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Lecture : "NIGHT TRAIN" de Nick TOSCHES (Polar).

Par Ananda

Nick TOSCHES : « NIGHT TRAIN », Rivages/Noir,2007.

Ce ne fut pas la vie d’un ange.

Non, plutôt celle d’un démon.

D’un homme damné. D’un homme marqué, tout droit sorti de la violence propre à toutes les sociétés esclavagistes.

Du boxeur Noir américain Sonny Liston, on peut bien dire qu’il a été marqué au fer rouge et en même temps totalement nié par son propre destin.

Un X (comme Malcolm), un « Personne » qui ignora jusqu’à sa propre date de naissance et n’eut jamais, au cours de ses plus jeunes années, à compter que sur lui-même, sur « Terre. Poings. Pieds ».

Une famille instable, éclatée, de graves maltraitances physiques de la part d’un père ( ?) qui avait été, durant sa propre enfance, un esclave, une jeunesse de voyou (de caillera, dirions-nous à présent, en France) à Saint-Louis, une extraordinaire force physique qui lui permettait de démolir n’importe qui, une âme virile, fruste encombrée de bien des « abysses obscurs », une mort aussi nébuleuse, aussi glauque que l’avait été sa pauvre naissance – tel est le portrait que nous dresse Nick Tosches d’un être tantôt attachant, voire fascinant par certains côtés, tantôt inquiétant comme peut l’être tout individu qui a atteint les frontières de la psychopathie.

Sans attaches (mis à part, peut-être, les milieux de la pègre et de la boxe que l’on découvre, ici, étroitement liés et sur lesquels cette biographie a le mérite de nous apprendre énormément), Liston- la – Bête n’était Personne, et n’allait vers nulle part. Comme ces trains de nuit aveugles. C’était un homme blessé (au sens figuré comme au sens propre) à l’état d’esprit de forçat. Je n’aurais pas été rassurée de me trouver confrontée à sa rage !

Nick Tosches a choisi de coller totalement au personnage. Peut-être parce que ce mal-aimé lui inspire une tendresse profonde, sincère. Par instants, on a l’impression qu’il se coule dans la peau de caïman de Liston, et/ou des gens de son espèce. A certains moments, ce roman me ramène à ces lectures de jeunesse que furent pour moi les polars harlémiens tragiques et baroques de Chester Himes (que ma mère m’avait fait découvrir).

Sonny Liston, je le connaissais (plutôt vaguement) comme adversaire de Muhammad Ali, comme « gros méchant patibulaire » du ring. Ce livre me fait découvrir un homme réel, dans toute sa densité, dans toute son indécidable complexité, dans toute l’inéluctabilité du tragique qui lui collait à la couenne.

Sonny Liston fut sans doute le boxeur le plus antipathique, le plus dur, le plus haï de l’histoire de la boxe. Une sorte de bloc de testostérone qui demeura toute sa vie à moitié malfrat (à la ressemblance des grands héros du Gangsta-Rap) et quasi-zombi, avec son regard si souvent déshumanisé, vidé de toute substance.

Ce qui le guidait ? La colère. La colère, dans son état brut.

Pauvre maudit sans nulle excuse !

Comme il y a des poètes maudits, il y a des boxeurs maudits. La preuve…

Un ouvrage qui, comme son titre l’indique d’ailleurs, transpire la nuit par tous les pores, sans concession…et ça nous bouscule !

P.L


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