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L’affaire Chattawak met en ébullition le monde de la franchise (2)

Publié le 09 juillet 2010 par Jackd

Le vent allait tourner avec l’arrêt de la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre commerciale, pourvoi n° 06-20772, 26 février 2008) qui rejette la qualification d’agent commercial.

Les hauts magistrats rappellent que « l’agent commercial, simple mandataire qui n’a pas de clientèle propre, ne peut être titulaire d’un fonds de commerce et n’a pas la qualité de commerçant », ce qui est contraire, disent-ils, à la disposition contractuelle qui prévoit que la société Chantal Pieri est « un commerçant indépendant propriétaire de son fonds de commerce ».

S’ensuit une cassation et le renvoi devant une Cour d’appel en charge de juger à nouveau cette affaire à la lumière de ses directives.

La Cour d’appel de renvoi, celle de Paris, mais autrement composée, fait alors de la résistance (Cour d’appel de Paris, 9 avril 2009) en s’opposant à la Cour de cassation par une nouvelle décision requalifiant le contrat de commission-affiliation en contrat d’agent commercial.

Dans son arrêt, elle souligne que « le fonds de commerce est une universalité de fait, qui peut comprendre divers éléments, au nombre desquels cumulativement ou non, la clientèle, le droit au bail, l’enseigne, le matériel, le stock, des marques, des licences »,

Elle ajoute « que la plupart des éléments susceptibles de composer le fonds de commerce appartenaient à la société Chattawak ou étaient étroitement contrôlés par celle-ci, spécialement l’enseigne, le matériel et le stock ».

A nouveau saisie, la Cour de cassation (Cour de cassation, chambre commerciale, pourvoi n° 09-66773, 29 juin 2010) vient de rappeler fermement son opposition à cette requalification du contrat de commission-affiliation en contrat d’agent commercial.

Les hauts magistrats reprochent à la Cour d’appel :

de n’avoir pas recherché laquelle des deux sociétés avait la qualité juridique de vendeur,

de se polariser sur le statut d’agent commercial, simple mandataire, qui n’a pas de clientèle propre alors qu’une clientèle, à l’évidence détachable de la marque Chattawak, était attachée à la société Chantal Pieri qui avait su en fidéliser une en ce lieu, tandis que la société Chattawak avait pu ouvrir, dans le même temps, un nouveau magasin dans la même ville à son enseigne,

de tenir la cession, par la société Chantal Pieri, du droit au bail des locaux où était exploité le fonds de commerce pour un élément non essentiel du litige alors que le fait qu’elle soit titulaire d’un bail commercial est un élément essentiel pour déterminer si celle-ci avait la qualité de commerçant qu’un agent commercial ne peut posséder.

Dans cette affaire, au cours de l’année 2011, un troisième arrêt de la Cour d’appel de Paris interviendra donc, et cette Cour, une nouvelle fois recomposée, devrait vraisemblablement s’incliner et tenir compte des pistes tracées.

Au delà du terrain juridique, certains consultants estiment que ce système de la commission-affiliation mis en place dans les secteurs fortement liés à la mode est une mauvaise réponse des franchiseurs à la concurrence des succursalistes qui eux sont maitres de leur offre et de leur stock et qui, par conséquent, disposent d’une très grande flexibilité pour renouveler leurs gammes.

Avec leur réseau de franchisés qui sont des commerçants indépendants, les franchiseurs du textile n’ont pas cette précieuse flexibilité pour renouveler leurs gammes car ils se heurtent à l’intérêt économique de leurs franchisés qui n’est incontestablement pas d’acheter, sans cesse, des stocks mais bien de revendre la totalité de celui acheté avant de faire l’acquisition du suivant.

Pour solutionner ce redoutable problème, certains de ces franchiseurs ont donc transformé leurs franchisés, au prix de nouvelles contraintes, en commissionnaires affiliés.

Ces derniers sont devenus des entités qui n’ont plus la propriété de leur marchandise – de simples déposants à qui l’on confie des biens – qui vendent au consommateur sous l’enseigne et la marque du franchiseur, qui n’ont pas de liberté d’installation, qui ne peuvent fixer les prix, qui sont rémunérés selon des modalités prévues par le franchiseur, qui ont obligation de reverser leur chiffre d’affaires sur un compte bancaire ouvert au nom du franchiseur, qui doivent impérativement utiliser un logiciel « terminal point de vente », fourni par le franchiseur, éditant un ticket de caisse qui ne permet pas de les identifier…

Alors, peut-on sérieusement voir en ces affiliés des commerçants indépendants ?…

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