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Un entretien avec le SGA pour les Opérations de l'Otan

Publié le 19 juillet 2010 par Egea

C'est une exclusivité, partagée avec AGS, que je vous propose aujourd'hui : en effet, S.E. l’ambassadeur Lawrence Rossin, secrétaire général adjoint délégué pour les opérations de l'Otan, a bien voulu répondre à nos questions sur les opérations actuellement conduites par l'Otan : Afghanistan, Kossovo, golfe d'Aden et Afrique sont au programme.

Un entretien avec le SGA pour les Opérations de l'Otan

Je remercie vivement l'ambassadeur Rossin de bien avoir voulu répondre à nos questions.

O. Kempf

Monsieur l'ambassadeur,

1/ La stratégie de McChrystal donne-t-elle de bons résultats ? Le décalage de l'offensive à Kandahar n'est-il pas le signe d'une hésitation à ce sujet ? Le retour d'expérience (Lessons Learned) de l'offensive du Helmand est-il aussi positif qu'on l'a cru tout d'abord, ou découvre-t-on des difficultés qui sont le signe de cette hésitation ?

Bien que d’importants défis doivent encore être relevés, des progrès réels et significatifs peuvent être constatés en Afghanistan. Les opérations militaires amenuisent les capacités des insurgés, tandis que les efforts portant sur la formation permettront de transférer ultérieurement les responsabilités aux forces de sécurité nationales afghanes. Le gouvernement afghan étend son influence aux provinces et districts et il développe sa capacité de fournir des programmes et des services, y compris en matière d’éducation, de soins de santé et d’infrastructures. Le nouveau cabinet met en œuvre les décisions prises par la Jirga consultative nationale de paix pour la réconciliation et la réintégration, et le gouvernement pilote la préparation de la conférence de Kaboul qui aura lieu à la fin du mois. La situation à Marjah est un bon exemple des progrès accomplis régulièrement, même s’ils ne sont pas spectaculaires. Parmi les progrès qui apparaissent plus clairement sur le terrain qu’à distance, citons le coup d’arrêt donné à la mauvaise influence des insurgés et des trafiquants de drogue, la libre circulation de la population dans les rues et l’organisation de marchés, la mise en place, pour la première fois, de structures pour une bonne gouvernance des districts et, par-dessus tout, la perception par la population que la FIAS s’engage à rester sur place.

Le changement demande du temps. La patience teintée de réalisme doit tempérer le désir de constater des changements rapides. Notre nouveau commandant de la FIAS, le général David Petraeus, a déjà rappelé que des mois difficiles nous attendaient car la FIAS et les forces afghanes sont confrontées aux insurgés en des endroits bien plus nombreux que jamais auparavant. Notre ambition est d’enregistrer des progrès durables plutôt que de trouver des solutions rapides mais éphémères. Nos représentants et le gouvernement afghan font à présent porter l’intérêt des civils et des militaires essentiellement sur l’engagement politique à Kandahar, ce qui constitue une entreprise bien plus complexe. Je partage largement l’opinion du général Petraeus, qui estime que de réels progrès pourront être constatés d’ici à la fin de l’année.

2/ L'observateur a du mal à comprendre la distinction entre la FIAS et l’OEF : pourquoi y a-t-il encore deux opérations ? Comment s'articulent les relations de commandement d'un chef américain qui gouverne les deux ? Ne faut-il pas revenir au débat de 2006 et conclure à une nécessaire fusion des deux opérations ?

Il faut distinguer les missions de la FIAS de celles de la coalition formée dans le cadre de l’opération Enduring Freedom (OEF). La FIAS garantit un environnement sûr et soutient l’extension de l’autorité du gouvernement afghan, tandis que les opérations de la coalition visent des cibles terroristes de grande valeur et procèdent à des arrestations. La FIAS et les forces de l’OEF travaillent en étroite coordination et harmonisent leurs activités tout en maintenant des missions distinctes qui se complètent mutuellement. Il est important de constater que le commandement « à double casquette » de la FIAS et de l’OEF garantit l’unité des efforts menés.

