Clausewitz (VI, 4) Convergence de l'attaque, divergence de la défense

Ce chapitre poursuit l'étude le CVC de la défensive.

On reconnait dans le titre une remarque que je formulais dans un précédent billet (fin du §2). " L'attaquant se disperse quand le défenseur se concentre. Il est permis de douter de la portée générale de cette règle". Or Clausewitz semble dire maintenant le contraire.

1/ "Ces deux formes de l'emploi des forces reviennent si fréquemment que l'on tend presque inconsciemment à les considérer comme des formes obligées, alors qu'un début de réflexion suffit à montrer que ce n'est pas forcément le cas" (p. 273). Et plus loin : "la posture du défenseur est conçue comme attente, immobilité, celle de l'attaquant comme mouvement, se mouvant par rapport à l'autre" : effectivement, nous avons tous à l'esprit ce schéma.

2/ " Admettons que dans la plupart des cas, l'attaque par convergence des forces est la moins efficace" (p. 274). Clausewitz entend par attaque par convergence le fait que deux armées viennent de deux directions différentes pour attaquer, de façon convergente (et simultanée) le même défenseur, assis sur sa position. Cette précision explique son argumentation : "Quand les forces opèrent en convergence, de la circonférence vers le centre, on a considéré leur avance convergente comme avantageuse". "Les forces qui convergent exercent leur puissance vers un point commun : c'est là un véritable avantage, que ne partagent pas les forces déployées en divergence" (et notamment les effets redoublés des coups, ou la retraite qui est coupée à l'ennemi).

3/ Mais CVC précise : "l'attaque convergente sera d'autant plus efficace et décisive qu'elle portera sur un unité de faible taille" donc au niveau tactique.

4/ "Le déploiement divergent des forces comporte-t-il un avantage compensateur? C'est le coude à coude des troupes, leur mouvement sur les lignes intérieures. Nul besoin d'expliciter en quoi c'est là un multiplicateur de forces" (p. 275). "Si la défense se décide en faveur du mouvement"" (et donc, de la contre attaque, indispensable à la défense clausewitzienne), "(elle s'y lance certes avec un temps de retard sur l'attaquant mais avec assez de temps pour dénouer les liens paralysants de l'inaction), elle bénéficiera d'une concentration supérieure de ses forces et des avantages procurés par des lignes intérieures". Cela amène deux commentaires :

• la notion de temps : on a l'impression que le défenseur agit avec retard, et réaction, mais que cela a l'avantage de lever l'incertitude du brouillard de la guerre.
• l'importance des lignes intérieures rend la défensive plus efficace au niveau stratégique, puisqu'alors ces lignes sont plus importantes; mais aussi plus aléatoires, pourrait-on aussitôt ajouter.

55/ CVC donne alors la conclusion : "En bref, le rapport est identique à celui de l'attaque et de la défense: la forme convergente donne des succès plus vifs, la divergente des succès plus sûrs". Dès lors, "L'avantage donné par les lignes intérieures croît en proportion avec l'étendue" (p. 276). C'est qu'on est ici au niveau stratégique : " dans les grands espaces de la stratégie, il est bien rare que les mouvements de l'un ne restent pas quelques jours ignorés de l'autre; dans bien des cas, ces mouvements ne concernant qu'une partie des forces ou même d'importants détachements, passent inaperçus des semaines entières. La possibilité de dissimuler des forces est un énorme avantage pour le camp dont la position naturelle lui permet le mieux d'en profiter". On pense immédiatement, à lire ces lignes, au souci de la RMA et donc de la volonté de lever le brouillard de la guerre, ce qui permet alors une offensive à outrance, comme contre l'Irak de Saddam. Mais l'on voit que les propos du maître ont repris leur vigueur en Afghanistan, où les forces talibanes réussissent à mouvoir leurs forces de façon discrète et profitent dès lors de leur position défensive.

O. Kempf