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Un roman sur Twitter ? La vie rêvée (8)

Publié le 22 juillet 2010 par Perce-Neige
Un roman sur Twitter ? La vie rêvée (8)

On parle de lui comme d'un parent lointain. Un cousin par alliance qu'on ne voyait plus depuis longtemps. Disparu des écrans radars en 98/ Ou bien un peu avant (96) allez savoir. Parti bourlinguer aux 4 coins du monde. Passant le plus clair de son temps à somnoler dans un hamac. / S'extrayant de sa léthargie juste pour s'enfiler un verre de bourbon, de cognac ou de rhum. Un verre de vodka, pour finir le glaçon. Non ? / Six mois à Caracas fricotant avec on-ne-sait-qui. Puis trafiquant d'armes en Ethiopie (ça ne vous rappelle rien ?). Conseiller diplomatique. / Travaillant pour le compte du Renseignement. Ephémère ministre, même, d'une (très) éphémère république des trois collines, au nord du Congo. / Retiré des affaires, dit-on, pour couler des jours heureux à cinq heures de bus de Bombay. Vaguement au fait, toutefois. Toujours informé. / Acceptant à l'occasion d'apporter son concours. Moyennant rétribution. Immunités diverses. Promesses. En espèces. En nature. On peut rêver ! / Et puis, surtout, romancier dans l'âme. En cheville avec Gallimache. Puis avec le Treuil. Ou avec Gracher, Demoel ou Pelfond. On s'y perd. / Cinq ou six textes magnifiques. Mêlant allégrement tous les genres. Espionnage à la noix. Pornographie débridée. Romantisme d'opérette... / Juste à bonne distance de la réalité du monde. Naviguant au plus près de la vérité. Mais s'en écartant suffisamment pour être entendu. / S'affranchissant du carcan de la langue juste pour gagner un peu d'altitude. Tutoyer le ciel. Inverser la tendance. Sans cesser de rire ! / Ce qui pourrait même parfois passer pour le signe d'un profond déséquilibre, vous ne croyez pas... Par chance tous ne vous entendent pas ! / Et bien peu vous comprennent. Vos sarcasmes indigents passent pour un remède à l'ennui... Quant aux histoires que vous feignez d'inventer... / Quelle imagination, Paul ! Tous ces trucs complètement fous... D'où les sortez vous, Paul ? Hein ? On n'a pas idée, j'vous assure... / Le fait est que, parfois, on se demande. En pareil cas, mieux vaut ne pas répondre. Juste accepter de sourire. Lorgner vers le ciel... / Baragouiner n'importe quoi d'un air mauvais. Incliner poliment la tête en feignant l'introspection. Vous croyez que l'orage est passé ? / Celle qui vous parle semble soudain décidée à rejoindre le troupeau. Vu que certains se hasardent, désormais, à s'égayer dans le pré. / Elle vous attrape par la manche ni une ni deux. Ce nuage, là-bas c'est une blague ? Répète à l'envi qu'elle ne connait personne. Ou presque. / Suivez bien, je vous prie. L'arrière neveu du cousin de mon père... Et quant à l'oncle Freddy, je ne crois l'avoir jamais croisé. Ou bien... / Je répète. La cousine germaine de ma mère. Par alliance si vous voyez ce que je veux dire. Je m'embrouille. Vous voulez un verre de rosé ? / Celle qui vous parle... Au fond, je déteste ces mondanités. Comme il m'arrive de me détester moi même, savez vous ? De grands yeux effrayés. / A cinq mètres au dessus du sol. Une immobilité totale. Pas un souffle de vent. Un ange passe comme on dit. C'est assez technique voyez-vous. / Mon job ne se résume pas à ça, mais quand même. Oui voilà. La recherche de nouveaux médicaments. L'émergence de nouveaux virus. Passionnant. / Sans compter que d'autres épidémies, autrement terribles se profilent. Allez, ne restez pas sans rien boire ! Je vous ai présenté mon mari ? / On ne mesure jamais assez l'importance que revêt la manière de formuler de telles banalités... Il y a toujours 36 façons de s'y prendre ! / Tout est dans l'intonation de la voix. Mais aussi dans la mimique où l'on consent, parfois, à se trahir un peu plus qu'on ne l'imagine. / Sans parler de l'intensité du regard, susceptible d'introduire un léger trouble, pour ne pas dire plus, dans le cours limpide du discours. / Et quant aux gestes maladroits de la main, à ces brusques réparties du menton, à cet insensible tremblement de l'épaule, c'est à désespérer. / D'ailleurs, la photo prise précisément à ce moment là, et que vous venez juste de découvrir, révèle ce qu'à l'époque tout le monde ignorait. / Et vous le premier, naturellement. Le fait est, pourtant, qu'Hélène se détourne ostensiblement de Lionel surgi d'on ne sait où bizarrement. / Et Lionel a beau faire, tout parle désormais contre lui. C'est déjà de l'histoire ancienne, en quelque sorte. Tu t'en souviens, mon chéri ? / Sauf que Lionel ne semble pas décidé à se souvenir de grand chose. Il accepte bien de serrer la main qu'on lui tend, mais c'est tout juste. / Il écoute à peine et joue de son désarroi. J'hallucine, ou c'est de moi dont tu parles ? Car franchement cette histoire me ressemble, non ? / Et comment... Alors on apprend, en vrac, que monsieur, ici présent, est sorti 3ème de l'une des plus prestigieuses écoles de commerce... / Et puis que pour