Les dix secondes de Contador

Dix secondes... C’est une broutille. Dans une épreuve de trois semaines cela représente peu de chose, mais à quarante-huit heures de la première étape pyrénéenne c’est un avantage psychologique certain. Ces dix secondes prises par Contador aux dépens de Schleck dans la montée finale avant l’arrivée à Mende (une montée baptisée Laurent Jalabert pour honorer la victoire de ce dernier en 1995) démontrent que l’espagnol possède son sujet. On le savait. Mais la facilité avec laquelle Contador a distancé Schleck dans cette rude ascension en dit long sur ses possibilités actuelles.

A deux kilomètres du sommet de la côte, Contador a répondu à un démarrage de son compatriote Rodriguez, réputé comme étant un « puncheur », un coureur capable de s’extraire d’un groupe lorsque la pente est raide. Contador a fait aussitôt la différence avec Schleck et a rejoint Rodriguez sans effort apparent.. Les deux hommes ont poursuivi leur progression et Rodriguez, plus rapide, s’est imposé au sprint pour la victoire d’étape. Schleck a franchi la ligne dix secondes plus tard. Il était très pâle. La violence de l’effort fourni ou la déception ? Sûrement les deux à la fois.

Schleck n’a pas eu une journée facile. La première heure de course n’était pas encore atteinte qu’une échappée à 18 se formait avec, outre six coureurs français, le Canadien Hesjedal (à 5'46 de Schleck au classement général) et Alexandre Vinokourov, le lieutenant de Contador qui recherche à la fois la victoire d’étape et un rapproché au classement général. Vinokourov qui, la veille, avait fourni de gros efforts pour replacer Contador en tête du peloton lorsque les Saxo Bank ont voulu créer une bordure semble posséder des jambes de feu. Il a animé cette échappée avec conviction et détermination. Il a contraint les Saxo Bank, les équipiers de Schleck à opérer toute la journée, sous la chaleur, une épuisante poursuite. Heureusement pour eux, dans les trente derniers kilomètres, d’autres équipes leur ont prêté main forte : Lampre, Cervelo, Liquigas et Omega en particulier. Ces alliés de circonstance intriguent par leur attitude mais parfois dans les courses cyclistes l’inexplicable arrive.

Vinokourov n’avait cure de ces alliances contre nature et a foncé vers l’arrivée, seul. Vinokourov a beaucoup à se faire pardonner sur ce Tour dont il fut exclu en 2007. Il y est revenu non seulement avec un niveau égal à celui d’autrefois mais encore avec la ferme volonté de se conduire en partenaire loyal de Contador. Il a abandonné ses attitudes dédaigneuses, ses déclarations empreintes de mépris et beaucoup trop orgueilleuses. Il a purgé une suspension de deux ans et est revenu dans le peloton assagi, du moins on l’espère. Il fut sur la route de Mende le grand animateur de la journée et est bien mal récompensé par une troisième place à l’étape. Dans les Pyrénées on le retrouvera aux côtés de Contador. Il aura alors surmonté la terrible déception qui fut la sienne de n’avoir pu remporter cette étape au cours de laquelle il avait tout fait pour en être le vainqueur.

Andy Schleck n’a plus maintenant que 31 secondes d’avance sur Contador. C’est peu. Son staff doit tout de même se poser des questions sur la tactique adoptée depuis le départ du Tour avec cette longue défense du maillot jaune de Cancellara. Dans pratiquement toutes les étapes,  les Saxo Bank ont imprimé en grande partie le rythme du peloton. Sur le papier, alors que le Tour approche de sa dernière semaine, on constate que l’Espagnol semble mieux entouré que le Luxembourgeois. En haute montagne, Schleck devra vraisemblablement se débrouiller tout seul. Ce ne sera peut-être pas le cas pour Contador.

Dès dimanche, il y aura une première partie de la réponse à cette hypothèse avec l’arrivée à Ax 3 Domaines. 

Jean-Paul