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Le “ressenti du vécu”

Publié le 17 décembre 2007 par Jlhuss

par Arion

Le verbe « vivre » était intransitif : tu vivais , et c’était déjà beau. Il admettait un adjectif attribut : tu pouvais « vivre heureux », tant mieux pour toi. A la rigueur, par une sorte d’abandon fataliste qui présageait toutes les dérives, on tolérait le complément d’objet interne : « Laissez-le donc vivre sa vie ! »

A présent, plus transitif que « vivre », tu meurs ! Bien ou mal, tu peux tout vivre : ton histoire d’amour, ton hépatite b, tes vacances à la Tranche ou les avanies de ta belle-mère. « J’avoue que j’ai du mal à vivre le pacs de mon ex avec Alex..» «Mais non, chérie, be quiet : avec son alloc et le job au black, Romain vit très bien son licenciement. » Ainsi vont les mots, les mœurs. Désormais, dans le vivre, l’absolu compte moins que les « objets directs » : dis-moi ce que tu vis, je te dirai si t’es chébran.

Or un glissement grammatical fait toujours le lit du suivant. Comme le substantif «vie » finissait aussi par nous gonfler avec ses grands airs de métaphysique, on s’est souvenu du participe passé « vécu », on lui a fait l’article et voilà du nouveau pour dire pareil en plus cool, plus distancié : « le vécu », c’est moins la vie que l’impression qu’elle donne, la vie comme on la ressent, comme on la dit. « C’est dingue comme cette meuf m’a chauffé en me dévoilant son vécu de vendeuse chez Giorgio ! »

Quel rapport, direz-vous, avec « La grille du coq », arionesque et néanmoins partiale chronique de l’Elysée, ses hôtes, ses recalés, ses aspirants ? Voici. On savait de longue date nos socialistes français friands de la distance, ce rien de décalage qui vous distingue du bidochon. Etre élu du 9-3 offre certes un vécu irremplaçable pour saisir au quotidien les servitudes et grandeurs du multiculturel, mais il faut aussi le courage de vivre sa différence en habitant le 7-5, tendance rive gauche. « En fait, mon cher Bertrand, tout est question de ressenti, les choses sont d’abord dans l’idée qu’on en a. C’est le sentiment de l’insécurité qui a fait gagner la droite en 2002, le sentiment de mes bourdes qui a fait perdre la gauche en 2007, et le sentiment de ta veine écolo qui te fera garder Paris en 2008.

–Bien vu, chère Ségolène.

Oui, plus encore que le vécu, ce qui compte en politique, selon ta belle formule de l’autre soir chez Mme Chabot, c’est le ‘ressenti du vécu’, la vie au troisième degré, toujours mieux qu’au troisième dessous… Eh bien, ma grande, tu sais ce qu’il me dit, mon vécu ? Hélas pour toi, mais c’est la vie : il me dit que l’opinion -à pied, en tram et à vélib- pourrait bien, dans son ressenti, me préférer à toi pour 2012.»

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