Mais oui, mais c’est bien sur : puisque l’Etat et les systèmes de retraite manquent d’argent, yaka trouver de l’argent ! Yaka imposer les revenus du capital, par exemple ! Puisqu’il est beaucoup moins imposé que le travail, le voilà, ce pelé, ce galeux responsable de nos déficits ! Bon alors, soit ! Zoomons, et regardons de plus prés ! Les choses pourraient ne pas être si simples ;
Alors, effectivement, la comparaison est flagrante : les revenus du travail seraient imposés à environ 50 % et ceux du capital à 20 %, le taux se calculant bien sur en prorata du PIB ! Rappelons que cette situation est largement imputable à ceux qui à une époque augmentaient les charges sociales pour faire « payer les patrons et qui depuis ont découvert que cela consistait en une augmentation de la rémunération du travail aussitôt confisquée par prélèvement.
Mais curieusement une taxation accrue – voire forte - du capital pourrait donner des résultats décevants. Tout d’abord, si la part des revenus du capital (loyers, dividendes …) représente environ un tiers du PIB, cela ne signifie pas que tout peut être imposé : il faut en effet déduire les amortissements dont le PIB ne tient pas compte, c'est-à-dire l’usure du dit capital. Ce n’est pas négligeable, puisque le revenu net du capital, après amortissement n’est plus que de l’ordre de 60 % du revenu brut Autrement dit, sur 100 € de revenu du capital dans le PIB, 40 sont de l’amortissement et seuls 60 peuvent être imposés. Le taux d’imposition réel du capital deviendrait de 33,3% du revenu net du capital ! Et une confiscation de l’intégralité des revenus du capital ne conduirait qu’à un taux de prélèvement de 60 % de la part de PIB allant au capital !
Deuxième élément : les prélèvements obligatoires sont composés de 2 éléments distincts : des impôts sans contrepartie directe et des cotisations qui ouvrent des droits. Faire cotiser les revenus du capital à la protection sociale revient à attribuer des droits à leurs détenteurs. C’est parfaitement admissible pour la sécurité sociale, puisque tout le monde aujourd’hui en bénéficie. Au demeurant, autant alors aller jusqu’au bout par une fiscalisation des recettes de sécurité sociale ! C’est plus discutable pour les retraites, sauf à reconnaître que la taxation du capital ouvrira des droits supplémentaires aux contribuables concernés. A moins qu’il soit prévu de les faire payer pour des droits qui leur seront refusés. C’est le « fait du Prince ». Il est vrai qu’il existe déjà un précédent, celui des régimes spéciaux de retraite où ceux qui paient (contribuables, clients d’EDF, de la SNCF …) ne sont pas ceux qui en bénéficient.
3eme élément : cette mesure risque d’être contreproductive. Il faut ici citer les travaux de 2 économistes américains, Alberto Alesina et Roberto Perotti, qui montrent que la hausse de la fiscalité n’a jamais permis de résorber les déficits. A cela 3 raisons : deux concernent toutes les formes d’augmentations d’impôts, la 3eme concerne plus particulièrement l’imposition des revenus du capital. En effet, augmenter les impôts directs de 100 euros ne fait pas 100 euros en plus dans les caisses de l’Etat ! En effet, ces 100 euros prélevés ne sont pas consommés, donc ne supportent pas de TVA qui n’est donc plus perçue par l’Etat. Ainsi, 100 € d’impôt en plus, ça ne fait que 85 de recettes fiscales nouvelles … C’est même pire : les hausses d’impôt, en tout cas lorsqu’elle excèdent les gains de productivité, produisent des effets déflationnistes, puisque pénalisant la demande …. Jacques Chirac en a goûté les conséquences amères en 1995, lorsque nouvellement élu, il a augmenté la TVA. La croissance qui se dessinait alors en a été freinée et n’a manifesté ses effets qu’avec 18 mois de retard, profitant à Lionel Jospin. Moins de demande veut dire moins d’emplois, donc moins de cotisations perçues et plus de prestations versées... Ce qui accroîtra le déficit ! Enfin, le principal déterminant de l’investissement reste sa rentabilité. Que celle-ci soit fortement affectée, par l’impôt par exemple, et la France pourrait voir vieillir et fondre son outil de production… Et augmenter son chômage.
Il reste enfin que cette croyance dans les hausses d’impôt n’est pas anodine. Oubliant le poids déjà très élevé de la fiscalité en France, elle contribue à maintenir les dysfonctionnements majeurs. Une protection sociale de haut niveau coûte cher et est incompatible avec le malthusianisme ambiant. Le secteur public reste massivement sous productif, faute de dispositifs de régulation efficace – concurrentiel par exemple : il n’est que de se souvenir de la baisse spectaculaire du prix des communications téléphoniques il y a un peu moins de 15 ans, grâce à l’ouverture à la concurrence -. Pourquoi un voyage avec la SNCF coûte-t-il si cher ? Le système éducatif laisse sur le « carreau » trop de jeunes insuffisamment qualifiés … L’un des maux français, c’est que la redistribution ne va pas à ceux qui en ont besoin mais à ceux qui savent faire pression sur l’Etat !
Alors ? Ubu rêvait de devenir roi pour s’approprier l’argent des impôts, après avoir « tué tout le monde ». Jarry était il un visionnaire ? Aujourd’hui, il est plus important de s’approprier un revenu que de le créer. Depuis 35 ans, la dette publique a été le moyen d’éviter un désastre social, en permettant de concilier niveau de vie, malthusianisme et corporatisme. Les prêteurs commencent maintenant à douter de la solvabilité de leurs débiteurs. Peut être est il temps de réagir avant de sacrifier les générations à venir ?
A.B. Galiani.