3/ Les états-majors en place à la FIAS ne sont-ils pas trop nombreux ? Deux EM tactiques/opératifs sur place se justifient-ils ? N'est-ce pas un moyen de remettre en cause le rôle du CFI (commandement de forces interalliés) de Brunssum ?

Pour des raisons opérationnelles et sur avis militaire, la structure de commandement de la FIAS a été modifiée l’an passé, un quartier général interarmées intermédiaire étant venu s’y ajouter et un nouveau QG de commandement régional ayant été créé dans le Sud-Ouest. Le QG interarmées intermédiaire poursuit la campagne conformément aux orientations stratégiques du commandant de la FIAS, ce qui rend le commandement et le contrôle plus efficaces pour une part importante des activités opérationnelles. Le nouveau QG de commandement régional Sud-Ouest, récemment détaché du QG de commandement régional Sud, est l’illustration du renforcement des troupes dans tout le Sud. Le rôle de commandant du Commandement de forces interarmées (JFC) de Brunssum n’est pas touché par ces modifications puisque le JFC est chargé d’apporter un soutien pratique, d’orienter et de diriger la mission de la FIAS. Le JFC de Brunssum assure aussi l’entraînement et la formation des forces et des QG désignés pour être déployés. Il exerce en outre une grande responsabilité au sein de la structure globale de commandement de l'OTAN hors Afghanistan, bien que sa première priorité reste d’assurer le soutien et la supervision de la FIAS.

4/ Pouvez vous donner de plus amples détails au sujet de l'ouverture de la route logistique nord : quel est son volume aujourd'hui et à terme (pourcentage en volume et en coût par rapport à ce qui arrive par avion, et par rapport à la route Karachi Peshawar) ? N'est-elle pas menacée par l'instabilité croissante qui se fait jour tant en Asie centrale (Kirghizie) que dans le Caucase ? Pensez-vous à une alternative par l'ouest, c'est-à-dire l'Iran ?

Les accords conclus récemment entre l’OTAN, le Bélarus, l’Ukraine, la Russie, le Kazakhstan et l’Ouzbékistan permettent actuellement le transport ferroviaire de fret non létal destiné à la FIAS transitant par ces pays à destination de l’Afghanistan. Un convoi test de 27 conteneurs en provenance du Royaume-Uni, de Belgique et d’Espagne a été acheminé par cette ligne de communication nord. D’autres convois sont prévus mais leur volume sera fonction des demandes formulées par les pays contributeurs à la FIAS. Cette ligne nord apporte aux responsables de la logistique une souplesse bienvenue et réduit les coûts jusqu’à 90% par rapport au transport aérien. Nous croyons en la possibilité de maintenir cette ligne de communication nord. Aucun besoin d’une route de soutien logistique transitant par l’Iran n’a été recensé.

5/ S'agissant des Balkans, la réduction de la KFOR est-elle conforme au plan de réduction prévu, ou y a-t-il accélération de cette décroissance ? Si oui ( ce qui paraît probable), n'y a-t-il pas de remise en cause de l'efficacité opérationnelle et de la structure de C2 ? Les OTHF (over the horizon force) et SRF (strategic reserve force) sont elles encore assez calibrées pour répondre à une crise urgente et localisée ?

La première étape du plan de réduction graduel de la KFOR ("Transition Gate 1") a été réalisée fin janvier 2010 comme prévu (10 000 personnels). L'effectif actuel de la force est de 9 250 personnels. Aucune nation n'a annoncé de retrait avant que le Conseil décide le passage à la seconde étape ("Transition Gate 2"), à l'issue de laquelle la force comprendra environ 5 700 personnels, articulés en deux "battle groups" multinationaux. Jusqu' à présent tous les pays contributeurs, alliés et partenaires, se sont engagés à respecter le principe "in together out together" et ont manifesté leur intention de s'abstenir de retraits unilatéraux et non coordonnées de leurs contingents respectifs.

