1/ Comme facteurs de victoire dans l'engagement, Clausewitz rappelle "la supériorité numérique, l'intrépidité, l'exercice" (p. 265) : "ces facteurs sont d'ailleurs égaux que l'on attaque ou défende". En revanche il discerne "trois facteurs d'importance cruciale : la surprise, l'avantage du terrain et l'attaque de plusieurs côtés".
Comment les comparer ?
2/ "L'attaquant ne bénéficie que d'une partie du premier et du dernier, alors que la plus grande partie de l'un et de l'autre , et l'essentiel du second, vont au défenseur" (p. 266). "L'avantage de l'attaquant, c'est qu'il est libre d'attaquer à l'endroit de son choix avec toues ces forces; le défenseur, lui, est continuellement en mesure de le surprendre au cours de l'engagement, en modulant la direction et l'intensité de ses contre-attaques". Ainsi, le défenseur ne bénéficie d'avantage que dans la mesure où il mène des contre-attaques : ce point est essentiel, car je ne crois pas qu'il soit souvent rappelé. Dois-je ajouter que cela ne me paraît pas très convaincant, et surtout très désuet, car correspondant à un style de guerre qui a vécu ?
3/ "Il est clair que le défenseur peut mieux tirer parti du terrain". Cela est vrai, à une seule condition : que le défenseur ait pris l'initiative de s'arrêter à un terrain qu'il a choisi : autrement dit, qu'il ait décidé du lieu de la bataille. On admettra que cette condition essentielle aurait mérité d'être rappelée. A défaut, un défenseur qui se fait surprendre sur un terrain qu'il n'a pas choisi se verra irrémédiablement acculé à la défaite. Mais peut-être s'agit-il alors d'un combat de rencontre, qui n'entre pas dans les vues clausewitziennes. De même, cet avantage du terrain n'est pas insurmontable : que l'on pense au Bonaparte étudiant ses cartes à la veille des batailles, pour justement retourner le terrain qu'on lui opposait.
4/ Pour preuve de cette obsolescence du discours clausewitzien, voici ce qu'il dit plus loin : "Examinons l'art de la guerre tel qu'il s'est développé à l'époque contemporaine : au début, c'est-à-dire dans les batailles de la guerre de Trente Ans, (...) le défenseur en retirait de grands avantages puisqu'il avait déjà pris position. Avec des troupes de plus en plus manœuvrières, l'avantage disparut, et l'attaque prit un temps le dessus (...)La défense devait une fois encore changer ses dispositions. C'est ce qu'elle a fait dans les dernières guerres (p. 267). Ses forces sont positionnées en grandes concentrations, sans être déployées pour la plupart et si possible, à couvert, prêtes à se porter sur l'ennemi dès qu'il dévoile ses intentions" (p. 268). On le voit, il est question des guerres du début du XIX° siècle. Osera-t-on dire qu'on est loin de la défensive ? Souvenons-nous, il s'agit de parer un choc, et d'attendre ce choc. Mais n'est-on pas bien éloigné de la défensive, quand on met des troupes en retrait, en fait en réserve, pour réagir à l'attaque ennemi et rétablir ou obtenir localement un rapport de force favorable ? de même, la campagne de France entre Marne et Seine, conduite par Napoléon, est tout sauf de l'attente (et accessoirement, elle se conclut par la défaite)....
Autrement dit, ce chapitre ne me convainc pas.
O. Kempf