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Mon fils et moi (épisode 3)

Publié le 09 mai 2007 par Eric Viennot

Chaplin_the_kid Alors que je bricolais chez moi l’autre jour, mon fils est venu me voir avec une mine étrange et m’a lancé une sorte d’aveu qui m’a laissé quelques secondes sans voix : « Papa, tu sais, dans Okami, et ben ya des scènes qui me font pleurer ! ». Il faut dire que mon fils a consacré une cinquantaine d’heures au jeu de Clover, contrairement à moi qui n’ai que quelques heures de jeu au compteur. En fait, cette révélation contenait une sorte d’interrogation intime, en gros « suis-je normal ? » Il est tellement entendu que les jeux vidéo sont faits pour se marrer, et non pour ressentir ce genre d’émotion, que cette réaction a dû lui paraître comme une incongruité, une sorte de bug personnel et qu’il est venu se rassurer en me demandant indirectement « Toi qui as joué est-ce que tu as ressenti la même chose ? » ! Quelques secondes plus tard, histoire de laisser passer les frissons qui m'avaient parcouru la peau, je lui ai demandé si c’était la première fois qu’il pleurait devant un jeu. Il a réfléchi et m’a avoué qu’il avait versé quelques larmes à la fin de Shadow of the Colossus, mais sinon que ce genre d’émotion lui semblait réservé aux livres et aux films.

En tant qu’auteur, j’ai souvent dit que les jeux vidéo parviendront à prouver qu’ils sont une nouvelle forme d’art quand ils seront capables de tirer des larmes aux joueurs, et pour une fois, pas à cause des difficultés à installer tel plug-in ou telle carte nécessaire au lancement du jeu ! Souvent les gens me rétorquent que leur préoccupation première en jouant aux jeux vidéo n’est pas de trouver le même type d’émotion qu’ils ressentent devant tel film ou à la lecture de tel roman. Pourtant, ceux qui, comme mon fils, y ont goûté une fois, risquent de ne plus voir les choses de la même façon. Ils tenteront sans doute de retrouver ce bonheur à travers d’autres jeux. On m’objecte que la richesse et la subtilité de la grammaire cinématographique ou du cinéma sont plus aptes à véhiculer de véritables émotions. A ces objections, je fais souvent observer que nous n’en sommes qu’au tout début. Qui aurait cru, en visionnant l’Arrivée d'un train en gare de la Ciotat ou devant l’Arroseur arrosé des frères Lumière, qu’il serait possible, quelques décennies plus tard, que des salles entières aient les larmes aux yeux devant les films de Chaplin ?

 Illustration : Le Kid, de Charlie Chaplin, 1921.


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