La décision de passer à la seconde étape (Gate 2), qui représente une réduction importante des effectifs de la Force et sa restructuration, ne sera prise par le Conseil que sur avis de SACEUR. Cet avis militaire ne devrait intervenir que lorsque les capacités requises pour cette nouvelle phase, notamment le nombre d'unités de combat nécessaires pour la région de Mitrovica (six compagnies de combat) et les moyens de renseignement, de surveillance et de reconnaissance (ISR) indispensables à la conduite de la mission, seront en place.

Les réserves opérationnelles et stratégiques sont suffisantes pour leur mission spécifique.

6/ Golfe D’Aden: L’opération OTAN vous donne-t-elle satisfaction, alors que EUNAVFOR parait plus permanente? Faut-il employer les SNMG de façon permanente de cette zone d’opération pour pallier l’intermittence alliée ? Quels sont les critères qui vous permettent de justifier de efficacité de cette opération (nombre d’attaques déjouées, de pirates capturés, de bateaux contrôlés, autres critères)? Avec quels résultats?

L'OTAN apporte une contribution importante et spécifique aux efforts de lutte contre les actes de piraterie grâce à l'opération Ocean Shield et à l'emploi qu'elle fait actuellement de ses groupes maritimes permanents (SNMG) sans interruption. L'OTAN est un partenaire essentiel et précieux dans le cadre des efforts internationaux en la matière - habituellement, l'Alliance fournit en moyenne un tiers des navires de guerre déployés dans le couloir de transit recommandé sur le plan international (IRTC) dans le golfe d'Aden. En outre, l'OTAN a déjà apporté la preuve de son engagement durable dans ce processus en assumant le rôle de coordinateur de l'IRTC dans le golfe d'Aden, attribué selon un principe de rotation, et en prenant la présidence tournante, en juin, des réunions mensuelles tenues dans le cadre du mécanisme SHADE (Shared Awareness and Deconfliction Mechanism).

La lutte contre la piraterie au large des côtes somaliennes s'inscrit dans une action internationale conjointe et coordonnée, chaque acteur – l'OTAN y compris – jouant un rôle déterminant pour le succès global de ce combat. En menant des activités de lutte contre la piraterie, l’OTAN, en concertation avec d'autres acteurs de la région, a visiblement apporté une valeur ajoutée en termes de protection de la navigation et a contribué de façon significative à dissuader les pirates d’agir dans le golfe d’Aden. Cette présence militaire, combinée à un plus grand respect des meilleures pratiques de gestion par la marine marchande, a contribué à réduire considérablement le nombre d'attaques réussies dans le golfe d'Aden. En effet, dans le golfe d’Aden, en 2008, il y avait 33 attaques réussies, tandis qu’en 2009, ce nombre a été réduit à 18 dont la plupart n’ont pas suivi les des meilleures pratiques de gestion par la marine marchande. De plus, jusqu'à présent en 2010, dans le golfe d’Aden, 28 groupes d’action de pirates ont été démantelé par l’OTAN, mais aussi par les autres CTFs dans la région et la côte maritime seychelloise. En outre, des opérations coordonnées dans le bassin somalien par l’OTAN, mais aussi CMF et Atalanta -en réponse au nombre accru d’attaques (seulement jusqu'à présent en 2010, il y a eu 27 attaques)- ont permis le démantèlement important de groupes d'action de pirates. En effet, jusqu'à présent en 2010, dans le bassin somalien, 60 groupes d'action de pirates ont été démantelés par l’OTAN mais aussi par les autres CTFs dans la région et la côte maritime seychelloise. Sans ces opérations, le taux global d’actes de piraterie dans le bassin somalien aurait vraisemblablement augmenté de manière spectaculaire.

Toutefois, une solution plus durable à la menace que constitue la piraterie nécessite de doter les pays de la région de capacités de lutte contre ce fléau. Dans ce contexte, l'OTAN s'emploie principalement à aider les États de la région qui le souhaitent à développer leurs propres aptitudes à lutter contre les actes de piraterie en totale complémentarité avec les activités internationales existantes. En outre, le problème de la piraterie n'est que symptomatique de la situation qui règne en Somalie. À cet égard, l'OTAN apporte sa contribution en soutenant la mission de l'Union africaine en Somalie, à la demande de l'UA, en plus de son engagement dans la lutte contre la piraterie.

