressé de s'expliquer sur les soupçons de financement illégal» renchérit le Monde. Le Figaro détaille «les nouveaux scénarios de Sarkozy» sur un possible remaniement plus tôt que prévu. A l'étranger, les médias s'interrogent. Il n'y a que Sarkozy qui s'obstine...comme tétanisé.
Le même jour, Patrice de Maistre était entendu comme témoin par la brigade financière. Le début de la fin ?


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