Les Monde du 15 et du 16 juillet proposent deux articles fort intéressants, sur le Kurdistan et la Jordanie.
1/ Dans le premier (voir aussi ici), Guillaume Perrier développe une analyse qui compare le Kurdistan à une seconde Palestine du Moyen-Orient. Disons, pour être tout à fait exact, que le Kurdistan serait la Palestine du Moyen Orient quand la Palestine serait celle du Proche Orient. Il reste que la comparaison est aisée : même population en place et non reconnue par un pouvoir qui veut exercer son autorité sur le territoire en question. D'ailleurs, il y a une certaine logique à entendre des voix israéliennes s'interroger sur le soutien turc au Hamas : "c'est comme si nous recevions Ocalan : que diriez-vous?".
2/ C'est ici qu'il faut mettre en regard l'autre article du journal, évoquant les difficultés de la monarchie jordanienne. Le pouvoir de celle-ci repose sur un subtil équilibre apporté par les grandes tribus du royaume (même si celles-ci se défendent d'être bédouines, voire d'être des tribus). Mais cet équilibre serait menacé par le déséquilibre démographique constitué par les Palestiniens, qui compteraient la majorité de la population.
3/ C'est ici que les deux situations se comparent vraiment : il ne s'agit pas seulement de l'oppression d'un pouvoir sur une minorité (et donc la seule question de l'autodétermination des peuples), mais aussi de l'extension de ces populations qui "débordent" le seul cadre originel : ainsi, les Kurdes vivent non seulement en Turquie, mais aussi en Irak, Iran et Syrie, où ils sont tout autant mis sous le boisseau (même si les choses vont "mieux" en Irak, du fait de l'organisation simili fédérative du pays, qui n'arrive d'ailleurs toujours pas à trouver un gouvernement...). De même, les Palestiniens ne peuvent plus seulement se résoudre à la seule "Palestine" sous mandat (Israël et les territoires occupés), mais aussi aux populations palestiniennes émigrées : Liban (guerre civile de 1975), Jordanie (septembre noir en 1970), mais aussi "diaspora" dans les pays du Golfe ou au Maghreb.
4/ C'est en fait la question qui a suivi la disparition de l'empire ottoman qui est ainsi posée. Nous avons vus que les Hongrois pestaient contre le traité de Versailles (et notamment de Trianon). Ce qui est posé avec les Kurdes et les Palestiniens, c'est la question des frontières héritées du traité de Sèvres qui organisait ce découpage post-ottoman. En Afrique, en 1960, l'OUA avait déterminé l'intangibilité des frontières issues de la décolonisation. La question demeure latente au Proche et au Moyen-Orient : Palestiniens et Kurdes en sont les révélateurs.
O. Kempf