7/ Où en est-on de la MOFI (NTM-I): on évoquait une université de défense ou une force de gendarmerie: quelle est la structure de la mission déployée sur place ? Quel effectif pour quelle mission concrète ? Faut-il encore maintenir cette mission alors que d’autres priorités se font jour ailleurs ?

La mission OTAN de formation en Iraq (NTM-I) date de 2004. Elle assure aux forces de sécurité iraquiennes une formation stratégique, opérationnelle et tactique, ainsi que le mentorat et elle leur fournit des avis, à l’appui du développement d’un secteur de sécurité légitime et autonome en Iraq. Elle comporte également un programme pour la cession de matériel (EDP). Quelque 190 personnes participent à cette mission, à laquelle contribuent tous les pays de l'OTAN et un pays partenaire (l'Ukraine), qui lui fournissent du personnel, des équipements ou des ressources. La mission s’est adaptée et a évolué pour répondre aux besoins et aux demandes formelles d’un soutien spécialisé en formation adressées à l’Alliance par les divers gouvernements irakiens qui se sont succédé. Aujourd’hui, la formation de style gendarmerie organisée au profit de la police fédérale irakienne, ainsi que la mise en place et le fonctionnement d’institutions de formation militaire, dont un Collège d’état-major interarmées, un Collège national de défense et une Académie militaire à Ar Rustamiyah, sont deux aspects principaux des activités menées actuellement par la NTM-I. Bien que d’autres priorités s’imposent à nous, il est dans notre intérêt à tous de mener à bien la transition démocratique en Irak. À cette fin, l’OTAN continue de soutenir le gouvernement et le peuple irakiens, qui cherchent à atteindre cet objectif général en menant des activités spécifiques dans les domaines de la défense et de la sécurité.

8/ Quel soutien a la mission UA en Somalie? L’Alliance a-t-elle réussi a mettre en dispositif durable?

À la demande de l’Union Africaine, l’OTAN contribue à la mission de cette dernière en Somalie (AMISOM) dans le cadre d’un accord qui permet d’assurer, dans un premier temps, la constitution de capacités depuis juin 2008, deux experts de l'OTAN participant actuellement aux activités de l’Unité planification stratégique et gestion au siège de l’UA de manière à aider l’AMISOM à établir des plans financiers et des plans de stratégie militaire; ensuite, depuis juin 2007, l’OTAN contribue au transport aérien et continuera de le faire au moins jusqu’au 31 janvier 2011, des contingents de l’AMISOM du Burundi et de l’Ouganda ayant déjà été transportés par l’OTAN en septembre 2008 et en mars 2010, respectivement; troisièmement, l’OTAN assure un transport maritime depuis septembre 2009 et poursuivra cette activité au moins jusqu’au 31 janvier 2011. Il convient de noter à cet égard qu’à l’automne 2008, dans le cadre de l’opération Allied Provider, l’OTAN a escorté un navire de l’Union africaine transportant du matériel militaire du Burundi destiné à l’AMISOM.

Cette aide à l’Union Africaine est dirigée par celle-ci et guidée par les principes de l’appropriation africaine et d’une complémentarité et d’une coordination totales avec d’autres partenaires de l’Union Africaine. Cette assistance s’inscrit aussi dans une coopération opérationnelle plus large avec l’Union Africaine, en réponse à une demande de cette dernière portant aussi sur un soutien de l’OTAN à la mission de l’Union Africaine au Soudan, et dans l’assistance que l’OTAN porte actuellement à la Force Africaine en Attente (FAA).

L’OTAN est considérée comme un partenaire nécessaire et important, non seulement par l’Union Africaine mais aussi par la communauté internationale dans son ensemble pour ce qui concerne la Somalie. L’OTAN est en effet membre du Groupe de contact international sur la Somalie et du Groupe de contact des Nations Unies sur la piraterie au large de la Somalie. L’OTAN a également participé à la Conférence internationale sur la Somalie organisée en Turquie du 21 au 23 mai 2010.

Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie vivement d'avoir répondu à nos questions.


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