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Et si le vrai luxe, c'était le silence ?

Publié le 16 décembre 2007 par Laurent Matignon

Lu dans le hors-série du magazine Psychologies de novembre / décembre 2007, intitulé "le vrai luxe".
Quelques personnalités ont choisi un thème afin d'illustrer ce numéro : celui retenu par Marc-Olivier Fogiel est le silence.
Son luxe ? Etre à la ville un homme taiseux. Et offrir la douceur d’une plage de silence à son invité du jour, lors de son émission matinale sur RTL : on ne pouvait pas le rater. Entretien avec ce journaliste, célèbre pour ses interviews télévisés en mode mitraillette, épris, dans la vie, de mutisme.
Interview de Véronique Blamont
Psychologies : Quelle est votre définition du silence ?
Marc-Olivier Fogiel : Sérénité, calme, plénitude. S’extraire du quotidien.
P : A quel moment y avez-vous recours ?
MOF : A plein d’instants où j’ai besoin de m’échapper d’un rythme trop trépidant. Une de mes collaboratrices, travaillant depuis vingt ans avec moi, soutient que « je me mets en conférence avec moi-même », jolie formule. Je peux, plusieurs fois par jour, au milieu d’une ruche, me dégager et accéder au calme total. J’ai la faculté d’entrer dans un silence intérieur et de ne même plus entendre les sons avoisinants. Ces « micro-pauses » régulières me permettent de recharger mes batteries, de repartir et de me remettre dans la frénésie de l’existence.
P : Le soir, chez vous, êtes-vous aussi motus et bouche cousue ?
MOF : Quand je rentre chez moi, j’ai besoin d’être seul dans un grand canapé de trois mètres de Caravane, en tissu marron foncé, couvert de coussins, avant d’aller me coucher et d’entrer dans le sommeil. Il me faut trois quart d’heures de silence pour réaliser une vraie coupure. S’il m’arrive d’aller directement au lit, ce ses de décompression indispensable me manque. Je n’écoute quasiment jamais de musique à la maison. Je ne regarde pas le petit écran, ou très ponctuellement.
P : A quoi pensez-vous pendant ces silences ?
MOF : Je ne réfléchis pas à des choses concrètes pouvant m’amener à prendre des décisions.
P : Où se balade votre esprit ?
MOF : Il est présent, mais de façon presque abstraite. Je me débranche pour ne pas être en suractivité. Ce qui me permettra d’arbitrer par la suite, mais pas dans la précipitation. Et de ne pas prendre n’importe quelle décision dans l’action.
P : Le silence est-il un luxe ?
MOF : Pour moi, il représente un équilibre de vie. Et puis, il a aussi l’immense mérite d’être un luxe accessible. Et ceci à toute heure de la journée.
P : Vous vous réfugiez dedans depuis quand ?
MOF : Depuis toujours, j’ai besoin de me retrouver face à moi-même.
P : Chez vos parents, était-ce calme ou bruyant ?
MOF : On était une famille de trois enfants. On vivait dans un climat d’activité et d’intimité, qui pour chacun se déroulait dans le silence. Nous ne déjeunions ni ne dînions ensemble. Aujourd’hui, on s’est un peu rééquilibré. Il nous arrive de nous asseoir à une table tous ensemble régulièrement.
P : Êtes-vous introverti ou extraverti ?
MOF : Les deux ! Dans l’existence, je suis en retrait, j’écoute, je ne suis pas un leader. A la télé, au centre d’une table, avec des gens autour de moi et du public : je parle. L’un va avec l’autre.
P : Est-il exact que vous appréciez le silence des monastères ?
MOF : Oui, il m’est arrivé parfois d’y faire des retraites. Aujourd’hui, je les visite. Car j’adore cette ambiance, son côté mystique, bien que je ne sois pas croyant. Le silence, l’anonymat, la cadence, le respect, la puissance de la pensée palpable. Ce sont des lieux fascinants dont je m’imprègne.
P : Dans votre métier, vous imposez parfois le silence, est-ce difficile à obtenir ?
MOF : A la radio, non : il s’agit d’un tête-à-tête. En revanche, il est difficile à établir à la télévision au milieu de la tête et du cirque. Toutefois, j’y parviens quand je reçois des artistes sensibles et fragiles, comme Arno, Raphaël ou Guillaume Depardieu. A ce moment-là, il me faut alors apporter de la douceur au milieu du tumulte électrique.
P : Pourriez-vous casser votre image en réalisant pour la petite lucarne des émissions paisibles à la Denise Glaser ?
MOF : J’adorerais le faire.
P : Est-ce que le silence est d’or et la parole d’argent ?
MOF : J’ai manqué de mots dans ma vie. On peut beaucoup souffrir avec le non-dit ou l’absence de parole. Il faut pouvoir s’exprimer, c’est indispensable.
P : Vous vous allongez sur le divan d’un psychanalyste depuis douze ans, quid du silence en analyse ?
MOF : Il est intéressant. D’un coup, vous êtes confronté à votre impossibilité de dire et vous allez chercher des choses très profondément au fond de vous-même pour nourrir la prochaine séance.
P : Vous ne vivez pas seul. Cette inclinaison au mutisme est-elle difficile pour l’autre ?
MOF : L’absence d’échanges permanents, c’est compliqué au début d’une relation. En amour, la difficulté était de faire comprendre à l’autre que le silence n’était pas une marque de désintérêt, mais un moment important pour moi. Avant, je ne l’expliquais pas à l’autre, j’avais l’impression qu’il existait un accord tacite. J’ai donc connu des échecs. Aujourd’hui, j’ai appris à délivrer mon mode de fonctionnement. Être taciturne est une sauvegarde de soi-même, un luxe pas forcément compris.
(Couverture du n° 1509 de Famille chrétienne, du 16 au 22 décembre 2006, à l'occasion d'un billet d'Edouard Hubert sur le film le Grand Silence)

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