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Peer Gynt débarrassé du superflu – pour que ne reste que l’essentiel !

Publié le 07 juin 2010 par Europeanculturalnews
Peer Gynt débarrassé du  superflu – pour que ne reste que l’essentiel !

Peer Gynt, mise en scene de Sarantos Zervoulakos (c) Karl Forster

Quel genre de confiance en lui doit avoir un jeune metteur en scène, quand sa première grande œuvre s’appelle «Peer Gynt» d’Henrik Ibsen ? Apparemment, la confiance de Sarantos Zervoulakos est grande. Et quand on a vu son Peer Gynt présenté dans le cadre du «festival nouvelles» à Strasbourg, on peut dire : « à juste titre ! »

Un grand tronc d’arbre nu, juste garni de quelques branches, est couché à travers la scène. Au dessus, une sorte de guirlande lumineuse, semblable à celles que l’on trouve à bord des bateaux d’excursion. Voilà tout ce dont Zervoulakos a besoin pour décorer la scène afin de raconter l’histoire de l’homme qui fuit l’étroitesse de son pays pour essayer de trouver le grand bonheur. Peer Gynt, ce rêveur mégalomane, traverse sa vie aventureuse difficilement, se torturant aux cotés d’un public qui, la plupart du temps, s’ennuie fermement. Car sa vie est aventureuse, soit, mais tellement compliquée ! Chez le jeune metteur en scène, pendant une heure et demie, Peer Gynt vit cette vie et ses multiples facettes pleinement. Une heure et demie qui, du coup, passent en un rien de temps !

Dès la première scène, on sait à quoi il faut s’attendre : Pendant que Peer raconte un mensonge après l’autre à sa mère Aase qui est en train de balayer les feuilles mortes sur son exploitation ruinée qui pourtant avait été magnifique à une certaine époque, on entend chanter les oiseaux, on entend glousser les poules et grouiner les porcs. Tous ces bruits ne proviennent aucunement d’une bande sonore préenregistrée, mais de la bouche des autres actrices et acteurs sur scène qui endosseront encore d’autres rôles au cours de la pièce. Que de piaillements, de couinements, que de gloussements et de hennissements – on ne s’en lasse pas !
Par la suite, tout comme au début, il incombera à tous les protagonistes d’imaginer l’illustration sonore adéquate pour chaque nouvelle scène. Ces scènes qui ne se différencient les unes par rapport aux autres que par les changements de costume, effectués sur scène. Dans la forêt, où Peer emmène Ingrid après son enlèvement, vivent des hiboux et d’autres oiseaux nocturnes, le bateau qui fait presque naufrage avec Peer à son bord est entouré par une mer déchaînée et poussé par une violente tempête. Le bruitage est assuré à cent pour cent par les actrices et acteurs – ainsi que le «ÇA ALORS ! ».

La version, très abrégée, que Zervoulakos a choisie pour sa mise en scène, est celle de Peter Stein et Botho Strauss, qui a fait parler d’elle en 1971 à Berlin.
Le choix des acteurs, tous recrutés au Reinhardt Seminar à Vienne, en Autriche, où le metteur en scène a également rendu la copie de son travail de mise en scène, est une réussite totale.
Chez Lukas Spisser (Peer Gynt), pendant un court instant, on pouvait sentir, que les nerfs de celui-ci étaient mis à rude épreuve. Mail cela n’a rien enlevé au plaisir, qu’on avait à le regarder à chaque instant. Quel talent ! On lui souhaite de jouer encore beaucoup d’autres rôles du même acabit à l’avenir, car il pourrait bel et bien devenir l’un des très grands acteurs sur les scènes germanophones. Mais il serait injuste de le préférer aux autres : Stefanie Reinsperger, Patrick Seletzky, Wojo von Brouwer, Nadine Kiesewalter, Ulrike Rindermann, Bernd-Christian Althoff et Nike van der Let étaient des partenaires d’un niveau tout à fait équivalent. Tous étaient particulièrement convaincants dans les passages aux accents comiques.

Peer Gynt débarrassé du  superflu – pour que ne reste que l’essentiel !

Peer Gynt et les trolls, mise en scene de Sarantos Zervoulakos (c) Karl Forster

La scène qui commence dans la grotte du roi de la montagne par des taquineries exubérantes, qui bascule et finit par devenir mortellement menaçante, peut être considérée comme du très grand théâtre.
Peu de moyens – grands effets ! C’est l’équation que Zervoulakos maîtrise à la perfection. Il équipe ses personnages d’accessoires – petits, mais efficaces et les rôles, qu’il leur attribue, sont parfaitement bien distribués.

Reinsperger, en mère de la mariée un peu simplette, en princesse «fatale» des trolls, et en puissant capitaine, capable de remplir la salle de sa voix puissante, était un phénomène à part. On lui souhaite plein, plein de bons rôles et un agenda consultable pour pouvoir la suivre tout au long de son cheminement artistique. Tout comme Seletzky qui, barbouillé de sang, vient au monde en sortant d’un sac en plastique bleu électrique pour poursuivre son père en boitant tout de suite après. Dans le rôle du manager, un seul escarpin noir à hauts talons symbolisant un sabot suffit, pour marquer l’origine «infernale» du géant élancé. Nadine Kiesewalter dans le rôle d’Aase et dans celui d’un passager étranger vêtu d’une cape et capuche écossaises parlant un patois berlinois incroyable, ajoute en deux temps trois mouvements une bonne dose d’humour noir à ce personnage chargé de symboles. Chaque nouvelle scène se jouxte à la précédente sans accroc, sans rideau, sans remue-ménagesur la scène.

Cette idée et d’avoir fait le choix de raconter uniquement les années de jeunesse et les vieux jours de Peer Gynt ne font pas que «tendre» cette œuvre, mais cela s’avère être un véritable lifting ! Vient se rajouter une analyse de texte très fine de sorte à faire sortir de toute cette profusion un Peer, qui finit même par toucher les spectateurs dans son apparent échec.

Des idées pétillantes à la chaîne, un décor impressionnant, en l’occurrence une œuvre de Raimund Voigt, une troupe homogène, dont tous les membres sont, malgré leur jeune âge, très convaincants et une adaptation dans l’air du temps sont les pièces du puzzle que le metteur en scène qui est né en 1980 à Thessaloniki et qui a grandi en Allemagne a savamment réunies pour obtenir ce beau succès : Un exemple à suivre qui prouve, qu’une pièce historique n’a pas obligatoirement besoin d’avoir un rapport avec la réalité pour être interprétée de façon contemporaine. Pour être capable de prédire que cette mise en scène ouvrira toutes les portes dans tous les pays germanophones à ce jeune metteur en scène, point besoin d’être voyant.

Texte traduit de l’allemand par Andrea Isker


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