faire chic le même s'est expatrié cinq ans en Asie du Sud Est. Vietnam, Laos et Cambodge, on ne se refuse rien. Birmanie. / Tout cela serait trop long à détailler, n'est ce pas ? Mais oui ma chère, vous avez raison. Trente six mois à musarder au bord du lac Inlé. / Au moins autant sur les traces du Mahatma Gandhi. Au Tamil Nadu. Puis le Kérala et Bombay. Il en revient différent. Je me trompe, Lionel ? / Un éternuement en guise de réponse. Ca vous suffit, non ? Car vous ne savez pas tout ! Figurez vous le retour du grand homme en Europe... / Je vous passe sur l'allure générale que vous qualifieriez volontiers d'excentrique dans vos romans. Vêtements presque en loques. La totale. / Sandales rafistolées. Immense chapeau de paille, très pratique pour l'avion... Barbe douteuse qui traine jusqu'à terre. J'exagère à peine. / Mais voilà que survient, alors, l'évènement le plus improbable que l'on puisse imaginer. Une chance sur mille milliards. Voire moins. Fou... / Voilà, figurez vous, qu'à Bombay, sur le vol de la Thaï, Lionel gagne subitement le gros lot. Douze heures de vol à mes côtés, Paul ! / Douze heures à m'infliger sa présence. Douze heures sans dire un mot ou presque. Douze heures sans dormir. Douze heures à m'écouter... / Croyez le ou non, cinq semaines plus tard nous étions mariés... Hihihi. La plus grande blague de l'histoire contemporaine. Mais c'est ainsi. / Et sans doute la première grande erreur de ma vie, aussi, hélas. Je rigole Lionel, je rigole. Car pour être clair, nous sommes inséparables. / Là dessus tous deux feignent de se réconcilier. De passer l'éponge. Entreprennent tant bien que mal un pas de côté. Récupèrent le rythme. / S'emballent. S'harmonisent. Choisissent de prendre brusquement tout ça au sérieux. L'accordéon s'interpose. Et s'emballe. Plus vite Lionel ! / Et glissent. Et s'embrassent. Se payent le luxe de rire aux éclats. S'adressent aux convives. Qu'est-ce que vous en dites ? Inséparables... / A la longue le souffle vient toujours à manquer, non ? C'est exactement le moment qu'il faut saisir vous le savez mieux que quiconque, non ? / Laissons donc l’irrésistible Lionel s'écrouler quelque part. Renverser l'équilibre fragile d'une table montée sur tréteaux. Deux ou 3 chaises. / Une bonne dizaine de verres au moins. Une bouteille à moitié vide. Une pleine assiettée de cochonnailles. Les 4 fers en l'air, comme on dit. / Dans l'herbe encore humide. A tutoyer les pissenlits. Jurer comme un charretier. Pester. Bordel. Aussitôt entouré de la moitié du troupeau. / Pas de mal au moins ? Réconforté. Raccommodé. Récupéré in-extremis avant que le vin ne vienne à tacher le costume. Laissez, j'vous en prie. / Oui, voilà qui est nettement préférable. Car, il faut bien le dire, dans cette catastrophe vous venez d'hériter de l'inséparable Hélène. / Laquelle s'est littéralement précipitée dans vos bras. Ne s'accrochant à rien d'autre qu'à votre regard effaré. Reprenant sa respiration... /N'en pouvant plus de pouffer. De s'étrangler. Lionel... De s'étouffer. De tester son équilibre encore chancelant une fois celui ci revenu. / Mais tout en gardant prudemment la main posée sur votre bras. A la moindre défaillance se repliant tout contre vous. Quel vertige, Paul ! / La suite est plus confuse. Et se perd assez vite dans un maelström de souvenirs dont personne ne pourrait sérieusement garantir la véracité. / Entre un déjeuner qui s'éternise, à trois cent de mètres de là dans une salle municipale à mourir (je n'ai cessé de te chercher des yeux)... / Et diverses activités censées en rajouter dans l'exaltation de quelques-uns, l'hystérie collective, vous aviez bien failli vous perdre ! / Passons sur ce que vous avez dû raconter de sottises à cette arrière cousine qui découvrait votre existence à mesure que vous lui parliez... / Passons sur tous ces trucs proprement extravagants dont vous vous êtes joyeusement empiffrés comme si soudain votre survie en dépendait... / Passons sur les refrains scabreux (oh combien) que vous n'étiez pas le dernier à reprendre en chœur au point de vous en esquinter le larynx. / Passons sur les jeux de cache cache avec cette ribambelle de gamins qui se liguent pour vous dérober vos lunettes, fanfaronner, jubiler... / Attraper c'te chemise qui dépasse du pantalon. Se moquer. Se jouer de vos menaces. Revenir plus nombreux. Plus entreprenants. Téméraires... / Passons sur ces deux clébards à demi efflanqués, surgis du néant il y a si longtemps, et qui ne vous quittent plus d'une semelle désormais. / Passons... Car sans l'avoir cherché vous voilà dans la nuit aux abords du parking soudain plongé au cœur de l'action. Personne ne vous voit. / En victime éplorée, Hélène, dont vous reconnaissez à peine la voix. Éteinte. Épuisée comme il n'est pas permis. Personne ne vous entend. / Et dans le rôle du grand manipulateur, du grand inquisiteur, du grand emberlificoteur, du grand n'importe quoi, Lionel, oui. Y'a quelqu'un ?


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