Les émotions bien tassées dans un coin sombre de la piste de danse

Il n'y a pas un lieu où l'on se sent plus entouré que celui d'une bonne boîte de nuit pleine à craquer, un club bondé de corps suants, de membres chahutés de mouvements frénétiques, un espace empli du répétitif vrombissement des boîtes de son qui vient nous chatouiller jusqu'aux cheveux. Dans ces rares mais délicieux moments d'extase, là où on s'est libéré de nos inhibitions, là où la musique nous semble en parfaite synchronicité avec le battement sur nos tempes, c'est dans ces instants brefs et si fuyants que j'ai le plus l'impression d'exister.
Pourtant, c'est un peu également de ces instants où j'ai le moins l'impression d'exister, comme si j'étais tout d'un coup aspiré dans un trou noir.
La vague sensation d'entrer dans le décor, de m'y inclure pour toujours et de disparaître, jusqu'au moment fatal où Jess de Laval viendra inévitablement s'accrocher à mon cou parce qu'elle est tombée en bas de ses talons hauts.
N'empêche que ce sont de ces passes courtes et si intenses dans une vie, qu'on cherche toujours à les reproduire. On les chérit avec nostalgie, comme des morceaux sur un disque qu'on a grafigné. Et peut-être, peut-être que c'était la seule, la seule bonne fois, le seul bon moment comme ça, peut-être y en aura plus d'autres. Mais je suis un optimiste et j'aime danser, alors je... keep on dancing.
Il y a quelque chose dans le fait de s'absorber comme ça, quelque chose qui me rappelle le ciel, les astres, les chocs stellaires, les étoiles fuyantes, la chaleur des soleils lointains.
Les lumières des clubs sont comme des projecteurs indécis sur une foule mouvante et hurlante, comme une houle de cris et d'euphorie, saillante d'embrassades chaudes et d'yeux remplis de désirs.
Je me prend une bière, je monte sur la terrasse et vient me tasser au milieu de la foule, je m'allume une cigarette et je lève les yeux au ciel qui s'étale derrière la steam des corps.