De la même façon que les sociétés autoroutières sont des concessionnaires ayant une délégation de service public, les stations-service sont des concessionnaires des sociétés autoroutières. Et les sandwicheries qui occupent les stations-service sont, à leur tour, des concessionnaires de ces dernières. Un véritable jeu de poupées russes qui fait des appels d’offres des enjeux cruciaux pour les sociétés engagées, à chaque échelon du système.
Et d’ici 2012, les sociétés autoroutières (Vinci, Sanef, APPR ) renouvellent plus des deux tiers des concessions, soit 267 concessions de stations-service.
Vue la compétition féroce qui oppose dans ce domaine Total, Shell, Esso, BP, Agip, Avia, Carrefour, Leclerc et Dyneff, on pourrait penser que le métier de pompiste est très lucratif. Pas du tout, assurent les pétroliers, qui rentabilisent tout juste la vente d’essence à la pompe. Alors, pourquoi une telle concurrence des sociétés pétrolières dans la course aux appels d’offre ?
D’abord parce que la présence sur autoroute est une publicité indispensable pour les compagnies pétrolières. Mais ensuite, et surtout, parce qu’il existe un moyen de rentabiliser une stations-service : y installer une sandwicherie.
Ces nouveaux acteurs des stations-service que sont Paul, Brioche dorée, La Croissanterie, Pomme de Pain ou La Mie câline reversent 5 % de leur chiffre d’affaires à la société pétrolière. Cela suffit à rentabiliser les stations-service de cette dernière, apparemment, puisque de tels contrats se développent.
Et, comme l’a révélé le cabinet d’études Xerfi, le chiffre d’affaires des ventes des sandwicheries des stations-service s’est monté à 12 milliards d’euros en 2009. La marge est d’ailleurs imbattable : un pain au chocolat coûte à la sandwicherie 30 % de ce qu’il lui rapporte. Tant et si bien que les sandwicheries des stations-service contribuent à la moitié de leur activité.
À l’origine de ce phénomène, une évolution du mode de consommation des automobilistes : alors que la station-service était naguère un endroit où l’on prenait de l’essence et faisait son besoin, elle devient de plus en plus un endroit où l’on se restaure. Finis les sandwiches emballés dans l’aluminium la veille au soir, et avalés assis dans la voiture et les pieds posés sur le parking.
Désormais, les automobilistes s’arrêtent pour manger, et sont prêts à payer un peu plus cher les services d’une sandwicherie, pouvant ainsi s’y asseoir.
Cela fait tourner les stations-service, se félicitent les sociétés pétrolières. Ce qu’elles oublient de dire, c’est que si la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) était à un niveau moindre, les automobilistes, moins pressurés par le prix de l’essence, seraient peut-être plus enclins à prendre leur carburant sur l’autoroute, au lieu de se précipiter sur les stations de ville pour y faire le plein et ainsi économiser de précieux euros. Car au final, les taxes qui pèsent sur les sociétés pétrolières retombent sur les conducteurs.