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Au gué, les danses des jeunes

Publié le 09 mai 2007 par Argoul

We are stopped by the water and we must stay one night more in the ford camp. We have a shower on the other side of the river, in plain wood. Birds are flying and crying, two Dutch visitors are wandering, a Black boy emerges from the bath into the river, nude, and devours a mango. It is the vigorous life of Africa. At night, we go and see the dances of youth in the village: boys are jumping to seduce girls; girls are singing sad and falling in love songs for boys. Both will conclude afterwards in the bush. It is again the vigorous life in Africa…

Nous rentrons à notre camp d’outre rivière, nous déchaussant pour passer à gué. Un autre petit Noir vient me prendre la main ; je dois vraiment présenter une aura paternelle, rassurante et protectrice.

Nous marchons dans le lit sableux de la rivière que nous remontons sur quelques centaines de mètres pour nous rafraîchir et rejoindre le camp par derrière. La rivière fait une boucle en cet endroit. L’eau coule encore, bien que moins fort, et les lentilles de sable s’enfoncent parfois brusquement sous nos pieds. Des rapaces et des merles bleus volent sur les bords, là où il est plus facile sans doute de repérer les proies.

Après le thé, nous lisons puis repassons la rivière par petits groupes pour aller prendre une douche au camp d’en face, celui où nous devions camper. Trois camions à remorque attendent cette fois de passer. Un père et son fils de 14 ans, peut-être Hollandais, séjournent seuls dans le camping presque désert pour cause de gué. Un gamin noir d’une huitaine d’années passe, tout nu, entre le bain dans la rivière et le pré où jouer avec ses copains. Nous ne sommes plus habitués à voir ainsi déambuler des gosses dans le plus simple appareil. C’est naturel ici et, au bout de quelques jours, on ne le remarque même plus. Ils sont plus gracieux ainsi. Il faut tout le mauvais esprit puritain pour penser que l’on pourrait avoir du désir pour le nu plus que pour l’habillé. N’est-ce pas un vêtement minimum qui crée l’érotisme ? La nudité intégrale ne saisit pas. D’ailleurs, les jeunes filles aux seins à l’air, que nous croisons depuis hier, ne nous font pas plus d’effet que de curiosité. Silhouette gracile, le gamin se repaît d’une mangue en s’éloignant, à contrejour sur la rive.

Après la douche prise au bidon dans une case de bois, j’ai un sentiment d’aube du monde, assis dans ce pré de l’Afrique. Le ciel paraît plus vaste qu’ailleurs, où courent des cumulus en troupeau. Les arbres de la rive poussent vigoureux, leur racines plongeant dans la terre leur bras noueux et gris. Les merles bleus piaillent en voletant de branche en branche, les grillons crissent. Il y a de la vie dans cette vigueur lyrique de la nature africaine. La peau sèche rapidement malgré la moiteur orageuse de l’atmosphère.

Alors que le soleil descend, nous poussons en 4×4 jusqu’à un village Amer de la savane qui s’est bâti à l’écart de la piste mais pas trop loin de Turmi. Des danses traditionnelles sont réalisées par les jeunes, garçons et filles. La lumière dore les toits de chaume, joue sur les barrières de bois, se perd dans les épineux qui servent d’enclos aux chèvres qui rentrent. La peau des petits brille, la couleur des pagnes resplendit.

Le jeune garçon d’hier, frileux ce matin, s’est à nouveau dépouillé la poitrine ce soir. Il a demandé à un copain de lui moucheter le visage et le torse d’un bouchon de paille enduit de boue, ce qui lui donne pour les danses une apparence de panthère et un air un peu sauvage. Il est l’un des rares de sa classe d’âge au village, peut-être parce que sa naissance a coïncidé avec une période de restriction alimentaire. S’il a 13 ou 14 ans comme il les paraît, il est né en 1992 ou 1993. Mengistu, après 18 ans de dictature et d’économie marxiste-léniniste, venait juste de quitter le pouvoir, l’aide internationale commençait à arriver pour pallier la désorganisation due à l’insécurité. La production amorçait une remontée dès 1993 et, en 1994, une pluviométrie suffisante est tombée sur le pays.


Ethiopie danse des garcons Amer
Vidéo envoyée par argoul

p>La danse commence laborieusement, les garçons en groupe et les filles entre elles, sont plus occupés à échanger des potins qu’à se livrer en spectacle. Puis l’échauffement vient, la proximité des corps stimule, le soleil qui s’est à peine couché fait travailler les imaginations. Les danseurs se font face, tous les garçons d’un côté, toutes les filles de l’autre. Les garçons chantent, puis sautent. L’un d’eux, plus décidé, a choisi « sa » fille, celle avec qui il veut faire plein de choses le soir venu. Il se décide, saute plus haut que les autres et avance ainsi vers le groupe compact des filles. Il saute devant celle qu’il a choisie. Si la fille est d’accord, elle se sépare imperceptiblement du groupe et sourit ; sinon, elle demeure indifférente. Les adolescents sont beaux durant cet épisode. Ils se montrent à leur avantage, souples et forts, virils. Evidemment, seuls les pubères tentent le saut ; le jeune panthère n’en fait rien et ses copains plus petits non plus.

Après le saut des gars, qui recommence plusieurs fois, le temps de se monter la tête, arrive le chant des filles. Plus grêle, entonné à deux dizaines de gosiers, il est étrangement prenant. Je ne comprends rien de ce qu’il raconte mais il signifie l’éternité des sentiments : l’amour, la mort, la fidélité, et toutes ces sortes de choses.

Filles et gars concluront cette soirée de séduction par quelques galipettes dans les buissons. Il y a, une fois de plus, de la vie dans cette vigueur lyrique de la nature africaine…


Ethiopie chant des filles
Vidéo envoyée par argoul

Nous revenons au camp à la nuit pour le dîner sous les étoiles.


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