Les révélations sur les enveloppes kraft de Madame Bettencourt ont donné à nos journaux l'occasion de revenir sur le financement des partis politiques (toute une page hier dans le Monde) et de donner des chiffres. Les partis politiques ont quatre sources de financement : le financement public, les cotisations des membres, les contributions des élus et les dons de personnes physiques.
Voici les chiffres
UMP PS
financement public 34 484 473 22 702 818
contribution des élus 1 721 280 13 166 686
dons de personnes physiques 7 409 001 1 697 237
Au regard de ces chiffres, on peut, d'abord, se demander : à quoi ont bien pu servir ces 150 000€ que Madame Bettencourt a donnés à Eric Woerth? Où sont-il? Se retrouvent-ils dans cette comptabilité?
Si c'est le cas, ce doit être dans la case des dons de personnes physiques. On sait qu'ils sont plafonnés à 7500€, mais rien n'interdisait de diviser cette somme en une multitude de petits dons, de 50 à 100€ attribués à des fantômes, ce qui aurait permis de les blanchir. C'est une technique ancienne que pratiquait beaucoup le PCF dans les années 50 et 60. Lorsqu'il avait besoin d'argent, ses dirigeants envoyaient le patron de l'Humanité "emprunter" quelques millions aux NMPP (je dis emprunter mais c'était en fait du chantage. La conversation se résumait à un : "si vous voulez éviter une grève, donnez-nous x millions…" Le Monde de la grande époque ne faisait pas mieux : il suffisait d'un éditorial de son directeur administratif attaquant la gestion des NMPP pour que les dirigeants de celles-ci, comprenant le message, accordent des facilités au grand quotidien du soir). Ces valises de billets se retrouvaient dans la comptabilité sous forme de dons collectés à la fête de l'huma ou ailleurs.
150 000€ représentent 2% des dons de personnes physiques. Ce qui n'est pas rien. Il suffirait que quelques dizaines de personnes contribuent de cette manière au financement de l'UMP pour expliquer l'écart entre les dons faits à l'UMP et ceux faits au PS.
Mais on peut aussi imaginer que ces sommes aient été utilisées à d'autres fins, en dehors de toute comptabilité, pour rembourser, en liquide, des frais engagés par des militants ou des élus, ou pour financer des activités pas très avouables (comme l'achat d'un service de claque, le financement de colleurs d'affiches mercenaires…).
L'affaire Woerth a révélé une faiblesse des lois sur le financement des partis politiques : les dons individuels sont plafonnés à 7500€, mais rien n'interdit de donner à plusieurs partis et pour peu que chacun crée son propre parti, ce plafond est facilement détourné. Une analyse plus fine des comptes des partis politiques mettrait sans doute en évidence d'autres écarts à cette moralisation dont on nous a tant parlé ces derniers jours.