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Une trop bonne journée

Publié le 20 juillet 2010 par Ruminances

Posté par clomani le 20 juillet 2010

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 Mes passions récentes furent très liées à mon travail passé au desk étranger d'une télé publique. Elles s'appelaient Indigènes zapatistes mexicains, condition des noirs sous l'apartheid, Palestine en Israël. J'ai essayé d'en explorer quelques-unes en partant dans les pays concernés, seule et le plus près possible des “vrais gens”.

L'Afrique du Sud était un rêve de longue date. J'ai dû me le fabriquer le jour de la libération de Nelson Mandela (j'étais de permanence au desk étranger et j'ai même failli traduire en direct le discours de Nelson à sa sortie de prison au Cap car l'interprète n'arrivait pas). Quelques jours après, un journaliste de retour de Johannesbourg me donne une cassette et me dit : “va sur tel time code et là, mets le son à fond”. Ce que je m'empresse de faire. Le stade de Soweto plein à craquer de noirs vêtus de jaune et vert. Entrent alors Nelson et Winnie Mandela. La foule, qui attendait depuis des heures en plein soleil dans le stade se met alors à entonner « Nkosi sikelele Africa».

Moi, ça m'a complètement chavirée ! Les noirs sud-africains ont tellement souffert qu'ils sont devenus les spécialistes de l'appel à dieu, du gospel… Comme disait Nougaro, “les chants les plus beaux sont les plus désespérés” ! C'est ça qui m'a donné envie d'aller en Afrique du Sud. Quelques mois après en avoir fini avec chimios et rayons, une fois remise sur pieds, j'ai décidé que j'irais au bout de ce rêve-là. Je suis donc partie pour 3 semaines en Afrique du Sud en mai 2006. Jo'burg est une terrible capitale faite pour les bagnoles. Il n'y a aucun “centre” mais beaucoup de centres commerciaux. Les blancs y vivent comme retranchés derrière de hauts murs ceints de barbelés ou piqués de tessons de bouteilles. On ne peut pas marcher dans les rues… les seuls marcheurs sont les noirs venus en bus des townships du pourtour.  Les townships où étaient cantonnés les travailleurs noirs du temps de l'Apartheid sont difficilement solubles dans la nouvelle Afrique du Sud. La plus grande de Jo'burg s'appelle Alexandra, énorme amas de bric et de broc entouré de barbelées située à l'entrée de la ville lorsqu'on vient de l'aéroport. L'autre, la plus célèbre pour sa résistance, en passe de réhabilitation, c'est Soweto.

Grâce à une Française résidant là-bas et à son chauffeur noir, Herold,  j'ai pu vivre un des moments les plus riches en vibrations positives de ma vie d'adulte. J'ai détesté Johannesbourg, parce qu'on ne peut justement pas s'y promener, donc pas prendre la température de ses habitants, tous dans leurs grosses bagnoles climatisées, ou calfeutrés derrière leurs murs. Le seul moment où j'ai pu être en contact avec des Sud-Africains, a été mon passage à Soweto. Dès mon retour, j'ai raconté : En larmes ou presque depuis ce matin : j'ai eu des émotions fortes aujourd'hui… jamais été aussi positivement remuée comme ce matin. Après avoir visité la maison de Mandela (toute petite), direct au musée Hector Pieterson : un jeune lycéen tué lors de la fusillade des étudiants manifestant contre l'apprentissage forcé de l'Afrikaaner, dans les années 80… Dès l'entrée, on se retrouve avec un groupe de mamas venues célébrer la fête des mères et se souvenir, surtout. Je parle avec l'une d'elle, vêtue de son costume traditionnel, très joli,  avec comme des petites ailes en haut du dos… pas très bien compris la signification… elle  raconte alors qu'elle était en 5e et qu'elle faisait partie des manifestants… j'avais déjà la gorge nouée en entrant parce que tout ce que j'avais classé et reçu comme image d'Afrique du Sud dans les années 80, archives et images du moment, me remontait en tête… je parle à cette femme et un gros sanglot m'envahit alors. Elle me prend dans ses bras et je pleure ! Mpfou ! Ça fait chaud au coeur… jamais vu des gens aussi chaleureux et gentils, foncièrement gentils qu'ici… La mama m'invite, nous invite à les rejoindre car elles vont après dans un restaurant, je l'envoie à Herold qui doit mieux savoir où ça se trouve que moi…

Il n'avait pas écouté et on a été déjeuner dans un autre restau… où nous étions les seules blanches au début… après, une blanche est venue avec son petit copain noir.

Déjeuner dehors, il fait très chaud… le vent est rafraîchissant, nous prenons une bière SudAf… pas mal, légère… puis en route pour chercher cette église où il y a un récital de gospels… Parce que c'est surtout ça qui nous a attirées à Soweto. Herold avait promis à la Française de nous dégotter un concert, ce dimanche-là, dans la township.

Après avoir un tantinet cherché notre chemin, sur des petites routes en terre battue bordées de baraquements plutôt pauvres, on finit par entendre, au loin, des chœurs ! A y est, on y est ! On entre, moyennant participation… L'église en bois est pleine… que des noirs… Un groupe : hommes d'un côté, femmes de l'autre, est sur la scène et chante du gospel sous la houlette d'un “chef” de chœur.  Alors… rebelote : je pleure comme ce matin ! Quelle impression ! C'est difficilement descriptible, ces voix, qui sont si puissantes, toutes en parfaite harmonie… mais il y a aussi le spectacle… ils sont en communion, la salle entière est en communion, Mimine est en communion, moi aussi, et comment ! Il me semble que le plus “retenu” a été Herold… On s'assied, on voit, on écoute, on vibre, on sourit, les gens vous font de grands sourires, ils sont vraiment  amicaux ! Et  beaux en plus… les enfants courent un peu partout, certains nouveaux nés dorment dans les bras de leur mère, au milieu de ces chœurs si puissants ! Ça doit être ça, l'osmose ! P'tain quelle impression. J'en repleure en essayant de vous décrire ce qui se passe. Sur scène, ça chante, ça danse, le public va donner son obole, Mimine aussi, qui joue aux riches et donne un gros bifton… Ils sont deux groupes à alterner les chants mais l'un d'eux est bien meilleur.  Nous étions les 2 seules blanches de l'assemblée… rien que des vibrations positives et des sourires toutes dents blanches dehors, des regards si généreux… ça vous fait vous sentir comme une rivière qui sort de son lit… j'ai débordé, je déborde encore…

Après, nous avons parlé avec quelques hommes de notre groupe favori, dont le leader, qui dirige son chœur avec un bâton à palabres, le bâton du commandement… c'est tellement imagé… il voyage dans l'assistance et, sur la scène, le chœur suit tout mouvement, tout petit sursaut de la canne… et quel rythme ! C'est simple, j'ai travaillé mes abdoms et mes fessiers ainsi que les épaules : je n'ai pas arrêté de me dandiner sur ma chaise, tout le long des concerts. Dans la salle aussi, les spectateurs tapent dans leurs mains, amorcent des pas de danse… J'ai fabriqué un bateau en papier plié pour un enfant qui s'était approché tout sourire. Il est reparti tout content avec son petit bateau…

Quelle journée mes amis ! Je ne vous ai raconté que le 1/10e… mais c'est vraiment un moment inoubliable ! En prime sur la route du retour : le coucher de soleil, qui ne manque pas de chien ici ! Brèfles ! Ce fut le paradis… j'ai un peu de fièvre (because coup de soleil sur la tête)… pas grave. C'était une trop bonne journée…


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