IL FAUT DIRE
Il faut dire.
Parce que nous ne savons pas.
Parce que nous ne savons
pas quoi dire
il faut dire.
Pour tromper l’attente d’incertain
il faut dire
il faut envoyer des mots buter contre l’air
Il faut
des mots
des mots parlés, des mots écrits,
des mots libérés
comme essaims de colibris
des mots évanescents sur le point d’éclater
ainsi que bulles tellement
ils sont fragiles.
Il faut dire même si ça n’a aucun poids
pour remplir l’espace vide
de nos échos
il faut des mots
qui se démènent,
mais pour rien
telle une dépense inutile
d’énergie,
une façon de rayer la limpidité
cristalline, la transparence
du silence.
Oui – il faut dire, il le faut à tout prix, mais s’il
le faut, s’il faut parler
c’est bien
pour ne rien dire
Oui - dire pour dire que nous ne disons
rien
quoiqu’on dise, quoi qu’on en dise
et pour cacher
que, peut-être, simplement
l’on a rien à dire
et qu’on aura jamais rien
à ajouter.
ALLO MAMAN BOBOS !
Le Bobo, maintenant, n’aime plus trop les Noirs,
il les trouve bien moins sympas
qu’il fut un temps.
L’enfant gâté ne connait que son bon plaisir
et lorsqu’il découvre ce que pensent vraiment
Amokrane ou Salif, ah ! Il tombe de haut
lui qui se croyait leur pote, leur allié
parce qu’il portait, de temps en temps, un boubou,
parce qu’il arborait, aux manifs, le keffieh
et se rendait, pour les sans-papiers
au concert
-certes, ça ne mange pas de pain, mais quand même !
Aujourd’hui, on le traite de privilégié,
on le met dans le même sac que les auteurs
de vilains faits, comme les abus coloniaux
Mustapha ne montre plus ses belles dents blanches.
On le traite de friqué, de fils à papa,
on lui choure son mobile dès que ça peut,
l’on ne veut plus rien savoir de sa compassion
seigneur, la paix des flipettes en est menacée.
Et le Bobo qui se voulait si différent
de son cousin de Passy, de Neuilly, d’Auteuil,
après avoir essuyé la larme à son œil
fait son deuil
et commence à croire ces derniers.
P.Laranco.